Depuis sa fondation en 1863 jusqu’à son rôle dans l’élaboration du droit international humanitaire (DIH) moderne, l’action humanitaire neutre, impartiale et indépendante du CICR s’est adaptée à différents conflits et autres situations de violence.

Ce guide de recherche offre un aperçu des moments clés de l’histoire du CICR, une panorama vers l’exploration de la vaste bibliothèque et des archives du CICR ainsi que de la richesse des documents disponibles sur le site web du CICR. Le texte ci-dessous a été initialement publiée sur icrc.org en 2010.

Fondation et premières années du CICR (1863-1914)

Bataille de Solferino, juin 1859. © CICR

La Croix-Rouge est née à l’initiative d’un homme appelé Henry Dunant, qui aida les soldats blessés après la bataille de Solférino en 1859, puis incita les dirigeants politiques à prendre davantage de mesures pour protéger les victimes de la guerre. Ses deux grandes idées étaient l’élaboration d’un traité qui obligerait les États à soigner tous les soldats blessés et la création de sociétés nationales qui soutiendraient les services médicaux militaires.

Un Souvenir de Solferino est publié en 1862. Dans ce livre militant, Dunant expose ses idées. La Société d’utilité publique de sa ville natale, Genève, adhère à ces idées et forme un groupe de travail, qui se réunit pour la première fois le 17 février 1863, date de création de ce qui deviendra le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). En octobre, une conférence internationale est organisée qui donna forme au concept de Sociétés nationales.

Les membres de la conférence conviennent également d’un emblème standard pour identifier le personnel médical sur le champ de bataille : une croix rouge sur fond blanc. L’emblème du croissant rouge sera adopté par l’Empire ottoman dans les années 1870.

En août 1864, les délégués de 12 pays adoptent la première Convention de Genève, qui donne un cadre juridique à ces décisions et énonce l’obligation pour les armées de soigner tous les soldats blessés, quel que soit leur camp.

Ces développements placent le CICR à l’origine du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – qui regroupe aujourd’hui le CICR, les Sociétés nationales (192 en 2025) et leur Fédération internationale – et du droit international humanitaire moderne, à savoir les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs trois Protocoles additionnels de 1977 et 2005.

Au début, la tâche du CICR est d’encourager la création de Sociétés nationales (la première est créée dans l’État allemand de Wurtemberg, en novembre 1863) et de servir de canal de communication entre elles. Sa première opération sur le terrain se déroule en 1864, durant la guerre qui oppose l’Allemagne au Danemark : des délégués sont envoyés pour travailler de chaque côté de la ligne de front – préfiguration du premier rôle opérationnel que jouera le CICR en tant qu’intermédiaire neutre entre les belligérants.

Les idées de Dunant reçoivent un accueil favorable parmi les dirigeants et les bienfaiteurs, les groupes d’aide sociale et le public. Les années suivantes, des Sociétés nationales sont créées à travers l’Europe. Plus tard, la Convention de Genève est adaptée pour inclure les blessés, les malades et les naufragés des forces armées sur mer, et les gouvernements adoptent d’autres instruments (les Conventions de La Haye, entre autres) afin de protéger les victimes de la guerre.

Parallèlement, le CICR étend son action en menant de nouvelles activités telles que les visites aux prisonniers de guerre et la communication de listes de noms pour que les familles puissent être rassurées.

À la fin du XIXe siècle, Henry Dunant – dont la vision a permis d’engager tout le processus – vit reclus dans un village de montagne, en Suisse ; ses échecs en affaires l’ont obligé à quitter Genève et à abandonner son rôle actif à la Croix-Rouge. Mais en 1901, il est le premier à recevoir, avec un pacifiste français du nom de Frédéric Passy, le prix Nobel de la paix.

Dunant meurt en 1910. La Croix-Rouge et les Conventions de Genève ont alors pris racine en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, en Asie et en Afrique. Elles vont être soumises à rude épreuve durant la Première Guerre mondiale.

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1914-1918: épreuve de feu et innovations

Genève, Musée Rath. Première Guerre Mondiale. Personnel de l’agence internationale des prisonniers de guerre. © ICRC

Août 1914 : Alors que le monde venait de sombrer dans le chaos de la guerre, le CICR va pour sa part vivre son premier défi d’envergure. La petite institution devient une organisation vraiment internationale, non seulement par sa taille mais aussi par son rayon d’action.

