Bertha von Suttner… Baronne Bertha von Suttner, s’il vous plaît. Elle est la première femme à recevoir le Prix Nobel de la Paix en 1905.

Née Gräfin Kinsky von Wchinitz und Tettau, issue d’une lignée militaire de la haute aristocratie austro-hongroise, la future baronne von Suttner voit le jour à Prague en 1843. Orpheline de père à la naissance, elle reçoit une éducation éclectique. En plus de l’allemand, elle maîtrise le français, l’italien et l’anglais. A sa passion pour la musique s’ajoute celle des voyages. Sa mère, Wilhelmine, addicte au jeu, subit de grosses pertes d’argent. En quelques années elle dilapide l’héritage de feu son mari.

Le revers de fortune oblige Berta à entrer dans la maison von Suttner comme gouvernante et professeur de musique. Elle y dispense également des cours de langue aux quatre filles du baron. Elle a 30 ans et s’entiche du fils de la maison, Arthur, le Baron héréditaire de 7 ans son cadet. Elle l’épouse en 1876. Originaux, tous deux se destinent à l’écriture et au journalisme.

Le Nobel de la Paix, c’est elle

Femme de tête et de cœur, Bertha consacre sa vie au pacifisme. Le combat commence avec Alfred Nobel, l’inventeur de la dynamite (elle sera sa secrétaire quelques temps à Paris) avec lequel elle entretiendra une correspondance assidue jusqu’à sa mort en 1896. Le vieux savant tient à s’exonérer du mal que fait son invention dans les guerres en promouvant désormais la paix… Le testament d’Alfred mis en œuvre par Bertha, devient le Prix Nobel de la Paix.

Dunant et Passy, premiers lauréats du Prix Nobel de la Paix en 1901

Elle fait tout pour que les premiers récipiendaires soient, en 1901, Henry Dunant pour la fondation en 1863 de l’œuvre de la Croix-Rouge et Frédéric Passy, pour la fondation en 1870 de Société d’arbitrage des Nations (future SDN et donc future ONU). Un philanthrope agitateur suisse et un député pacifiste et féministe français.

Comme Dunant, 25 ans auparavant

Fondatrice et vice-présidente du Bureau international de la Paix, auteure du best seller traduit en 12 langues et préfacé par son ami Gaston Moch, « Die Waffen nieder !/  Bas les armes ! « (1889), la baronne court l’Europe. Son combat : convaincre les faiseurs de guerre de la nécessité de la Paix. Elle complète ainsi la lutte menée pour la même cause par la Deuxième Internationale auprès du prolétariat chair à canon ! Quelque soit la classe sociale, la paix en cette fin du XIXème siècle a une portée universelle.

En fait, Bertha von Suttner agit de la même façon que Dunant 25 ans auparavant avec « Le souvenir de Solferino » (1862), le célèbre texte pamphlet sur comment « humaniser la guerre », fondements de la Croix-Rouge et, plus globalement, ceux de l’action et du droit international humanitaires.

La vie de Bertha est un roman jusqu’à sa fin. Pour preuve, la militante pacifiste, féministe, romancière, journaliste, auteur de science-fiction (!) fille de la noblesse austro-hongroise meurt à Vienne le 21 juin 1914 ; soit une semaine avant l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc son lointain cousin. On connaît la suite, funeste, terrible dont elle avait prévu l’horreur dans l’un de ses derniers articles. Un peu comme Henri Dunant dans son visionnaire pamphlet, « L’avenir sanglant ».

A lire également les autres chroniques « Femmes de l’humanitaire », Marie Marvingt, Sarah Bernhardt, Romaine Brooks, Jeanne Macherez, Joséphine Baker.