1er septembre 1914 : L’offensive allemande est sans pitié pour Soissons. La ville est soumise à d’intenses bombardements. Ceux qui n’ont pu fuir se terrent dans les caves. Quant aux hôpitaux, ils regorgent de blessés. Le maire, a abandonné son poste. Jeanne Macherez, solide infirmière de 63 ans prend les rênes de la ville désormais occupée. Veuve de sénateur et fille du pays, elle préside la section locale de l’Association des Dames Françaises (*) et organise les secours.

Si Soissons reste la première capitale de la France (mais si, Clovis et son vase…), Jeanne Macherez, elle, en est désormais la première femme maire. Certes le mandat est court : 12 jours (!) ; juste le temps pour les armées allemandes d’abandonner la ville sous les coups inattendus et inespérés de la contre-offensive sur la Marne (grâce aux fameux taxis du général Gallieni).

Mais pour l’heure, dans Soissons dévasté, Madame Macherez est bien décidée à mettre l’occupant au pas.

« Le maire c’est moi ! »

Le 3 septembre 1914, un officier allemand, en quête de ravitaillement traverse, ceint d’un cordon d’otages français, la ville dévastée. Direction la mairie. Il exige de parler au premier magistrat de la commune et menace : « Si le maire ne se donne pas à connaître, la ville sera mise à sac, incendiée ! ». Jeanne Macherez lance au casque à pointe interdit : « Le maire, c’est moi ! ».

12 jours durant, l’infirmière Croix-Rouge négociera, préviendra exactions et pillages. Elle ira même jusqu’à menacer de s’offrir au peloton : « Si vous osez commettre cela, alors c’est que vous m’aurez fusillée avant ! ».

Jeanne et Germaine, femmes de combats

Jeanne Macherez n’est pas seule. Elle est assistée durant tout le conflit de Germaine Malaterre-Sellier.L’infirmière Croix-Rouge, de trente ans sa cadette deviendra bientôt une grande militante féministe.

Au courage flirtant parfois avec l’inconscience – blessée au genoux par un éclat d’obus, la jeune femme, claudiquante, continue de prodiguer des soins aux blessés sous le feu –  elle travaille aux côtés de Jeanne à l’hôpital auxilliaire 201 et dans la dizaine d’ambulances réparties dans Soissons.

Les deux infirmières reçoivent la Croix-de-Guerre. En 1916, elles se partageront les 15000 francs du Prix Audiffred de l’Académie des Sciences morales politiques.

Féministe revendiquée, Jeanne Macherez (1852-1930) ne put qu’admirer, après-guerre, l’engagement militant de Germaine (1889-1967). Elle deviendra vice-présidente de l’Union féminine pour la Société des Nations (SDN) ainsi que de la Ligue internationale du désarmement moral par les femmes. A la fin des années 30, elle prendra la tête de la commission paix du Conseil international des femmes puis celle de l’Union française pour le suffrage des femmes.

PS : 40 ans après l’autoproclamation de Jeanne Macherez, une femme accedait en 1944 à la mairie de Soissons, la communiste, Raymonde Fiolet. Quant à la première maire de l’histoire, il s’agit de Marie-Rose Bouchemousse nommée en 1943 par le funeste régime de Vichy, à la tête de la commune de Vigeois en Corrèze…

(*)  l’une des trois organisations qui, à l’époque, avec la Société de Secours aux Blessés Militaires et l’Union des Femmes de France partage la même appellation : Croix-Rouge Française).