Renée-Marguerite Frick-Cramer est une figure majeure du Comité international de la Croix-Rouge dans la première moitié du XXe siècle. Juriste et historienne genevoise, elle fut la première femme membre du Comité. Tout au long de son parcours au sein du CICR, elle mène une importante réflexion sur le fonctionnement des bureaux centraux de renseignements, mais aussi sur le développement du droit international humanitaire (DIH). On note d’ailleurs une symbiose intéressante entre son travail à l’Agence et sa réflexion sur la protection des civils. Renée-Marguerite Frick-Cramer est une très bonne observatrice des changements qui s’opèrent au début du XXe siècle dans « l’art de la guerre ». Avec elle, le DIH se recentre sur les populations civiles, et on retrouve la notion de « droit des gens » qui avait peut-être fait défaut à la fin du XIXe siècle.

Sommaire

Une universitaire du début du XXe siècleAgence et diplomatie pendant la Première Guerre mondialeÊtre juriste pendant l’entre-deux-guerresRéflexion sur les civils pendant la Seconde Guerre mondialeVers une nouvelle Convention

Une universitaire du début du XXe siècle

Un fort ancrage genevois

Les origines sociales de Renée-Marguerite Frick-Cramer sont une part très importante de son identité et sont un élément majeur pour expliquer son parcours. Renée-Marguerite Cramer naît à Genève le 28 décembre 1887. Son père, Louis Cramer, est membre du Consistoire. Sa famille appartient à la bourgeoisie de Genève depuis 1668. Elle s’intègre à cette « aristocratie locale » démise de ses fonctions après la révolution de 1846, et qui se replie sur les milieux bancaires et philanthropiques à la fin du XIXe siècle[1]. Renée-Marguerite Cramer appartient donc à un milieu privilégié. Il faut d’ailleurs noter qu’une part importante de sa famille travaille au CICR avant qu’elle n’y fasse son entrée[2]. On note par exemple que son grand-père maternel, Louis Micheli, fut un des premiers membres du Comité[3]. Renée-Marguerite Cramer dispose donc d’un important réseau aussi bien à Genève qu’au CICR. Elle connaît par exemple depuis son enfance le Dr Ferrière[4], une importante figure de l’Agence.

Humanités

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L’Université de Genève à la fin du XIXe siècle (Bibliothèque de Genève)

Renée-Marguerite Cramer entreprend des études de droit et d’histoire. Il n’est pas si rare qu’une femme entreprenne des études au début du XXe siècle en Suisse : de fait, les effectifs féminins forment même près d’un quart des inscriptions[5]. Ce qui est plus rare, en revanche, c’est le choix des matières étudiées : lettres et droit ne sont pas vraiment les matières de prédilection des Suissesses qui préfèrent généralement étudier la médecine et les « sciences dures »[6]. Renée-Marguerite Cramer fait donc le choix d’un parcours universitaire plutôt original. Elle étudie à Genève et à Paris. En 1910 elle obtient sa licence de droit avant de prêter serment d’avocat devant le Conseil d’État[7]. Renée-Marguerite Cramer ne se voue cependant pas à cette carrière et décide de continuer ses recherches dans le domaine du droit constitutionnel et de l’histoire nationale. Elle rédige plusieurs travaux sur le principe des nationalités, les tribunaux pour adolescents et sur des questions d’histoire genevoise[8]. Elle obtient un doctorat en droit et se dirige alors vers la recherche historique.

Témoin de son temps, Renée-Marguerite Cramer s’intéresse aux questions de nationalité et d’appartenance à une nation. Ses travaux en histoire nationale lui valent d’obtenir par deux fois le prestigieux prix Ador[9]. Elle est lectrice d’Ernest Renan et s’appuie sur sa célèbre citation « une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore »[10] pour rédiger son ouvrage le plus connu Genève et les Suisses : histoire des négociations préliminaires à l’entrée de Genève dans le corps helvétique 1691-1792. Dans ses travaux, elle s’intéresse à ce qui fait l’identité de Genève ainsi qu’aux relations qu’entretient Genève avec la Savoie, la France et les cantons suisses.

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Le Pr. Charles Borgeaud en 1920 (Bibliothèque de Genève)

Son style, parfois passablement exalté[11], peut aujourd’hui paraître un peu daté. Reste que son travail présente des qualités indéniables. Genève et les Suisses est publié en 1914, à l’occasion du Centenaire du rattachement de Genève à la Confédération. L’ouvrage remporte du succès et est largement diffusé[12]. En 1918, elle est pressentie pour remplacer le professeur Charles Borgeaud, un parent, pour son cours d’histoire de Genève[13]. Irène Herrmann note que Renée-Marguerite Cramer est alors de loin la première historienne à porter le titre de professeur suppléante en Suisse[14].

