« Dans le désir d’apporter à toutes les victimes de la guerre l’aide totalement impartiale du Comité international de la Croix-Rouge, je considère de mon devoir, de vous proposer de rendre visite à votre Gouvernement, afin d’examiner avec lui les divers problèmes de Croix-Rouge qui ont fait l’objet de nos nombreuses dépêches antérieures envoyées dès le 26 juin 1950 » – Paul Ruegger, Président du Comité International de la Croix-Rouge, à Pak Heun Young, Ministre des affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée. [1]

Premier conflit armé majeur depuis la révision des Conventions de Genève en 1949, la guerre de Corée éclate le 25 juin 1950 avec l’invasion de la République de Corée (RC) par les troupes de la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Le conflit sur la péninsule coréenne est maintenant considéré comme une étape importante dans l’histoire du droit international humanitaire et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). En effet, un an auparavant, les États s’étaient mis d’accord sur une troisième Convention de Genève définissant les protections humanitaires en faveur des prisonniers de guerre (PG) à travers un ensemble de normes garantissant leur traitement humain et leur sécurité en détention. La Convention prévoyait également la création par le CICR d’une agence d’information chargée de collecter et de transmettre des informations sur les prisonniers de guerre à leur pays d’origine ou à la puissance dont ils dépendaient.

Le CICR propose immédiatement ses services aux deux parties lorsque le conflit éclate dans la péninsule coréenne. Le lendemain, le 26 juin, Paul Ruegger, alors président du CICR, envoie deux télégrammes identiques[2] offrant les services du CICR aux gouvernements de la RPDC et de la République de Corée et exhortant les deux parties à respecter les principes humanitaires inscrits dans les Conventions de Genève – bien qu’ils ne les avaient pas ratifiées à l’époque – en particulier l’article 3 commun. L’organisation ne reçoit aucune réponse de la République populaire démocratique de Corée et continue, sans succès, à faire pression pour accéder à son territoire tout au long du conflit.

Comité international Croixrouge Genève, institution neutre et apolitique exclusivement composée citoyens suisses, fondée 1863, dont intermédiaire sur plan humanitaire est prévu dans cas guerres, guerres civiles et troubles intérieurs, désire vous assurer qu’il est prêt se mettre votre disposition dans but accomplir selon ses moyens sa tâche traditionnelle dans circonstances actuelles Corée. (…) Le fait que Corée ne soit pas partie ou signataire ces accords internationaux signés par 61 Etats ne devrait pas, selon nous, empêcher application de facto des principes humanitaires protégeant victimes de la guerre contenus dans dites Conventions.

Télégrammes du 26 juin 1950 du CICR aux ministres des Affaires étrangères de la RPDC et de la République de Corée, respectivement

Archives du CICR, B G 17 (172)

À la suite de ce télégramme, le président de la République de Corée, Syngman Rhee, signe publiquement – et symboliquement – l’article 3 commun aux Conventions de 1949 et annonce que les forces de la République de Corée se conformeraient désormais aux dispositions de la Convention de Genève de 1949 sur les prisonniers de guerre. Le ministre des Affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée insiste, dans un message adressé au secrétaire général de l’ONU, sur le fait que les forces armées de la RPDC respectent strictement les règles de la troisième Convention de Genève et continueront de le faire.

Malgré les assurances des deux parties, le CICR doit faire face à de nombreux défis dans ses efforts pour fournir une assistance humanitaire aux prisonniers de guerre internés sur la péninsule coréenne. Plus particulièrement, la neutralité du CICR est remise en question car l’organisation est perçue comme « occidentale » et « capitaliste »[3] et l’accès aux camps de prisonniers de guerre en RPDC lui est refusé. Incapable de remplir pleinement son mandat, le CICR doit limiter ses activités à la distribution de secours dans le sud, principalement aux prisonniers de guerre.

Conçue comme un point d’entrée aux riches collections de la Bibliothèque et des Archives du CICR, cette page vise à fournir un aperçu aussi complet que possible des principales ressources documentaires publiques disponibles sur les activités du CICR pendant la guerre de Corée.[4]

Sources primaires

Rapports sur l’activité du Comité International de la Croix-Rouge de 1950 à 1953

En tant que rapports généraux sur l’activité du Comité international de la Croix-Rouge, ces quatre volumes contiennent des informations sur l’action du CICR pendant la guerre de Corée.

Les deux premiers volumes (1950 et 1951) sont divisés en deux parties. La seconde partie relate les diverses actions de secours du CICR au cours des nouveaux conflits de l’époque, dont le conflit de Corée. Les premier et deuxième rapports généraux ne contiennent que de brèves informations sur la guerre de Corée, tandis que les deuxième et troisième rapports sur les années 1952 et 1953 donnent plus de détails.