Elle doit donc adapter des procédures d’action déjà connues, mais jamais expérimentées jusqu’alors sur une échelle aussi vaste ; surtout elle se trouve confrontée à des problématiques humanitaires nouvelles, conséquences d’une guerre sans précédent.

Bénéficiant de la protection que lui assure la neutralité politique de la Suisse, pays hôte, le CICR s’attelle à la tâche après les premiers grands affrontements (Batailles de la Marne et de Tannenberg). Conformément au mandat qui lui a été attribué par la quatrième conférence internationale de la Croix-Rouge (1887), ses premières mesures effectives portent sur la création d’une Agence internationale des prisonniers de guerre, chargée de réunir et de transmettre des renseignements sur ceux-ci, en particulier à leurs familles. Cette structure grossira de manière spectaculaire, parallèlement à l’extension des théâtres d’opérations militaires, jusqu’à employer quelque 1’200 collaboratrices et collaborateurs chargés de traiter des centaines de milliers de demande.

Franchissant un pas supplémentaire en leur faveur, le CICR demande et obtient le droit de visiter les camps où sont retenus des prisonniers de guerre, et ce tout au long des hostilités. Ces autorisations permettent aussi à l’organisation d’effectuer ses premières activités dans des pays extra-européens. La neutralité du CICR, complétée par la nationalité de ses délégués – tous Suisses –, a sans conteste favorisé l’aboutissement de son initiative humanitaire.

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Improviser dans l’urgence

Outre les prisonniers de guerre, la Première Guerre mondiale met en exergue une autre catégorie de personnes, les civils, qui ne participent pas aux hostilités et sont pourtant particulièrement impactés par les conséquences des décisions militaires, une situation que le CICR ne peut ignorer. Hors de tout mandat et pour une catégorie de personnes encore largement non protégée par le droit international humanitaire, le CICR ne peut qu’improviser, dans l’urgence. Toutefois l’institution jette ici les bases d’une politique d’assistance aux personnes civiles prises dans la tourmente de la violence de guerre, politique qui se renforcera au fil des années jusqu’à constituer l’axe central de ses activités humanitaires.

Le CICR doit par ailleurs se préoccuper de la manière dont est menée la guerre. La brutalité du conflit amène les belligérants à renier leurs engagements antérieurs dans le domaine humanitaire et à tester de nouvelles armes issues de l’innovation technologique. Parmi celles-ci, les gaz de combat, utilisés dès 1915, constituent une menace contre laquelle le CICR va se lever. De même, il condamnera les nombreuses violations de la Convention de Genève commises volontairement par les combattants.

Visites aux détenus politiques

Enfin, phénomène inconnu jusqu’alors et lié à l’amplitude du conflit, l’après-guerre se révèle tout aussi rempli de défis humanitaires que les années de violence elles-mêmes (rapatriement des prisonniers de guerre, premières visites à des détenus politiques en Hongrie en 1919, assistance aux populations civiles victimes de la désorganisation sociale et des pénuries économiques dues à la guerre). Le CICR ne peut ignorer ces besoins, l’obligeant à poursuivre ses activités bien après la cessation des hostilités.

1919-1939: consolidation dans les crises

Guerre civile espagnole, 1936-1939. Valencia. Délégation du CICR après un bombardement aérien. © CICR

La violence de 14-18 devait être la dernière. Face à des opinions publiques écœurées par tant de sang versé, la guerre n’avait plus droit de cité. Mais les événements eux-mêmes vont rapidement lever le voile sur cette illusion. Loin de disparaître, la violence de guerre va au contraire prendre une tournure d’autant plus brutale qu’elle devient la matrice des idéologies totalitaires des années 1920-1930. Le CICR doit dès lors s’affirmer dans un environnement toujours plus défavorable aux principes humanitaires.

Contrairement aux prévisions des plus optimistes, la fin de la « Der des ders » ne coïncide pas avec la fin de la mission du CICR. Bien au contraire, l’organisation se trouve engagée dans une palette de nouvelles activités, qu’elle mènera seule ou en coopération avec la toute jeune Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, fondée en 1919.

