Dans l’héraldique du secours ou du soin, la croix est souvent représentée. La Croix-Rouge bien sûr, mais aussi la verte dont la plus connue est celle des pharmacies. L’usage indicatif officiel n’a été adopté qu’en 1984 mais son emploi est beaucoup plus ancien…

La couleur verte, avant la croix éponyme, symbolisait la pharmacopée des plantes et distinguait dès 1796, les pharmaciens militaires (galons verts) des médecins (galons rouges)… Mais de croix vertes, il y en eut plusieurs autres…

La Croix-Verte, protection des prisonniers de guerre

Celle imaginée dès les années 1860 par Dunant protège les prisonniers de guerre à l’instar des blessés protégés, eux, par la Croix-Rouge. Ce n’est pas le vieil Henry qui la mettra en œuvre. Dunant s’est autobanni de Suisse en 1867 après la faillite de ses affaires. Il a fui en France. En 1870-1871, durant la guerre franco-prussienne, il y a exactement 150 ans, un médecin bâlois, le docteur Christ-Socin développera « La Croix-Verte » pour venir en aide aux prisonniers majoritairement français. L’organisation suisse disparaîtra aussitôt la guerre terminée. Pour mémoire, la protection des prisonniers de guerre va naître avec la IIIème Convention de Genève en 1929 soit 70 ans après l’idée de Dunant…

La Croix-Verte des Colons

En 1888, une Croix-Verte apparaît en France à l’initiative de « l’Association tonkinoise ». Elle est destinée à « porter secours aux militaires coloniaux » malades et sans le sou de retour de leurs lointaines affectations. Cette « Croix-Verte française » devient propriété d’une maison de convalescence et peut avec l’aval de la Chambre des députés créer sa propre loterie pour la collecte de fonds.

La Croix-Verte protégeant les femmes

En 1897, Dunant, depuis la pension Paradis où il vit reclus (en Suisse alémanique, à l’abri de ses créanciers genevois) resuscite sa Croix-Verte mais ce coup-ci avec un autre objet social : « protéger et aider des femmes, les mères de familles abandonnées et les jeunes filles exposées au risque de la protitution ». Le projet reste comme bien d’autres dans les tiroirs même si l’on imagine la grande amie de Dunant, la pacifiste et féministe, Bertha von Suttner, ci-devant baronne, tout acquise à cette cause !

Attention une Croix peut en cacher une autre…

Ne nous y trompons pas… Infirmières, tabliers, coiffes, drapeau… Hé non, il ne s’agit pas de la Croix-Rouge française mais bien de l’accueil en gare de la Croix-Verte pendant la Première guerre mondiale. L’homme debout au centre est le fondateur de l’oeuvre, Emile Bayard.

Il faudra attendre 1914 et le tout début des hostilités pour voir réapparaître la Croix-Verte. Dunant n’y est cette fois pour rien. Il est mort quatre ans plus tôt avec tous les honneurs que confèrent l’invention de la Croix-Rouge et l’obtention du premier prix Nobel ! Non, le père de l’œuvre de la Croix-Verte, modèle 14, est un artiste dessinateur, photographe, critique d’art et philanthrope : Emile Bayard. Il serait plus juste de parler des époux Bayard tant sa femme sera au chevet des « victimes de la guerre et du devoir » pour apporter avec nombre de dames bénévoles un soutien tant matériel que moral. Domiciliée dans l’appartement des époux Bayard du 6 de la rue Victor Schoelcher (adresse rêvée de tout philanthrope !) l’œuvre de la Croix-Verte recevra parrainage du président de la République, Raymond Poincarré.

La Croix-Rouge fâchée ?

Particulièrement active dans l’accueil en gare des malades et des blessés, la Croix-Verte dispense, surtout à Paris, nourriture, soins et soutiens aux familles. Elle gère également des dispensaires et des cantines. Ces activités ont-elles finies par agacer la Croix-Rouge française (*) tant elles semblent empiéter sur ses plates-bandes ? Rien ne permet de l’affirmer. Mais il est amusant de jouer au jeu des sept erreurs avec ces unes de « l’Ambulance », brochure de la Croix-Rouge française devenue sans coup férir et sans explication celle de la Croix-Verte dès le numéro 4, début 1915.