Les annexes aux deux premiers rapports (1950 et 1951) contiennent les télégrammes échangés entre le CICR et les Sociétés nationales, ainsi qu’entre le CICR et les parties au conflit au cours des années 1950-51.

Le rapport sur l’activité du CICR de 1952 se compose de trois sections. Un chapitre de la deuxième partie est consacré à la guerre de Corée tandis que le reste du rapport couvre diverses activités du CICR – telles que l’assistance aux blessés et malades des forces armées, aux prisonniers de guerre, aux internés civils[5] et aux populations civiles – dans différents contextes ainsi que les développements généraux du DIH.

Soumis à la XVIIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge de 1952, ce document annexé fait écho à la déclaration de M. Siordet lors des débats de la Commission Générale. Le document remis aux délégués lors de la Conférence et la déclaration de M. Siordet ont tous deux été rédigés en réponse aux violentes critiques et accusations portées contre le CICR pendant la guerre de Corée.

Neutralité et accusations pendant la guerre de Corée

Dans une ère bipolaire marquée par de profonds clivages idéologiques et politiques, le caractère neutre et impartial du CICR n’est pas reconnu par tous, entraînant parfois de virulentes campagnes de désinformation dans la presse. Le CICR ne peut étendre sa protection à toutes les personnes touchées par le conflit armé qui se déroule sur la péninsule coréenne.

Dès le premier jour de la guerre, le CICR tente en vain d’engager un dialogue avec le gouvernement de la République populaire démocratique de Corée. En raison de l’absence de canaux de communication directs, les délégués du CICR rencontrent fréquemment les représentants du gouvernement chinois pour transmettre des messages à la RPDC, s’assurer leur soutien et, si toutes les alternatives devaient échouer, convaincre la Croix-Rouge chinoise d’agir au nom du CICR pour enquêter sur les combattants et les civils portés disparus ainsi que pour livrer du courrier et des fournitures médicales si les circonstances le permettent. Le président du CICR, Paul Ruegger, se rend personnellement en Chine en mars 1951 à bord d’un avion du CICR transportant plus d’une tonne de médicaments dans l’espoir de les livrer éventuellement à la RPDC. L’autorisation n’est pas accordée et l’avion reste bloqué à Hong Kong. En effet, la Croix-Rouge chinoise informe le CICR qu’elle n’effectuera pas la livraison des médicaments tant que le CICR n’aura pas conclu un accord avec la Croix-Rouge de la RPDC. Un mois plus tard en dépit d’assurances orales contradictoires, la Croix-Rouge chinoise écrit une lettre au CICR affirmant qu’elle n’a jamais accepté d’agir en son nom et que le CICR devra conclure des accords directement avec les autorités compétentes de Pyongyang s’il souhaite travailler en République populaire démocratique de Corée.

Malgré tous ses efforts, le Comité international de la Croix-Rouge n’est pas en mesure de remplir son mandat en RPDC pendant la guerre.

Documents additionnels à la XVIIIème Conférence Internationale de la Croix-Rouge (1952):

Le Rapport conjoint du Comité international de la Croix-Rouge et de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge sur la suite donnée aux résolutions de la XVIIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge détaille les mesures prises par le CICR pour garantir l’accès aux prisonniers de guerre en Corée. Il comprend aussi des remarques sur l’assistance à la population civile de Corée. Le rapport conjoint réitère l’importance de permettre au CICR d’accéder aux camps de prisonniers de guerre et note que, le 24 novembre 1952 encore, le Comité international adresse un télégramme aux gouvernements de la République de Corée et de la RPDC ainsi qu’au gouvernement des États-Unis — en sa qualité de chef du Commandement des Nations Unies, la force multinationale soutenant le gouvernement de la République de Corée, pour leur rappeler leurs engagements et renouveler l’offre de services du CICR.

Conflit de Corée 1950-53. Koje Do, camp de prisonniers de guerre. Bloc de prisonniers de guerre nord-coréens.

Le rapport de 1953 sur l’activité du Comité international de la Croix-Rouge, quatrième et dernier de cette liste, est plus ou moins organisé comme le rapport de 1952. La première partie comprend des informations générales sur les activités du CICR et la seconde traite de divers contextes opérationnels, dont la guerre de Corée. La dernière partie passe en revue les développements du droit humanitaire, les relations avec le Mouvement et les institutions internationales et compile les publications et informations générales.

Revue Internationale de la Croix-Rouge 1950-1953

Numérisées et consultables en ligne, les éditions 1950-1953 de la Revue comportent de nombreux articles sur les activités du CICR pendant le conflit armé : visites dans les camps de prisonniers, actions de secours aux réfugiés de guerre. La revue comprend également des rapports sur le camp de prisonniers de Koje-do, connu pour des épisodes de violence meurtrière en 1952.