Agence internationale des prisonniers de guerre et diplomatie humanitaire : au cœur de la Première Guerre mondiale

Entrée au CICR

Le 15 août 1914 le Comité de Genève ouvre une « Agence internationale de secours et de renseignements en faveur des prisonniers » dont l’objectif annoncé est de centraliser « tous les renseignements et dons à destination des prisonniers de guerre »[15]. Quelques jours plus tard, Renée-Marguerite Cramer quitte son poste de professeur à l’Université de Genève pour rentrer à l’Agence. Elle a probablement été contactée par le CICR directement[16]. De fait, nombre de ses proches travaillent déjà au CICR. Il n’est donc pas très étonnant qu’elle rejoigne cette institution. Elle est tout de suite nommée co-directrice des Services de l’Entente, aux côtés de Jacques Chenevière[17]. Ce pôle de l’Agence est en charge des prisonniers alliés détenus dans les territoires des Puissances Centrales. Renée-Marguerite Cramer s’intéresse beaucoup au fonctionnement de l’Agence, elle n’hésite pas à émettre des avis sur l’organisation des tâches réalisées.

Rôle au sein de l’Agence

En tant que co-directrice des Services de l’Entente, son travail consiste à coordonner et superviser l’obtention et la transmission de renseignements au sujet des prisonniers alliés. En 1932, Renée-Marguerite Cramer offre une réflexion a posteriori sur le travail accompli par l’Agence[18] dans un petit ouvrage Organisation d’un bureau central de renseignements qui s’intègre à la collection patrimoniale de la Bibliothèque du CICR dédiée à la captivité de guerre. La rédaction de ce fascicule marque une occasion pour Renée-Marguerite Cramer de revenir sur son expérience au sein du service de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG). Ce service est chargé de centraliser et transmettre aux familles et gouvernements les renseignements individuels relatifs aux prisonniers et disparus. Il doit également rassembler des renseignements plus généraux sur la situation et le traitement des prisonniers dans les différents pays. Enfin, ce service peut également avoir à organiser la transmission de correspondances, colis et mandats aux prisonniers.

Renée-Marguerite Cramer à l’Agence (Ville de Genève/CICR/F. Boissonnas)

Elle remarque d’abord qu’il est très hasardeux de vouloir anticiper le fonctionnement de l’Agence : l’expérience montre que l’organisation choisie doit dépendre du conflit. L’Agence doit s’adapter aux circonstances rencontrées. Renée-Marguerite Cramer souligne que la quantité et la qualité des informations reçues dépendent de nombreux facteurs et que ceux-ci ne peuvent être anticipés. Cela dit, elle insiste tout de suite sur la nécessité d’avoir des locaux suffisamment grands, ou tout du moins dont l’étendue peut être augmentée, pour accueillir les services et le personnel. L’augmentation du personnel et des dossiers traités sont effectivement une des difficultés auxquelles l’AIPG a dû faire face dès 1914. Renée-Marguerite Cramer a d’ailleurs assisté à la croissance de l’Agence et à ses deux déplacements, d’abord au Palais Eynard, puis au Musée Rath. Concernant le personnel, Renée-Marguerite Cramer souligne que si celui-ci peut être « en partie composé de volontaires », il faudra néanmoins « tout de suite faire appel à des techniciens », c’est-à-dire à des collaborateurs « au courant des méthodes historiques et de classements, en particulier des classements phonétiques »[19]. Dans cette mesure, l’organisation du travail est divisée en plusieurs tâches nettement déterminées et exécutées chacune par un travailleur spécialisé. Elle relève ainsi que « les expériences faites par l’AIPG ont démontré que la taylorisation des services était d’un rendement très supérieur, tant du point de vue de la rapidité que de l’exactitude des résultats »[20]. La marge d’erreur doit être réduite le plus possible.

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Service des copies (CICR)

Renée-Marguerite Cramer revient aussi sur la question du budget permettant de financer les activités de l’Agence. Comme elle le rappelle « L’AIPG a toujours travaillé gratuitement, mais si elle ne demandait aucune rétribution pour les services rendus, il est évident qu’elle acceptait les dons mêmes les plus minimes »[21]. Plusieurs choix sont ainsi faits : vente de rapports de visite et de cartes postales avec des vues des camps, ventes de « curiosités philatéliques » et des Nouvelles de l’Agence, représentations théâtrales, …

En 1916, Renée-Marguerite Cramer donne ainsi de sa personne en jouant avec ses collègues la pièce de théâtre Château Historique, une comédie en trois actes de Bisson et Berr de Turiques[22] ! La pièce produit une recette de 3000. – CHF[23].

