En septembre 1939, le Comité international de la Croix-Rouge crée l’Agence Centrale des Prisonniers de Guerre (ACPG) et jouera durant tout au long de la Seconde guerre mondiale le rôle d’intermédiaire entre les belligérants pour la transmission de la correspondance. Durant la guerre, 20 millions de lettres seront transmises par l’intermédiaire de l’ACPG aux prisonniers de guerre et aux internés civils.
Dès le début des hostilités, lorsque les relations postales entre les pays en guerre sont interrompues, des milliers de lettres écrites par des familles inquiètes du sort de l’être cher parviennent à Genève. Le texte de ces courriers doit alors être résumé en 25 mots et retranscrit sur un formulaire spécial, le message civil ou message familial.
Dans certains dossiers d’archives, nous trouvons encore la trace de courriers originaux. Des femmes y expriment leur amour, leur inquiétude et leur espoir de rétablir le contact avec leur amoureux et d’avoir des nouvelles.
Dans cette lettre, Simone écrit à son mari stationné à Dakar, qui porte un prénom de circonstance, Amand :
« Mon amour, je t’aime éperdument, tu es ma vie. Et mon amour est grand et fort. Combien malgré tout je voudrais être près de toi. Tu me manques terriblement aussi. » Extrait d’une lettre de Simone à Amand
Certaines lettres sont des véritables déclarations d’amour. Ainsi, cette lettre écrite par un matelot français de Bizerte à sa bien-aimée. Encore une lettre qui n’a jamais été reçue telle quelle par son destinataire. Cela a-t-il changé le cours de la vie de ces deux amoureux ?
« J’aime mieux te dire tout de suite que c’est toi que j’aime, et que j’aimais quand j’étais à Lens. Il n’y a que toi seule à présent qui peut me remonter le moral. » Extrait d’une lettre d’un matelot français de Bizerte, à sa bien-aimée Antoinette
Pour les prisonniers français capturés en 1940 et qui vont pour la plupart rester en captivité durant cinq longues années, le temps est long et la séparation avec les épouses ou les fiancées est cruelle. 20 millions de lettres et de cartes seront transmises par l’intermédiaire de l’ACPG aux prisonniers de guerre et aux internés civils. A partir du 1er janvier 1941, lettres et cartes adressées aux prisonniers de guerre doivent être rédigées sur des formulaires spéciaux qui sont envoyés par le prisonnier lui-même.
Voici le courrier envoyé par un prisonnier de l’Oflag IV D à sa femme résidant à Casablanca, peu après le débarquement allié en Afrique du Nord et le bombardement de la ville. On y lit toute l’inquiétude de l’époux et son sentiment d’impuissance.
« Ma pauvre chérie, la situation brutalement se complique et il semble bien que le destin désire nous séparer davantage. Vivre de tels moments séparés, moi ici, absolument neutralisé sans pouvoir faire quoi que ce soit pour toi, c’est terrible et j’en souffre beaucoup. » Extrait d’une lettre d’un prisonnier dont la femme vit à Casablanca, ville qui vient d’être bombardée.
Voici une autre lettre, écrite par l’épouse d’un prisonnier de guerre français détenu au Stalag VIII C de Sagan. Le prisonnier avait agrafé le courrier à l’intérieur de son livret militaire, comme pour le préserver et le cacher des regards. Malheureusement, ce livret a été confisqué par les autorités allemandes et n’a jamais été restitué au prisonnier.
Lors de la rédaction de cette lettre, nous sommes le 3 janvier 1943, et il y a déjà 3 ans que les époux sont séparés par une guerre qui est loin d’être achevée.
« La dernière fois que tu l’as vu, il avait 5 ans. C’était encore un bébé, mais il ne t’a pas oublié et aime beaucoup son cher papa. » Extrait de lettre entre deux époux au sujet de leur fils.
Dans le journal créé par les prisonniers français du Stalag XI B, intitulé la Gazette du Stalag XI B, datant du 1er février 1941, l’écrivain Paul Alpérine, alors prisonnier de guerre, publie une poésie dont le thème est la lettre reçue par le prisonnier, « une ration de joie, un moment de douceur… ».
Comme à vous, comme à moi, la faveur d’un écrit
Ne conservent-ils pas, du fond d’un coeur meutri,
Malgré le sort contraire, une douce espérance ?
Recevoir quelque jour des nouvelles de France !
Dans la même Gazette datant du 15 février 1941, on trouve le poème écrit par un prisonnier à sa bien-aimée :
Difficile d’exprimer en quelques lignes l’amour, la tristesse et la douleur de la séparation, l’espoir d’être bientôt réunis, mais aussi l’incertitude. On trouve beaucoup de pudeur dans ces courriers. Cependant, l’angoisse liée aux dangers de la guerre renforce les sentiments et pousse les hommes et les femmes à exprimer leurs sentiments plus librement. Et à rêver d’amour…
Lire aussi : A la recherche de l’histoire de mon grand-père, prisonnier durant la Deuxième guerre mondiale
Commentaires