Avec ses 160 ans, le CICR et plus généralement la Croix-Rouge, ont laissé partout des petits bouts d’histoire. Suffit de chercher, de déambuler. A Paris, par exemple.

Les « incollables » sur la Croix-Rouge connaissent, rue de Rivoli, l’hôtel Regina, l’un des palaces du quartier des Tuileries qui accueillit des mois durant les délégations diplomatiques du Traité de Versailles en 1919.

C’est ici, que le 5 mai de cette année-là se crée, à l’initiative d’un membre de l’Assemblée du CICR, la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. En 1991, anagramme de hasard de 1919, elle préfèrera « Fédération » au nom de « Ligue ».

L’hommage étant rendu à la « Croix-Rouge internationale du temps de paix » devant l’Hôtel Régina, le promeneur, « incollable sur la Croix-Rouge » pousse en direction de la Place de la Concorde à l’ombre des couverts de la rue de Rivoli. Il longe l’Hôtel Meurice, là où Raoul Nordling, consul général de Suède parvint à convaincre, en août 1944, le général Von Choltitz de ne pas brûler Paris. Merci aux deux.

Castiglione, Dunant y criait « Tutti Fratelli »

« L’incollable sur la Croix-Rouge » se retrouve au carrefour des rues de Rivoli et de Castiglione… Castiglione, « Bon sang mais c’est bien sûr ! » s’exclamerait le Commissaire Bourrel des « Cinq dernières minutes ». Castiglione, le village piémontais devenu hôpital à ciel ouvert accueillant fin juin 1859, aux cris de Tutti Fratelli d’un certain Dunant, les blessés abandonnés sans soins sur le champ de bataille de Solférino !

Un même village pour deux batailles

Alors, oui, mais non. Castiglione, ici, n’est ni hommage à la Croix-Rouge ni à Dunant mais à la défaite des Autrichiens le 5 août 1796 devant Bonaparte, futur Napoléon premier. 63 ans plus tard, son neveu, Napoléon III vaincra d’un cheveu les armées autrichiennes. La boucherie s’appelle Solférino, dure près de 24 heures et se déroule à quelques kilomètres de Castiglione. La population du village, exhortée par Dunant, commencera à ramasser les blessés à partir du 25 juin 1859.

Un tour par la Commune

Bref, la rue de Castiglione n’est pas un hommage à la Croix-Rouge. Déçu, l’incollable Croix-Rouge avise la colonne Vendôme abattue en 1871 durant la Commune de Paris. Elle fut remontée deux ans plus tard. « Ha… La Commune », se murmure l’incollable. Avec le siège de 1870, elle est la période où s’illustra pour la première fois la Croix-Rouge en opération. Secouristes et ambulanciers étaient tant côté versaillais que communard. La Croix-Rouge avait 6 ans à peine mais son utilité déjà reconnue et éprouvée.

Et une Croix-Rouge de plus trouvée dans Paris !

Et le miracle s’accomplit ! Quand il se produit, on ne dit pas « Alleluia » ni « Allah est grand », juste « Inter Arma Caritas », « La charité entre les armes » (« Tutti Fratelli » marche aussi). Le miracle, donc : sur le pas de porte du 12 rue de Castiglione, figure une superbe Croix-Rouge, une mosaïque élégante de trottoir, une marelle sans direction. Il s’agit probablement d’une enseigne, de celle que voit celui se regardant marcher. Pas une enseigne de touriste à la tête en l’air. Le 12 rue de Castiglione aurait été le siège de la Croix-Rouge Française ?

Quand la Croix-Verte n’était pas enseigne de pharmacie

Après rapide recherche sur smartphone, « l’incollable sur la Croix-Rouge » se voit informer que la belle mosaïque indiquait une pharmacie. Un commerce fondé en 1850 par un certain Alfred Swann, ami proche d’un médecin hygiéniste, Adrien Proust. Oui, oui, père de Marcel. La Croix-Rouge du côté de chez Swann, en quelque sorte…

« L’incollable sur la Croix-Rouge » sourit, reprend sa déambulation à la recherche Dunant perdu.