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Fichiers français (CICR (AR))

L’AIPG rencontre toutefois des difficultés liées à l’apparition d’autres bureaux de renseignements : les informations risquent de ne plus être transmises jusqu’à Genève, des renseignements importants pourraient faire défaut au fichier central, et des dossiers déjà ouverts resteraient incomplets. En décembre 1916, Renée-Marguerite Cramer et Marguerite van Berchem se rendent en Allemagne auprès de la section locale de la Croix-Rouge de Francfort. Le travail réalisé par cette section est d’excellente qualité, à tel point qu’elle cherche à obtenir le monopole des recherches et communications relatives aux prisonniers allemands. Renée-Marguerite Cramer va jusqu’à parler de « concurrence » et incite cette section à éliminer le travail déjà effectué à Genève[24]. Des tensions existent également vis-à-vis de la Croix-Rouge américaine. Dès 1917, cette société nationale dispose en effet d’un bureau à Berne, chargé des prisonniers américains.  Or, le service de l’AIPG dirigé par Renée-Marguerite Cramer est également chargé des prisonniers américains. Les deux organismes connaissent rapidement des difficultés de communication et finissent par entrer en rivalité[25]. En 1932, Renée-Marguerite Cramer répète que le CICR doit conserver sa primauté en matière de centralisation de l’information :

« À notre avis cependant, le Comité international de la Croix-Rouge ne devrait pas charger un autre organisme de la constitution du Bureau central de renseignements, mais continuer à en assurer la direction et à l’organiser, avec la collaboration éventuelle de la Croix-Rouge nationale, même en dehors de Genève, comme il l’a du reste déjà fait en 1870 à Bâle et en 1912 à Belgrade »[26].

Les tensions autour du travail de l’AIPG sont importantes, si bien qu’en mars 1918 Renée-Marguerite Cramer annonce son intention de démissionner. Elle change finalement d’avis mais se permet d’insister sur deux points. D’une part elle indique qu’il est nécessaire de disposer de délégations pour plus d’efficacité dans la répartition du travail. D’autre part, elle juge nécessaire que les chefs de service de l’Agence internationale de recherche puissent assister aux réunions du Comité. D’après Cédric Cotter, en menaçant de quitter l’Agence, Renée-Marguerite Cramer pourrait bien avoir essayé de faire pression sur le Comité :

« Le Comité international profitera-t-il de l’occasion qui se présente à lui de revenir sur cette question pour mettre sur pied des délégations permanentes, ou Genève laissera-t-elle à Copenhague l’initiative de cette intervention et renoncera-t-elle aux solutions pratiques dont l’efficacité est démontrée pour s’en tenir à une politique d’appels et de protestations ? »[27]

Missions réalisées et diplomatie humanitaire

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Edmond Boissier, membre du CICR (1914-1940) (Ville de Genève/ CICR/ Boissonas)

À la fin du mois de mars 1917, Renée-Marguerite Cramer et Edmond Boissier, un des membres du Comité, partent pour Berlin, Copenhague et Stockholm[28]. À Berlin, ils visitent les principales sections du Zentralnachweisenbureau, c’est-à-dire l’organe du Ministère de la guerre allemand chargé de centraliser les services de renseignements sur les militaires de l’Empire et sur des ressortissants des pays de l’Entente. À cette occasion, Renée-Marguerite Cramer et Edmond Boissier prennent connaissance du système selon lequel fonctionne ce bureau de renseignements et cherchent à voir si d’autres informations pourraient être échangées : ils demandent par exemple à ce que soient communiquées les listes des tombes de militaires étrangers morts au combat. Au cours de leur séjour à Berlin, Renée-Marguerite Cramer et Edmond Boissier rencontrent également le Comité de la Croix-Rouge allemande. Ils regrettent l’ordonnance du Ministère de la Guerre allemand interdisant aux familles allemandes d’adresser leurs demandes de renseignements à des organisations en pays neutres.

Edmond Boissier et Renée-Marguerite Cramer arrivent début avril à Copenhague. Ils sont reçus par le prince Waldemar de Danemark, président des œuvres de la Croix-Rouge danoise.[29]  Cette prise de contact est importante car la Croix-Rouge danoise a un rôle essentiel en faveur des prisonniers austro-allemands en Russie et des prisonniers russes en Allemagne.