Conséquence des désordres politiques, sociaux et économiques liés à la guerre, le CICR intervient tour à tour en Europe centrale, où règnent parmi une population déjà affaiblie par les privations, la disette et le typhus; en Russie, dans le cadre d’une gigantesque opération internationale de secours aux populations victimes de la famine; dans la région de la Ruhr occupée; en Haute Silésie, où ses services d’intermédiaire neutre sont réclamés; mais aussi en Grèce et en Turquie, où il vient en aide aux populations déplacées à la suite du conflit entre les deux pays.

Le CICR poursuit également, dans la mesure où sa présence est acceptée, ses activités en faveur des détenus politiques. Des missions sont alors effectuées au Monténégro, en Irlande, en Pologne, ou en encore en Lituanie. Après la prise de pouvoir d’Adolf Hitler, l’organisation se rendra également à deux reprises dans les camps de concentration allemands.

A travers le monde

Parallèlement à l’élargissement du nombre de ses bénéficiaires, le CICR diversifie aussi le théâtre géographique de ses interventions. Les ambitions coloniales japonaises l’amènent à être présent en Chine, en 1932, puis à nouveau entre 1937 et 1938. L’organisation effectue également ses premiers pas en Amérique du Sud à l’occasion de la sanglante guerre du Chaco entre la Bolivie et le Paraguay. De même, le CICR envoie deux délégués en Éthiopie, envahie par les troupes mussoliniennes. Ils assisteront impuissants aux largages de gaz toxiques de combat et aux bombardements d’hôpitaux par l’aviation italienne.

À sa manière, l’expérience éthiopienne annonce la guerre totale qui éclatera durant la Seconde Guerre mondiale, tandis que certains futurs belligérants s’aguerrissent déjà lors de la guerre civile espagnole.

Le droit humanitaire s’étend

Certes, le CICR n’avait pas attendu d’être confronté à ce durcissement dans la belligérance pour tenter d’en atténuer les conséquences pour les victimes. En 1929, sous son impulsion, le droit humanitaire s’était étendu aux prisonniers de guerre qui se voyaient désormais protégés par une convention internationale en bonne et due forme. De même, l’organisation a essayé de faire bénéficier certaines populations civiles d’une protection similaire, mais en vain. Cette lacune du droit aura des conséquences inimaginables dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

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L’odyssée d’un camp de scouts durant la guerre d’Espagne

1939-1945: bouleversements et souffrances extremês

Seconde Guerre mondiale, 1939-1945. Durban. Rapatriement de prisonniers de guerre italiens souffrant de troubles mentaux. © CICR

L’invasion de la Pologne par les troupes allemandes, le 2 septembre 1939, symbolise a posteriori les grandes caractéristiques de la Seconde guerre mondiale qui vient alors de débuter. Sorti des tranchées, l’affrontement se fera au travers d’une guerre motorisée, précédée par des bombardements aériens massifs visant essentiellement des populations civiles. Celles-ci sont également les principales victimes des politiques brutales d’occupation, mises en place d’abord par le Troisième Reich et ses alliés, puis par les armées qui leur succèderont.

Dans ce contexte de guerre mondiale, le CICR doit se confronter à de nombreux défis. Il s’agit tout d’abord pour lui de déployer une action humanitaire continue dans le temps sur les cinq continents à la fois, ce qui lui demande de trouver et d’engager des moyens humains et financiers gigantesques. Plus d’une cinquantaine de délégations du CICR seront ainsi actives durant le conflit.

La guerre signifie aussi une diversification du travail humanitaire de l’institution. Parallèlement à ses activités traditionnelles en faveur des prisonniers de guerre – notamment au travers de visites de camps de détention ou par la mise en place (comme en 1914-1918) d’une Agence centrale de renseignements sur les prisonniers – le CICR fournit également un gros effort en faveur de populations civiles affectées, dans leur vie quotidienne, par les désorganisations qu’entraîne la situation militaire. Ainsi le CICR lance une action de secours importante pour lutter contre la famine en Grèce, ou contre les pénuries alimentaires dans les îles anglo-normandes.

