Swissinfo vient de publier un portrait de Marguerite Cramer, première femme à avoir assumé d’importantes responsabilités au sein du CICR de 1914 à 1945.

1914 : l’entrée d’une femme au Comité

Guerre 1914-1918. Genève, Musée Rath, Agence internationale des prisonniers de guerre. Direction des Services de l’Entente.

Marguerite Cramer (1887-1963), historienne et juriste, est la première femme à siéger à l’Assemblée du Comité créé un demi-siècle auparavant. Elle est cooptée par ses pairs alors exclusivement masculins. Pendant trois décennies, elle contribuera à l’action de l’institution, débutant à l’Agence internationale des prisonniers de guerre, s’impliquant fortement dans la rédaction de la troisième Convention de Genève sur le sort des prisonniers de guerre. Elle défendra, depuis Genève, les valeurs et principes de l’action et du droit international humanitaires. Marguerite Cramer quittera le CICR juste après la Seconde guerre mondiale pour des raisons qui demeurent encore aujourd’hui peu claires.

Malgré son action, on ne saurait la qualifier de « première déléguée ». Etre « délégué » du CICR sous-tend être dépêché sur le terrain pour représenter le Comité de Genève et les valeurs qu’il incarne.

A lire sur le blog des archives du CICR, la passionnante biographie de Marguerite Cramer

« Délégué », la terminologie date de 1864

Brigitte Troyon et Daniel Palmieri (*) rappellent dans un excellent article de 2009, délégué du CICR : un acteur humanitaire exemplaire, « (…) l’apparition du « délégué » est quasiment consécutive à celle du Comité international de la Croix-Rouge. En effet, le tout jeune Comité décide en mars 1864 (soit une année après sa fondation) d’envoyer deux « délégués » auprès des belligérants danois, d’une part, et austroprussiens, d’autre part, qui s’affrontent alors à propos des Duchés du Schleswig et du Holstein (…) »

Cette décision d’envoyer deux délégués, l’un en Allemagne, l’autre au Danemark semble avoir été prise le Général Guillaume-Henri, président du CICR, pour qui le devoir incombe de conserver le « cachet d’impartialité et d’internationalité » auprès des belligérants.

Etre Suisse, le sésame pour accéder au terrain

A cette époque, le délégué est forcément Suisse. Longtemps, la neutralité politique helvétique se confondit avec la neutralité humanitaire telle que définie par le CICR et son rôle d’intermédiaire neutre dans les conflits armés. La mononationalité fut une part importante du sésame qui permit au CICR de s’interposer entre les puissances ennemies pour faire valoir la protection des victimes.

Le Dr. Marcel Junod, « le troisième combattant », incarne la neutralité du CICR. Suisse et délégué par le CICR pour mettre en oeuvre la diplomatie humanitaire de l’institution. Ici pendant la guerre d’Espagne en 1936.

Dans les années 90, la mononationalité disparait faute de « troisièmes combattants » suffisamment nombreux pour appréhender les conflits post guerre froide qui nécessitent de plus en plus de personnels expatriés. Seul le Comité du CICR, composé d’une vingtaine de membres cooptés à Genève qui veillent à la direction prise par l’institution, demeure exclusivement Suisse.

Mais depuis trente ans, des milliers de collaborateurs de diverses nationalités occupent désormais des postes à responsabilité. Ceci a permis d’élargir sensiblement le vivier de délégués mais introduit le problème de la nationalité. Celle-ci peut porter atteinte à la perception de neutralité de l’institution et dans le pire de cas exposer la sécurité des personnels.

La première déléguée : Jeanne Egger

Jeanne Egger, première femme déléguée du CICR (1963)

Secrétaire du chef de délégation du CICR au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo) alors en plein conflit d’indépendance, Jeanne Egger est la première femme à prendre la tête d’une délégation opérationnelle. Nous sommes en 1963. Un siècle tout juste après la création du CICR, une femme accède à la plus haute fonction sur le terrain. Elle bénéficie des attributs diplomatiques que lui confient le statut et le mandat uniques du CICR. C’est son chef qui, quittant le Zaïre, la promeut à cette fonction avec l’aval de sa hiérarchie genevoise.

En 2015 nous l’avions rencontrée chez elle à Genève.

(*) Brigitte Troyon est aujourd’hui cheffe de division des archives et Daniel Palmiéri historien, tous deux au CICR.