La neutralité est un principe d’action humanitaire parfois mal accepté tant il est vrai qu’en période conflit armé, tout devient, par nature, manichéen. Pour autant, la neutralité sanctuarise les victimes et les personnels à leur chevet. Les infrastructures sanitaires, qu’elles soient civiles ou militaires sont également inviolables. Retour sur un principe fondamental énoncé par Jean-Jacques Rousseau puis repris au mitan du XIXème siècle par un autre genevois, Henry Dunant.
« Le CICR est un intermédiaire neutre dans les conflits armés », voici comment se définit la plus ancienne organisation humanitaire moderne. Pour Marcel Junod, médecin et icône du CICR, actif de 1935 à 1945, le CICR est « le troisième combattant », celui qui s’interpose entre les belligérants pour garantir un espace humanitaire.
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La garantie de cette interposition entre les belligérants ? la neutralité
Ce « troisième combattant » est né en 1859, incarné par Henry Dunant errant sur le champ de bataille de Solférino, impuissant face aux milliers de blessés abandonnés sans soin, faute de moyens d’évacuation. On connaît l’histoire. Dunant mobilisant à coup de « Tutti fratelli » la population piémontaise pour le ramassage et l’évacuation des malheureux, le village de Castiglione devenant un hôpital à ciel ouvert. Henry Dunant couchera son traumatisme et son indignation dans un livre remarquable : un souvenir de Solférino (1862).
Neutre ne signifie pas indifférent
Il y jette deux idées phares, celle du droit international humanitaire qui vise à mettre des règles et donc des limites à la guerre et celle de la création de Sociétés de secours privées destinées à épauler les services de santé des armées en campagne. En 1863, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) est fondé. L’année suivante, les premiers Etats adhèrent à la première Convention de Genève pour « l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne » proposée par le CICR. Y est consacrée la neutralité (l’inviolabilité) du personnel sanitaire et des établissements sanitaires.
Rousseau puis Dunant
Henry Dunant, pour définir la neutralité de la victime, a piqué le concept a un autre grand genevois, Jean-Jacques Rousseau qui, 70 ans auparavant, avait dans Du contrat social consacré quelques ligneS au sort du soldat blessé. En substance, le philosophe des Lumières considérait que lorsque un soldat est blessé, il n’appartient plus à aucun camp, il est remis entre les mains de Dieu. Le principe d’Humanité, principe faîtier de la Croix-Rouge, a, chez Dunant, remplacé la divinité. La neutralité est devenue l’état de la victime et de celui qui se porte à son chevet.
Neutres : la victime et le sauveteur
Un soldat blessé ne présente plus de danger pour l’ennemi. « Mis hors de combat », il ne participe plus aux hostilités et doit être soigné, quel que soit son camp. Sur le champ de bataille, les sanctuaires neutres, ambulances par exemple où sont soignés les blessés, doivent être signalés aux combattants et protégés du conflit. Un emblème, accepté de tous, doit assurer cette fonction. L’héraldique sera « une croix rouge sur fond blanc » qui mettra à l’abri des hostilités les victimes et les membres des sociétés de secours ou des services de santé militaires.
Le secours n’est pas une action de combat
Cette neutralité médicale humanitaire s’élargit dans le temps à l’assistance de toutes les victimes de la guerre. Un concept inscrit dans le droit pour faire admettre à ceux qui se battent que les actions de secours ne sauraient être considérées comme des actes hostiles ou une contribution effective à l’effort de guerre de l’un des belligérants. C’est l’esprit de l’article 70 du Protocole I aux Conventions de Genève, auquel 174 Etats sont parties.
La neutralité se définit aujourd’hui ainsi
Aujourd’hui, dans le mouvement Croix-Rouge/Croissant-Rouge, voici la définition qui est donnée de la neutralité : « Afin de garder la confiance de tous, le Mouvement (*) s’abstient de prendre part aux hostilités et, en tout temps, aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologique ».
La Suisse n’est pas un hasard
La neutralité est aujourd’hui également adoptée par de nombreuses ONG humanitaires intervenant dans des situations de conflit armé. En guise de conclusion, ce clin d’œil : la neutralité, in fine, se résume à ne pas participer à un conflit ou à s’allier à tel ou tel belligérant. Une neutralité née bien avant la Croix-Rouge (1863) et la Convention de Genève (1864) du souci de certains Etats de demeurer extérieurs aux alliances militaires et aux conflits dans lesquels leurs voisins étaient engagés…
La Suisse, par exemple.
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