À l’automne 1914 le Comité international de la Croix-Rouge demande à la Croix-Rouge danoise de le représenter vis-à-vis de la Russie et de l’Allemagne en organisant les relations entre ces deux pays et leurs prisonniers respectifs. Cette entreprise est dirigée par M. Ludvig Dithmer. En 1915 ce service reçoit plus de 1000 lettres par jour. Le service doit être agrandi et, en 1916, les bureaux sont installés au Château de Christianborg à Copenhague. Le travail est alors réparti en 5 grands services : 1) la Russie, 2) l’Allemagne, 3) les envois d’argent, 4) la réexpédition des lettres, 5) les télégrammes.[30]

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Camp de Horserod (Croix-Rouge danoise)

Renée-Marguerite Cramer et Edmond Boissier rencontrent d’ailleurs plusieurs délégués danois ayant visité des camps de prisonniers en Russie : les conditions de détention semblent s’être améliorées depuis le début de la guerre mais les maladies -le scorbut, en particulier- font de grands ravages. Les délégués du Comité international de la Croix-Rouge s’intéressent aussi aux conditions d’internement de 1200 Austro-allemands à Hald ainsi que de 1200 Russes à Horserod. Renée-Marguerite Cramer et Edmond Boissier sont d’ailleurs admis à visiter le camp de Horserod. [31] Les deux délégués se rendent ensuite à Stockholm où ils sont reçus en audience particulière par le prince Charles de Suède, président de la Croix-Rouge suédoise. Ils prennent également contact avec M. Greene, le directeur de la Commission de secours pendant la guerre de la fondation Rockfeller et examinent avec lui les moyens de ravitailler les prisonniers internés dans les pays belligérants.

De ce voyage Renée-Marguerite Cramer et Edmond Boissier tirent plusieurs conclusions sur la condition des prisonniers de guerre. Ils mettent en garde contre la situation alimentaire des prisonniers qui empire à mesure que les exportations se raréfient. Surtout, ils déplorent les effets tant physiques que moraux de la captivité prolongée et demandent aux belligérants d’accepter le principe d’extinction du droit de capture au bout de deux ans[32].

Le 12 octobre 1917, Renée-Marguerite Cramer se rend à Paris. Cette mission montre la difficulté du CICR à faire entendre sa voix auprès de certains milieux officiels. Elle est reçue par les différents chefs des Bureaux de renseignements du Ministère de la guerre français et des Croix-Rouges française, américaine et roumaine. Elle obtient que les causes de décès des prisonniers allemands morts en captivité soient désormais portées sur les listes françaises. En revanche, elle a beaucoup de difficultés pour sensibiliser les représentants du gouvernement français à la nécessité de conclure rapidement l’accord en préparation entre la France et l’Allemagne permettant l’échange de prisonniers valides ayant subi une longue captivité.

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Un document de travail signé et annoté par Marguerite Frick-Cramer !

Dans son rapport de mission elle souligne l’indifférence des officiels français envers leurs prisonniers en Allemagne : « On en arrive à cette conclusion que le gouvernement français abandonne ses enfants et qu’il accepte d’un cœur léger le sacrifice des 130 000 hommes dont on peut prévoir avec certitude que la vie, la santé ou la raison seront définitivement compromises après un nouvel hiver en captivité »[33]. Fin 1917, Renée-Marguerite Cramer est appelée à Berne pour les négociations franco-allemandes[34]. Les négociations aboutissent finalement le 29 décembre 1917 : seront rapatriés les prisonniers soldats et sous-officiers ayant 48 ans et 18 mois de captivité, français, belges et allemands[35].

Être juriste au CICR dans l’entre-deux-guerres

La première femme cooptée membre du CICR

Le 1er juin 1918 Edouard Naville propose de nommer Renée-Marguerite Cramer membre du Comité international « en raison de sa compétence et des services rendus ». Il ajoute de plus que la présence d’une dame au Comité international « ne ferait que le couronner et le renforcer ».[36] Cette décision est soumise à Gustave Ador qui se rallie à l’avis du Comité « vu les qualités hors ligne de la candidate »[37]. Ses qualités intellectuelles et le travail qu’elle effectue à l’AIPG sont assurément un des paramètres présidant à sa nomination. Gustave Ador note toutefois que cette décision pourrait « surprendre » des points de vue extérieurs. En fait, les objections à la candidature de Renée-Marguerite Cramer ne semblent pas vraiment se focaliser sur la question de son genre. Au lieu de cela, deux craintes sont formulées. La première porte sur le risque de voir réactivé le débat portant sur la nationalité des membres du Comité international. Comme le rappelle Irène Hermann[38], il existe depuis 1887 une critique de cette règle officielle réservant l’accès à l’organe directeur du CICR aux seuls ressortissants suisses, voir même aux seuls Genevois issus de l’ancien patriciat de la ville. Or, Renée-Marguerite Cramer incarne exactement ce groupe social. L’autre crainte porte sur la réaction que pourraient avoir les structures d’entraides parallèles à l’AIPG. On craint en effet que la nomination de Renée-Marguerite Cramer ne soit considérée comme une provocation par les structures d’entraide américaines. La décision de nommer Renée-Marguerite Cramer comme membre du Comité est donc repoussée, et on préfère choisir de « désigner Mlle Cramer pour faire partie du Comité […] dès que les circonstances le permettront »[39]. C’est chose faite le 27 novembre 1918, le procès-verbal de l’AIPG indique que « Mlle Cramer a accepté l’appel que lui a adressé le Comité international et entre dès ce jour dans le Comité international comme membre »[40].