Si ces opérations d’assistance rencontrent un réel succès, il n’en va pas de même pour certaines autres démarches liées au mandat même de l’institution. Ainsi l’accès généralisé aux prisonniers de guerre se heurte aux oppositions, voire aux refus catégoriques des États détenteurs. L’institution ne peut alors pas intervenir pour les prisonniers de guerre allemands ou soviétiques en mains de l’autre partie, et en Extrême-Orient ses tentatives pour visiter des militaires alliés capturés par l’armée japonaise se voient entravées par la mauvaise volonté des autorités de Tokyo.

Impuissance face aux persécutions

Plus patent sera l’échec du CICR à faire valoir son droit d’initiative humanitaire en faveur des civils des zones occupées ou de ceux déportés dans les camps de concentration. Son impuissance en tant qu’institution à s’opposer fermement aux persécutions du régime nazi ne sera que faiblement compensée par des actions individuelles de certains de ses délégués qui viendront en aide à des victimes L’inaction du CICR face à l’Holocauste reste aujourd’hui encore synonyme d’une tragédie dans la mémoire institutionnelle.

Avec les bombardements d’Hiroshima, puis de Nagasaki, début août 1945, c’est non seulement la Seconde Guerre mondiale qui s’achève, mais aussi le début d’une nouvelle ère dans les relations internationales, placée sous la menace de l’arme atomique. La bipartition du monde et l’antagonisme entre les deux blocs n’ira pas sans influencer les modalités d’action du CICR pour les décennies à venir.

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1945-1965: deux décennies de défis

Guerre de Corée 1950-1953. Panmunjon. Négociations d’armistice. Des délégués du CICR s’entretiennent avec le général de division et d’autres représentants des forces armées nord-coréennes. © CICR

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le CICR se retrouve dans une position ambivalente. Certes, son action humanitaire durant le conflit – notamment en faveur des prisonniers de guerre – est largement saluée et lui vaudra même une reconnaissance internationale au travers d’un Prix Nobel de la Paix. Mais, en parallèle, certains, en particulier les pays de l’est européen, lui reprochent son inefficacité par rapport aux millions de victimes de l’Holocauste et ses efforts, dans l’immédiat après-guerre, pour secourir des populations vaincues, notamment en Allemagne. Ces critiques, auxquelles s’ajoute une situation financière très difficile, sont autant de défis que l’organisation doit relever si elle veut continuer à assurer sa pérennité.

Pour répondre aux lacunes du droit humanitaire, surtout en ce qui concerne les victimes civiles de la violence armée, le CICR se lance dans un processus de révision et d’élargissement des Conventions de Genève, dont le but est d’empêcher la répétition des horreurs vécues durant la dernière guerre. Cet exercice aboutit, en août 1949, à l’adoption par une conférence diplomatique de quatre textes fondamentaux, dont l’un précise explicitement les devoirs qu’ont les belligérants à l’égard de la population civile.

En vue toujours d’accroître la protection de celle-ci, le CICR s’engage au début des années 1950 dans une vaste réflexion sur les moyens d’interdire les bombardements de zone et l’emploi d’armes de destructions massives. Le souvenir d’Hiroshima et de Nagasaki reste vivace et sert de toile de fond aux discussions. Un Projet de règles limitant les risques courus par la population civile en temps de guerre est élaboré et soumis à la XIXeme Conférence internationale de la Croix-Rouge, mais hélas sans succès.

Nouveaux conflits et Guerre froide

Sur le plan opérationnel, conformément à son mandat, l’institution continue à offrir ses services non seulement afin d’atténuer les souffrances causées par la guerre mondiale (actions de secourir en faveur des populations civiles, rapatriements de prisonniers de guerre, aide aux réfugiés ou aux personnes déplacées) mais aussi dans le cadre de nouveaux conflits (Guerre de Palestine, partition entre l’Inde et le Pakistan). Toutefois, l’ « éclatement », dès 1947, de la Guerre froide replace formellement le CICR sur l’échiquier international, en lui fournissant l’occasion d’œuvrer en tant qu’institution humanitaire jouant un rôle d’intermédiaire neutre entre l’Est et l’Ouest. La guerre civile grecque, la Guerre de Corée, la crise de Suez, l’insurrection hongroise ou la crise des missiles à Cuba sont ainsi autant d’exemples où la neutralité du CICR fut tout aussi importante que son impartialité.

