Il y a 200 ans, naissait Maxime Du Camp. Le nom ne dit plus grand-chose aujourd’hui pourtant « l’ami de Gustave Flaubert » demeure un journaliste, un photographe et un polygraphe à l’œuvre foisonnante. L’écrivain voyageur est l’auteur, entre autres, d’un livre sur les balbutiements de l’action et du droit international humanitaires : « La Croix-Rouge de France – Société de secours aux blessés militaires de terre et de mer ».

Ce livre, publié en 1889 pour les 25 ans de la Croix-Rouge française est un précieux témoignage rédigé dans le style encyclopédo-journalistique, propre à Maxime Du Camp (*). On y trouve beaucoup de parallèles avec le  « Souvenir de Solférino ».

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L’action indissociable du droit

Pour Maxime Du Camp (1822-1894), l’aventure commence avec la guerre de Crimée, au mitan du XIXème siècle. Elle se poursuit en Italie, à Solférino notamment, puis en France pendant et après la défaite de 1870 face aux Prussiens. Du Camp, relie constamment la Croix-Rouge à la Convention de Genève.

(…) La Croix rouge est le symbole de la convention de Genève. La convention de Genève est le contrat international en vertu duquel les blessés, les ambulances, le service sanitaire attaché aux armées, sont neutralisés en temps de guerre.
Il a fallu des siècles, il a fallu des hécatombes, des cruautés sans nom et des négli gences criminelles pour que cette idée si simple s’imposât, trouvât sa formule, prît un corps et apportât quelque soulagement aux maux que la civilisation semble s’efforcer de rendre plus barbares de jour en jour.

Puisque la science épuise ses efforts en inventions meurtrières, que la paix, dont chacun parle avec emphase, ne sert qu’à préparer la des truction des peuples, puisque aujourd’hui, à la plus grande gloire du progrès moderne, des nations entières sont menées par leurs chefs au massacre, comme des troupeaux que le ber ger conduit à l’abattoir, il était naturel que la pitié, la sainte pitié, fît entendre sa voix et réclamât les droits de l’humanité, qui sont les devoirs de la créature humaine. (…)

Maxime Du Camp in La Croix-Rouge de France

Dunant, Larrey, Palasciano…

Du Camp dans son ouvrage rend hommage à Dunant mais aussi au Baron Hippolyte Larrey, chirurgien en chef des armées françaises ou encore à Ferdinando Palasciano, médecin italien. Ces deux derniers, comme Dunant, revendiquent la neutralité du blessé et donc du sauveteur. La geste humanitaire est inscrite dans le positivisme de l’époque mais occupera tout le XIXème siècle… La modernisation des évacuations sanitaires remontent aux guerres de la Révolution française…

(…) L’idée de la convention de Genève, l’idée à jamais féconde, à jamais bénie de la Croix rouge, a germé sur le champ de bataille de Solferino. Cette idée est, en principe, si bien hostile à la guerre, que les hommes de guerre l’ont d’abord repoussée. Aujourd’hui encore ils la subissent plutôt qu’ils ne l’acceptent. Ils signalent dans son application mille inconvénients qui, en réalité, se neutralisent, puisqu’ils sont semblables pour les armées en présence. Ce qui a vaincu leur mauvais vouloir, ce qui les a contraints à donner place à la Croix rouge, c’est l’humanité, c’est ce sentiment intime, vibrant au plus profond des cœurs, qui domine tout par la pitié, s’émeut à la souffrance et ne re cule devant rien pour la soulager. (…)

Maxime Du Camp in La Croix-Rouge de France

… Et Florence Nightingale

« La Croix-Rouge de France » est un témoignage passionnant sur la genèse d’une société nationale de secours mais aussi sur la compréhension et la mise en oeuvre de la Convention de Genève sur le sort du soldat blessé en campagne. Du Camp donne aussi la mesure des progrès accomplis en très peu de temps par la médecine d’urgence, les moyens de transports et d’évacuation des blessés et malades. Il place également les femmes au centre de l’action humanitaire moderne. Depuis Florence Nightingale en Crimée aux premières infirmières diplomées, elles sont passées de cantinières à pierre angulaire du secours.

Du Dunant chez Du Camp (et inversement)

(…) Avec une énergie malsaine, puissamment entretenue, qui fausse les ressorts de la probité si péniblement acquise, on excite les hommes à faire le contraire de ce qu’on leur a enseigné dès l’enfance. Le rapt, le vol, la violence, le meurtre, la ruse, qui pour toute civilisation sont des crimes, deviennent des vertus, les plus belles que l’on puisse louer (…)

Maxime Ducamp in La Croix-Rouge de France

(…) On a l’habitude de dire qu’un homme doit savoir se sacrifier pour sa famille: cela est juste; mais en faisant un pas de plus, on ajoute que la patrie va avantla famille, c’est à dire que la famille doit, le cas échéant, être sacrifiée à la patrie. Alors pourquoi n’est-on pas conséquent jusqu’au bout, et pourquoi ne pose-t-on pas aussi en principe que l’humanité doit aller avant patrie ? (…)

Henry Dunant in L’avenir sanglant

(*) Tout passionné d’histoire se doit de lire le monumental « Paris, ses fonctions, ses organes et sa vie ».