En 1919, Renée-Marguerite Cramer prend part aux négociations de la Conférence médicale de Cannes face à Henry P. Davison de la Croix-Rouge américaine[41] : l’enjeu est alors d’empêcher que ne se forme une Ligue des Croix-Rouges de la Paix, c’est-à-dire une ligue des Croix-Rouges des pays vainqueurs. William Rappard indique que le CICR cherche alors à retarder la constitution de cette Ligue des Croix-Rouges de la Paix « en attendant le moment où cette Ligue pourrait devenir universelle et embrasser la totalité des Croix-Rouge actuellement reconnues » [42] .

En 1920 Renée-Marguerite Cramer épouse Edouard Frick, délégué du CICR en Europe orientale. Par la suite, elle part s’établir en Allemagne. Étant donné son éloignement de Genève, elle a plus de difficultés à suivre les affaires du CICR. En décembre 1922, elle démissionne du Comité international et en devient membre honoraire. Elle est réélue membre à part entière en septembre 1939[43]. Les années 1920 et 1930 permettent à Renée-Marguerite Frick-Cramer de mûrir ses réflexions en faveur de la protection des prisonniers de guerre et des civils.

Préparations à la Conférence Diplomatique de 1929

Portrait de Renée-Marguerite Frick-Cramer en 1929 (Bibliothèque du CICR)

Au début des années 1920, Renée-Marguerite Frick-Cramer se penche sur le sort des réfugiés. Au sortir de la guerre, ils sont près de 12 millions à avoir été déplacés, et leur rapatriement pose de nombreux défis logistiques et diplomatiques. La question des prisonniers de guerre restés en Sibérie est particulièrement épineuse et devient l’objet de négociations menées d’abord par le CICR puis par Fridtjof Nansen. En mai 1920, Renée-Marguerite Frick-Cramer publie un article dans la Revue internationale de la Croix-Rouge consacré au Rapatriement des prisonniers de guerre centraux en Russie et en Sibérie et des prisonniers de guerre russes en Allemagne. Elle s’appuie alors sur les rapports de deux délégués : Edouard Frick et le Dr Montandon. Renée-Marguerite Frick-Cramer revient sur les enjeux qui entourent le rapatriement des prisonniers de guerre. Elle note l’insuffisance des Accords de La Haye, Berne et Copenhague et souligne que le principe du rapatriement des prisonniers de guerre valides ayant subi une longue captivité n’est toujours pas largement accepté. Les négociations entourant le rapatriement des prisonniers sont bien souvent étroitement corrélées à l’élaboration des traités de paix. Renée-Marguerite Frick-Cramer rappelle d’ailleurs que lors de la Conférence de la Paix à Paris en 1919, le CICR a insisté pour que le rapatriement des prisonniers de guerre de toute nationalité soit autorisé par anticipation.

« On sait combien ces négociations furent lentes ; elles n’ont pas encore abouti à l’égard de toutes les Puissances centrales. Pendant longtemps, toute tentative faite pour obtenir que la question des prisonniers de guerre soit, en raison de ces retards, traitée à part, fut vaine. Les traités de Versailles et de Saint-Germain prévoient en effet que le rapatriement des prisonniers de guerre aura lieu aussitôt que possible après la mise en vigueur de ces traités […]. Á ce jour, seul le traité avec l’Allemagne est en vigueur, par conséquent, aux termes des texte, seuls les prisonniers de guerre allemands sont rapatriables. »[44]

Dans un article publié[45] en novembre 2018, Neville Wylie et Lindsey Cameron arguent que l’expérience de la captivité pendant la Première Guerre mondiale a apporté de nombreux changements dans le droit protégeant les prisonniers de guerre. Les auteurs notent que, suite à ce conflit, on observe un glissement dans le statut donné à ce type de détenus : de « combattant désarmés » ils deviennent «sujets humanitaires ».

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Prisonniers de guerre allemands à Salonique (CICR (AR))