Communiqués de presse du CICR 1950-1953

Des nouvelles des prisonniers de guerre aux déclarations publiques du CICR concernant son action en Corée, les communiqués de presse du CICR sont tous numérisés et consultables en ligne.

Litérature secondaire

André Durand, L’histoire du CICR : De Yalta à Dien Bien Phu 1945 à 1955

Troisième volume dans une série de cinq volumes dédiés à l’histoire du CICR, ce livre retrace le travail du CICR pendant la décennie suivant la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Le chapitre consacré à la guerre de Corée retrace l’historique du conflit jusqu’aux négociations d’armistice de Kaesong et Panmunjom. En outre, il relate les nombreuses tentatives faites par le CICR – notamment les tentatives de communication infructueuses avec la RPDC ainsi que les négociations avec la Chine et l’URSS – pour obtenir une accréditation appropriée pour les délégués et l’accès à toutes les personnes touchées par le conflit.

Une limite légale à l’action du CICR en Corée

Le Commandement des Nations Unies[6] ne reconnut la compétence du CICR que dans le cadre prévu par la IIIe Convention de Genève. Par conséquent, bien qu’il ait été autorisé à visiter certaines prisons civiles, le CICR ne fut pas autorisé à apporter de secours de quelque nature que ce soit. En effet, toute aide aux civils devait passer par le Commandement de l’assistance civile des Nations Unies pour la Corée (UNCACK), excluant toute intervention du CICR seul. Le CICR réussit néanmoins à livrer 65’000 francs suisses de fournitures médicales à l’UNCACK et à vérifier au cours de ses visites que ces fournitures étaient parvenues à destination et étaient bien utilisées pour soigner les détenus dans les prisons. En outre, toutes les opérations de secours en République de Corée devaient être coordonnées par les Nations Unies depuis Tokyo avant d’être enfin distribuées par l’UNCACK. Ce n’est donc qu’en 1953, après d’intenses négociations, que le CICR put enfin lancer une petite opération de secours en faveur des civils affectés par le conflit coréen.

Plus de ressources des archives audiovisuelles du CICR sur la Corée entre 1950 et 1953.

Pour en savoir davantage :


[1] Communiqué de presse du CICR 464

[2] Archives CICR, BG 17 (172)

[3] Catherine Rey-Schyrr, Histoire du Comité international de la Croix-Rouge. 3 : De Yalta à Dien Bien Phu 1945-1955, p.48

[4] Toutes les publications présentées ici sont consultables à la Bibliothèque du CICR. Certaines ont également été numérisées et sont disponibles en ligne en texte intégral (voir les liens fournis pour plus de détails). Les sources d’archives peuvent être consultées sur rendez-vous au siège de l’institution à Genève ; voir la page du service sur icrc.org pour plus d’informations. Les photos et films inclus dans cet article sont également disponibles en ligne sur le portail des archives audiovisuelles du CICR. Questions et suggestions pour améliorer cette page peuvent être envoyées à library@icrc.org.

[5] Comme la République de Corée et les forces de l’ONU s’étaient uniquement engagées à respecter la Convention sur les prisonniers de guerre de 1949, les délégués du CICR ne pouvaient être accrédités que pour visiter les prisonniers de guerre, et non les détenus civils. Ceci a soulevé la question de la distinction entre les prisonniers de guerre, les combattants irréguliers et les détenus civils. En effet, en décembre 1951, environ 37’000 personnes auparavant considérées comme des prisonniers de guerre de la RPDC ont été reclassées comme détenus civils parce qu’elles vivaient en République de Corée avant le déclenchement de la guerre et avaient par conséquent été reconnues comme citoyens de la République de Corée. Si le changement de statut signifiait que les délégués du CICR ne pouvaient plus exiger d’accès, les détenus civils reclassés continuaient de facto à bénéficier des droits et prérogatives qui leur avaient été accordés en tant que prisonniers de guerre et le droit des délégués du CICR de leur rendre visite fut maintenu. La situation était différente pour les détenus civils dans les prisons, où les délégués du CICR ont reçu l’autorisation de visiter mais pas de distribuer de secours.

[6] Le Commandement des Nations Unies (UNC) était une force militaire multinationale établie par la résolution 84 du Conseil de Sécurité de l’ONU. À la suite de la reconnaissance par le Conseil de Sécurité de l’invasion de la RC par la DPRC comme une rupture de la paix, la résolution 84 appelaient les Etats membres de l’ONU à mettre leurs forces à la disposition de la République de Corée pour une assistance militaire sous un commandement international unifié dirigé par les États-Unis.