Que se serait-il passé sur le champ de bataille de Solférino si Dunant avait crié pour mobiliser les habitants de Castiglione « Tutte Sorelle », toutes sœurs, plutôt que « Tutti Fratelli », tous frères ?

Probablement rien car le Fratelli en question, bien que masculin, englobe évidemment tout le genre humain. Indistinctement, femmes et hommes du petit village de Castiglione portèrent secours aux soldats blessés français, sardes et autrichiens abandonnés sans soin.

Eclectiques…

Voici quelques portraits mis en avant dans l’Humanitaire dans tous ses Etats. Une liste aussi éclectique que non-exhaustive d’héroïnes Croix-Rouge… Qui se souvient de Jeanne Macherez, « première mairesse de France » ? Qui se souvient de la quêteuse anonyme de la Commune de Paris ? De Marguerite Frick-Cramer, pionnière du CICR ou de Jeanne Egger première déléguée du CICR sur le terrain ? De Marie Marvingt, la fiancée du danger ? De Romaine Brooks et de son modèle Ida Rubinstein pour la « France Croisée » ? De Elsi et Mairi, les courageuses secouristes de la Première Guerre mondiale. De Sarah Bernhardt et de son ambulance ? De Monowara Sarker, pionnière du Croissant-Rouge du Bangladesh ? De Florence Nightingale, statisticienne et infirmière ? De Joséphine Baker, panthéonisée, du Music hall aux droits civiques, de la Croix-Rouge à la résistance ? De Bertha Von Suttner, baronne, militante pacifiste et faiseuse de prix Nobel ?

Féminisme sauce Croix-Rouge

Certes, la Croix-Rouge est une histoire d’hommes si l’on considère les cinq fondateurs du CICR : Henry Dunant, Gustave Moynier, Guillaume-Henri Dufour, Louis Appia et Théodore Maunoir. Mais c’est aussi et depuis les débuts, une histoire de femmes empreintes d’émancipation. Dans les sphères aristocrate et bourgeoise, la Croix-Rouge est vite devenue le fleuron laïc de ce que l’on nommait charité.

Quitter la ferme ou l’usine pour devenir infirmière

Côté peuple, la Croix-Rouge est apparue comme un vecteur d’émancipation et ce, notamment avec la naissance de la formation au métier d’infirmière. Le premier diplôme en France date de 1879. Pour devenir soignante, il fallait alors s’engager, quitter la ferme ou l’usine pour devenir l’indispensable maillon du bon fonctionnement des ambulances et hôpitaux. Il fallait prendre des risques, s’exposer, soigner, consoler malades et blessés mais aussi organiser et moderniser les soins. La Première Guerre mondiale a consacré le rôle de l’infirmière. Sur les trois organisations qui constituaient à l’époque la Croix-Rouge française, deux étaient quasiment exclusivement féminines : l’Union des Dames de France et l’Association des Femmes françaises.

La parité sans trop se presser

Certes, la marche fut longue. Il aura fallu, par exemple, pas moins d’un siècle pour que le CICR confie enfin les rênes opérationnelles à une femme : la première déléguée terrain, Jeanne Egger dans le Zaïre des années 60. Aujourd’hui, l’organisation annonce tutoyer la parité parmi son personnel… Bravo ! Le prochain président de l’institution sera d’ailleurs et pour la première fois de sa longue histoire, une présidente.