Cela transforme considérablement la condition des prisonniers de guerre : on note alors que le cadre juridique proposé par la Convention de la Haye en 1906 est trop imprécis et qu’il peut laisser place à de nombreuses interprétations différentes. Les questions des rapatriements, des représailles et du contrôle des conditions de détention sont particulièrement mises en avant. Ce glissement dans le statut des prisonniers et les questionnements qui en découlent sont tout à fait visibles dans les travaux de Renée-Marguerite Frick-Cramer. De fait, elle est même convaincue de la nécessité de « conclure une convention nouvelle, statuant sur le sort des militaires et civils capturés au début ou au cours des hostilités qui pourraient se produire »[46]. Elle rejoint en cela, les vœux émis par l’Association de droit international à Londres en 1922 et à Stockholm en 1924. Si dans les années 1920, l’Association de droit international et le CICR prennent chacun la décision de rédiger un code du prisonnier de guerre militaire ainsi qu’un code sur les prisonniers civils, Renée-Marguerite Frick-Cramer indique que ceux-ci ne constituent jamais qu’une base de travail pour une conférence diplomatique éventuelle. Elle note en particulier que ces codes sont « trop inspirés des conventions conclues pendant la guerre » et que par conséquent ils ont des défauts. Renée-Marguerite Frick-Cramer indique qu’il n’y a pas de raison pertinente de distinguer prisonniers de guerre et internés civils : « il n’y a en effet aucune raison d’appliquer des règles différentes aux prisonniers militaires et aux internés civils tels que nous les concevons. Les uns et les autres, capturés dans les lignes ou dans le pays ennemi, sont internés dans des camps et leur régime est semblable »[47]. D’autre part, elle déplore « le trop grand luxe de détails » avec lequel sont rédigés ces projets de code. Elle souligne alors qu’une convention doit se limiter à émettre des principes généraux qui serviront de base à d’autres règlements spéciaux.

Renée-Marguerite Frick-Cramer est l’une des principaux auteurs du projet à l’origine de la Convention de 1929 sur le traitement des prisonniers de guerre. En novembre 1929, Renée-Marguerite Frick-Cramer envoie une lettre à Gustave Ador :

« On ne peut nier que du fait de la durée des hostilités, les prisonniers sont devenus un instrument politique (camps de propagande, envoi de prisonniers de guerre au Maroc, détention après l’armistice), cela est infiniment regrettable. Espérons qu’avec la nouvelle Convention et grâce à la supervision des neutres, ainsi qu’à la possibilité pour les belligérants de s’entendre l’un et l’autre, les quiproquos seront évités et que des instructions seront données au plus haut niveau. »[48]

En 1943, elle publie un article dans la Revue internationale de la Croix-Rouge intitulé Le Comité international de la Croix-Rouge et les conventions internationales pour les prisonniers de guerre et les civils. Elle note que la Convention de 1929 a réalisé un progrès important par rapport au droit qui était en vigueur auparavant pour les prisonniers de guerre. En revanche, des vides subsistent sur la question des internés civils et l’acte final de la Conférence de 1929 formule le vœu que « des études approfondies soient entreprises en vue de la conclusion d’une Convention internationale concernant la condition et la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent sur le territoire d’un belligérant ou sur un territoire occupé par lui »[49].

Conférence internationale de 1934 et déceptions …

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Conférence internationale de Tokyo 1934 (CICR)

Déjà en 1934, Renée-Marguerite Frick-Cramer indique que « par suite d’une inexplicable lacune dans le droit de la guerre, il n’existe pas de disposition légale protégeant les civils appartenant à une nationalité belligérante lorsqu’ils se trouvent sur le territoire de l’ennemi ». Dès la Première Guerre mondiale, lorsqu’elle travaille aux côtés du Dr Ferrière à l’AIPG, Renée-Marguerite Frick-Cramer prend conscience de l’absence totale de protection des civils en territoire ennemi. De fait, lors de la Conférence internationale de la Croix-Rouge de 1921, une résolution avait déjà émis quelques principes généraux relatifs aux civils déportés : interdiction de la déportation sans jugement ou en masse, prohibition de la prise d’otages, liberté de circulation, autorisation de correspondre et de recevoir des secours. En 1925, lors de la XIIe Conférence internationale, des principes protégeant les civils sur le territoire de l’Etat ennemi sont énoncés : départ libre, rapidité des enquêtes, listes des civils retenus à communiquer au CICR, mise au bénéfice du régime des prisonniers de guerre, visite des lieux d’internement[50]. Au début des années 1930, le CICR constitue une Commission chargée de préparer un projet de Convention concernant les civils[51]. Ce projet de Convention est préparé par le CICR et présenté lors de la XVe Conférence internationale de la Croix-Rouge, tenue à Tokyo du 20 au 29 octobre 1934, sous le titre La condition et la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent sur le territoire d’un belligérant ou sur un territoire occupé par lui. Renée-Marguerite Frick-Cramer présente ce projet, elle souligne la surprise des membres de l’assemblée « lorsqu’ils se rendirent compte que, si des hostilités venaient à éclater, les civils ennemis ne seraient au bénéfice d’aucune protection juridique internationale, mais tomberaient à la merci des Etats sur le territoire desquels ils se trouveraient »[52]. Elle note que le projet du CICR reçoit un bon accueil. D’emblée, il est adopté comme pouvant servir de base à des négociations diplomatiques, et le CICR se met en rapport avec le Gouvernement fédéral suisse pour réunir une Conférence diplomatique analogue à celle de 1929. La Conférence diplomatique est organisée, et en 1939 le Gouvernement suisse invite les Etats à une réunion qui aurait dû se tenir à Genève début 1940. Trop tard : en septembre 1939 le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l’Allemagne, un mois plus tard la Pologne est envahie.  « Les évènements avaient marché plus vite » nous dit Renée-Marguerite Frick-Cramer.