Par ailleurs, le CICR se trouve engagé dans un nouveau type de conflictualité, avec ses logiques et problèmes intrinsèques, qui découle de la volonté de territoires soumis à un État européen d’obtenir leur indépendance d’avec la métropole. Ces conflits de libération nationale, dits de « décolonisation », concernent toutes les puissances coloniales occidentales, et vont d’ailleurs se poursuivre au-delà de la période considérée. Les Indes néerlandaises, l’Indochine et l’Algérie françaises, l’Empire britannique aux Indes ou en Afrique, le Congo belge sont les principaux théâtres d’opération sur lesquels le CICR va se pencher. Ces conflits de libération nationale marqueront profondément le modus operandi de l’organisation.

Enfin, la guerre du Biafra posera au CICR de nouveaux défis dont il faudra tenir compte à l’avenir : la concurrence des autres organisations humanitaires et la médiatisation croissante de la guerre.

Le CICR dès 1970: l’intensification des besoins, des actions et des risques

Conflit israélo-arabe. Sinaï. 1973. Rencontre d’officiers égyptiens et israéliens sous les auspices du CICR. © CICR

Pour faire face aux nouveaux défis et aux besoins qui ne cessent d’accroître, le CICR devient une « grande » organisation humanitaire, présente en permanence sur tous les continents. Il doit apprendre à gérer les risques sécuritaires graves et les menaces d’une politisation croissante des activités humanitaires.

Années 1970

Pour le CICR, les années 1970 symbolisent une augmentation tant de son personnel (qui passe de quelque 340 collaborateurs en 1971 à près de 850 en 1979) et de ses moyens, que du champ géographique de ses activités. Désormais présent de façon durable sur les cinq continents, l’institution demeure engagée dans les conflits de libération nationale, notamment celles touchant des territoires portugais en Afrique, ou des conflits nés de l’affrontement indirect entre les deux blocs (au Vietnam par exemple).

Par ailleurs, le CICR se trouve aussi mobilisé dans des conflits régionaux de longue durée (Liban, Afghanistan, Angola, etc.), ce qui ne va pas sans influencer sa perception de la guerre, et sa façon de travailler sur le long terme. L’installation, depuis la fin des années soixante, de régimes militaires dans différentes parties du monde amène enfin une recrudescence des activités de l’institution en faveur des détenus politiques.

Une autre évolution majeure de ces années réside dans l’accroissement des risques encourus sur le terrain par les délégués du CICR, comme par les membres d’autres organisations humanitaires. La multiplication de celles-ci – dont certaines adoptent des attitudes partisanes –, mais aussi la présence toujours plus soutenue des médias au cœur des affrontements entraînent des comportements nouveaux parmi les belligérants qui n’hésitent pas, à certaines occasions, à prendre les humanitaires pour cible.

Sur le plan juridique, la période voit l’adoption, en juin 1977, par la communauté internationale, de deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève qui accroissent la protection des victimes de conflits armés internationaux ou non internationaux. Ces deux textes sont directement issus des expériences engrangées par le CICR à l’occasion des différents conflits coloniaux.

Conflit Iran-Irak. 1981. Opération du CICR pour rapatrier 25 prisonniers de guerre iraniens gravement blessés. © CICR

 

Années 1980

La décennie suivante voit une véritable explosion des activités du CICR, dont les effectifs totaux passent de 1’580 collaborateurs à plus de 5’200 à la fin de la période. Le nombre des délégations de l’institution à travers le monde double quant à lui, pour atteindre la cinquantaine à l’orée des années 1990.

Il s’agit dès lors pour le CICR de faire face aux conséquences de la violence armée sous toutes ses formes : guerres internationales (Iran/Irak), conflits internes (Mozambique, El Salvador, Tchad, etc.), troubles intérieurs (Philippines, Nicaragua, Afrique du Sud, etc.), conflits de « décolonisation » (Timor Leste, Namibie). A ces problématiques vient encore s’ajouter la question de l’aide à des populations réfugiées, symbolisées pour la période avant tout par les cas tragiques des Palestiniens et des Boat People vietnamiens. La médiatisation de la guerre quant à elle s’accentue, allant de pair avec, voire induisant, une conscientisation toujours plus grande de la société civile aux catastrophes mondiales, qu’elles soient d’origine humaine ou naturelle.

