Que ce soit en Côte d’Ivoire, en Suisse, au Sénégal, en Belgique, au Mali ou en France, la croix verte est reconnue comme étant celle des pharmacies. En France pourtant, l’adoption de la croix verte en tant que symbole des officines de pharmacies ne date que de 1984. Avant, il semble qu’elles aient été séduites par une autre croix…

La naissance de la Croix, en tant qu’emblème de secours

En 1859, Henry Dunant, citoyen suisse découvre au cours d’un voyage l’horreur du champ de bataille de Solférino. 45 000 soldats sont abandonnés, morts ou blessés, sur le champ de bataille.

Profondément traumatisé par cette expérience, il publie « un souvenir de Solférino » en 1862, dans lequel il propose d’obtenir une protection pour les secouristes présents sur le champ de bataille et de créer des sociétés de secours chargées de s’occuper des victimes de la guerre.

Deux ans plus tard, la toute première Convention de Genève reconnaît la croix rouge sur fond blanc comme emblème distinctif unique, conférant une protection aux services de santé sur le champ de bataille.

Ce symbole n’est autre que le drapeau suisse inversé.

Le drapeau suisse (à gauche), l’emblème de la Croix-Rouge (à droite)

Avant l’adoption de cet emblème universel, les symboles utilisés pour identifier les services sanitaires des forces armées différaient d’un pays à l’autre. Ils étaient donc peu reconnus par le camp adverse et rarement respectés.

La croix rouge, victime de son succès

La croix rouge sur fond blanc présente l’avantage d’être facile à produire et facilement reconnaissable à distance grâce à son contraste de couleurs.

A cette époque, ce symbole de santé et de secours séduit aussi les pharmaciens qui commencent à l’apposer sur la devanture de leur officine et plait également aux fabricants de produits pharmaceutiques qui l’ajoutent sur leurs productions.

Affiches pour des médicaments dans les années 1950 dans lesquelles la couleur rouge domine

En 1913, la législation française évolue au profit du Comité international de la Croix-Rouge. A partir de cette année, les officines et fabricants de produits pharmaceutiques n’ont plus le droit d’arborer une croix rouge sur fond blanc, sauf cas précisés dans les Conventions de Genève. Par exemple, les pharmacies des hôpitaux et unités sanitaires civils situés dans une zone de combat ont toujours le droit d’utiliser encore la croix rouge.

En dehors de l’usage de la croix rouge à titre protecteur au cours d’un conflit, elle peut être utilisée à titre indicatif. Dans le monde entier, les Croix-Rouge et Croissant-Rouge nationaux sont autorisés à faire usage des emblèmes pour s’identifier en tant que membres du réseau mondial du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Bien qu’indicatif, cet usage demeure protégé. Il est donc totalement interdit de faire du commerce ou d’utiliser une croix rouge en dehors de ce cadre.

Du rouge au vert

Progressivement, les pharmaciens abandonnent la croix rouge, pour adopter la croix verte. L’origine du choix de cette couleur demeure floue. Deux hypothèses semblent cependant se dégager :

  • Le vert symboliserait l’origine végétale de nombreux médicaments.
  • Le vert serait un hommage aux pharmaciens militaires qui depuis un règlement du 19 mai 1796 portaient un uniforme avec un revers bordé de velours vert sur le champ de bataille.

Grades et uniformes des pharmaciens militaires français, Revue d’Histoire de la Pharmacie, 1962

Photo extraite du mémoire de A. RIGON sur « Le rôle du pharmacien durant les campagnes Napoléoniennes ». Sur l’uniforme du pharmacien (à droite), on observe bien les revers de velour vert