Le projet de Tokyo est malheureusement avorté. C’est un grand regret pour Renée-Marguerite Frick-Cramer : elle voit la guerre éclater, et des centaines de milliers de personnes être déplacées « comme en 1914, dépourvues de toute protection juridique internationale »[53].

Retrouvez sur notre guide de recherche dédié la documentation distribuée lors de la XVe Conférence internationale de la Croix-Rouge.

Réflexion sur les civils et les déportations pendant la Seconde Guerre mondiale

Retour au CICR et rôle au sein de l’Agence centrale des prisonniers de guerre

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Renée-Marguerite Frick-Cramer à l’Agence (CICR (AR))

En Septembre 1939, Renée-Marguerite Frick-Cramer est réélue comme membre à part entière du CICR. Elle revient à Genève et se consacre au travail de l’Agence centrale des prisonniers de guerre. Cette fois, les autorités genevoises installent l’Agence au Palais du Conseil général. Pourtant, de même qu’en 1914, l’expansion des activités de l’Agence fait que celle-ci finit par occuper le Musée Rath, une banque ainsi que plusieurs appartements[54]. Suite à la Conférence diplomatique de 1929, l’idée que l’information doit être centralisée dans un pays neutre est cette fois bien établie : le bureau de renseignement prend donc le nom d’Agence centrale des prisonniers de guerre (ACPG). Le rôle de l’ACPG est de centraliser toutes les informations relatives aux prisonniers de guerre et internés civils, de servir d’intermédiaire entre les puissances belligérantes en matière de communication et d’information, et de travailler comme une agence de renseignements répondant aux requêtes d’individus et d’organisations publiques et privées.

Il faut toutefois noter que l’article 79 de la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre de 1929 stipule que « Ces dispositions ne devront pas être interprétées comme restreignant l’activité humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge ». Autrement dit, l’ACPG doit pouvoir se montrer inventive dans ses activités, elle doit chercher à engager d’autres démarches auprès des belligérants, et ce toujours dans l’intérêt des victimes du conflit.

En avril 1944, Renée-Marguerite Frick-Cramer revient sur le travail effectué par l’ACPG dans un article intitulé Au service des personnes dispersées. Le « Service des familles dispersées » est précisément l’une des inventions de l’Agence durant la Seconde Guerre mondiale. Les très importants mouvements de population, déplacements et migrations qui ont lieu dans le monde entier sont, d’après Renée-Marguerite Frick-Cramer, l’une des caractéristiques de cette guerre.

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Guerre 1939-1945. Exode, réfugiés français. (Staatsarchiv Aargau)

Elle estime à 40 millions le nombre de personnes déplacées du fait des hostilités. Or, note-t-elle « depuis le début des hostilités, le Comité international a déjà reçu, soit de particuliers, soit de diverses instances, un très grand nombre de demandes de renseignements relatives aux membres d’une même famille séparés par les circonstances de guerre »[55]. Les enquêtes sont bien évidemment très difficiles à mener, et nombre de cas semblent insolubles. Renée-Marguerite Frick-Cramer souligne d’ailleurs que l’utilisation des cartes de signalement serait très précieuse. De ce point de vue, elle rapporte aussi la difficulté à organiser un fichier central des personnes disparues : l’emploi de faux états-civils chez les réfugiés, l’absence d’état-civil chez les jeunes enfants, les ratures et fautes de graphies dans les noms transmis sont autant de difficultés auxquelles l’Agence doit faire face. Au moment où elle écrit son article le fichier central de familles dispersées compte déjà 94 000 fiches : « En constante liaison avec les services nationaux de l’Agence, le fichier groupera, pour autant qu’ils seront annoncés à Genève, tous les cas de prisonniers de guerre militaires ou de civils de toutes nationalités qui, ayant été déplacés à la suite de faits de guerre, recherchent des membres de leur famille, eux aussi, déplacés »[56]. Reste que de nombreux civils déplacés échappent complètement à l’Agence et n’apparaîtront jamais dans le fichier central.