Berbera, 1993. Cours de diffusion du droit international humanitaire et des principes de la Croix-Rouge à l’intention du personnel du Croissant-Rouge et du CICR. © CICR

 

Années 1990

La chute du mur de Berlin, la désintégration de l’Union soviétique et la fin de l’affrontement entre l’Est et l’Ouest amènent à l’éclosion d’une multitude de nouveaux conflits internes, en particulier dans les anciennes possessions de l’URSS (Tadjikistan, Caucase, Moldavie, etc.), mais également dans plusieurs États africains (Somalie, Liberia, Sierra Leone). L’Europe elle-même, après 45 ans de paix, redevient un théâtre d’affrontements (Balkans).

Ces différentes guerres, dont certaines prennent des aspects d’épuration ethnique (Bosnie), voire carrément de génocide (Rwanda), mettent aux prises un nombre d’acteurs qui va croissant au fur et à mesure que le conflit perdure. La multiplicité des porteurs d’armes rend ainsi le travail des organisations humanitaires, et du CICR en particulier, toujours plus périlleux.

Parallèlement le CICR doit aussi faire face à l’éclatement de nouvelles guerres internationales (Crise du Golfe, par exemple) tout en continuant à gérer les conséquences de conflits passés. La question des personnes déplacées ou réfugiées prend désormais des proportions gigantesques, du fait du nombre élevé des foyers de violence.

Un autre défi majeur auquel est confronté le CICR durant les années 1990 concerne l’instrumentalisation de l’humanitaire par les politiques et/ou les militaires. De cette confusion des genres qui crée des amalgames chez les belligérants naissent aussi de nouveaux problèmes de sécurité.

Au niveau du droit, le CICR s’investit dans des projets visant à interdire l’emploi d’armes causant des souffrances inutiles (armes aveuglantes, mines antipersonnel, armes à sous-munitions), notamment auprès des populations civiles.

Enfin, le CICR se trouve de plus impliqué dans des activités post-conflictuelles dont l’objectif est d’assurer une sécurité économique ou sanitaire à des populations sorties de longues années de guerre.

Nazran, 2002. Point de distribution du CICR. Distribution de colis alimentaires aux familles. © CICR

 

Années 2000

Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis marquent le glissement vers une nouvelle conflictualité trouvant sa justification dans la lutte contre le terrorisme. Ce nouveau paradigme de la guerre amène à la conduite d’opérations internationales de vaste envergure contre des États censés abriter ou soutenir des activités terroristes (Afghanistan, Irak) ; et plus généralement à un durcissement de l’attitude dans plusieurs pays en proie à une violence endémique (Algérie, Philippines, Yémen, Ouzbékistan, etc.).

Tout ceci n’est pas sans conséquence pour le CICR qui se voit contester par des gouvernements les principes juridiques mêmes sur lesquels il base son mandat humanitaire. Cette contestation auquel s’ajoute, dans certains contextes un degré de violence armée extrême (Irak), rendent d’autant plus difficiles ses interventions en faveur des victimes. Parmi celles-ci, les femmes et les filles, cibles premières des violences sexuelles perpétrées dans le cadre de conflits armés, bénéficient depuis le début des années 2000 d’une attention toute particulière du CICR.

Autre phénomène marquant de la décennie, une vaste mobilisation internationale, y compris au niveau caritatif, à l’occasion de catastrophes naturelles majeures (ouragan Katrina, Tsunami, tremblements de terre) ou par rapport à des conflits fortement médiatisés (Darfour) qui obligent le CICR à se repositionner sur l’échiquier humanitaire tout en continuant à se démarquer d’autres organisations œuvrant aussi dans le domaine de l’aide internationale.

La plupart des références présentées ici sont consultables à la bibliothèque du CICR et dans son catalogue en ligne. Les sources d’archives de 1863 à 1975 peuvent être consultées sur rendez-vous au siège de l’institution à Genève ; voir la page du service pour plus d’informations. Pour toute question concernant les Archives publiques générales du CICR (leur contenu, les modalités de fonctionnement, la salle de lecture, etc.), veuillez écrire à publicarchives@icrc.org. Les questions et suggestions sur la manière d’améliorer cette page peuvent être envoyées à library@icrc.org. Pour en savoir plus, parcourez les guides de recherche de la bibliothèque ici, notamment « Histoire du CICR en 5 volumes ».