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1946. Retrouvailles à Klagenfurt (CICR (AR))

Un engagement auprès des familles toujours valable aujourd’hui

« Conformément aux Conventions de Genève le CICR dirige l’Agence centrale de recherche. Dans les conflits ou d’autres situations exigeants une action internationale, les collaborateurs du CICR viennent directement en aide aux familles dispersées ou dont un membre est porté disparu. De nos jours, l’Agence coordonne également les activités du Réseau mondial des liens familiaux pour s’assurer que les familles dispersées reçoivent la meilleure assistance possible. »[57]

Demande d’enquête et réflexion sur le sort des civils

En 1943, Renée-Marguerite Frick-Cramer est sollicitée sur la question d’une enquête portant sur le massacre des officiers polonais de Katyn. Or, le Comité international de la Croix-Rouge avait dès 1923 pris une position de principe sur ce sujet au moment de l’élaboration du Code des prisonniers de guerre : « La Xe Conférence internationale de la Croix-Rouge de 1921 […] avait prévu que le Comité international devrait, en cas de violations, être appelé à diriger une enquête et à provoquer les sanctions contre l’état délinquant. Cependant, le Comité international a très sagement préféré s’abstenir de suivre, sur ce point, les vœux de la Xe Conférence et ne pas revendiquer les compétences très étendues qu’on avait désiré lui confier[58]». Finalement Renée-Marguerite Frick-Cramer note que l’article 30 de la Convention pour l’amélioration du sort des blessés et des malades de 1929 ne permet pas vraiment de remettre au CICR le soin d’organiser une enquête. Elle remarque entre autres que « l’article 30 pose le principe que cette enquête devra être ouverte selon le mode à fixer entre les parties intéressées, ce qui présuppose donc l’accord préalable du gouvernement accusé de violation, en l’occurrence l’URSS »[59].

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Internés civils en mains japonaises (CICR (AR))

Durant la Seconde Guerre mondiale, Renée-Marguerite Frick-Cramer étoffe surtout sa réflexion au sujet des civils. En 1943, elle note qu’« il est donc réjouissant de constater qu’en ce qui concerne les civils habitant sur le territoire ennemi, le projet de Tokyo, bien qu’il n’ait été sanctionné par une Conférence diplomatique, a cependant facilité l’adoption progressive d’un droit coutumier, droit qui est maintenant appliqué d’une manière à peu près uniforme par tous les Etats belligérants »[60]. En revanche, elle note que les populations des territoires occupés ne bénéficient pas des mêmes égards. Elle signale en particulier les « évacuations administratives, les déportations en masse, ou individuelles, les prises d’otages ». En fait Renée-Marguerite Frick-Cramer entend dénoncer par-dessus tout « l’application toujours plus généralisée des méthodes de guerre totale »[61].

Dans cette analyse Renée-Marguerite Frick-Cramer utilise la notion de guerre totale au sens de méthode de combat qui prendrait à parti les civils en les menaçant eux-mêmes ainsi que leur mode de vie. C’est donc surtout l’absence de droit protégeant les populations civiles des territoires occupés que déplore Renée-Marguerite Frick-Cramer. Sa réflexion est importante et préfigure les travaux de préparation menant à la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949.

Prise de position sur les déportations et internements des populations civiles

À partir de 1942, Renée-Marguerite Frick-Cramer essaie de convaincre le Comité de la nécessité d’une intervention forte du CICR en faveur des civils ennemis et des internés dans les camps de concentration. Dès novembre 1939, elle reçoit des demandes émanant de la Fédération des communautés israélites de Suisse, de l’American Jewish Joint Distribution Committee ainsi que de sa branche européenne pour que soit organisé un service de renseignements et que soient envoyés des secours[62]. Les organisations proposent d’ailleurs de financer elles-mêmes ces opérations, selon les conditions fixées par le CICR. Renée-Marguerite Frick-Cramer est convaincue de la nécessité de chercher à obtenir des renseignements et à organiser des interventions en faveur des déportés. Elle souhaite d’ailleurs que soit ouverte une délégation à Cracovie[63]. En février 1940 elle cherche également à convaincre le président du CICR, Max Huber, d’envoyer Carl J. Burckhardt à Berlin :

« M. Burckhardt pourrait éventuellement examiner si des interventions en faveur des internés dans les camps de concentration (exemple professeurs de Cracovie) sont possibles et opportunes, en particulier en se plaçant au point de vue des secours matériels à envoyer. Le Comité international n’a jamais abandonné sa prétention de pouvoir s’occuper des prisonniers politiques lorsqu’il s’agit de les secourir matériellement. Mais cette question est évidemment extrêmement délicate, il faut laisser au négociateur toute liberté d’action à ce sujet. »[65]

En septembre 1941 une nouvelle parvient au CICR : des prisonniers de guerre français sont déportés à Mauthausen, où ils deviennent des « Schutzhäftlinge », dépendant des autorités civiles et soumis à un régime spécial. Ces nouvelles encouragent Renée-Marguerite Frick-Cramer et Suzanne Ferrière à s’intéresser de plus près à cette situation.

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Commission centrale de l’ACPG en 1939 (CICR (AR))

Fin avril 1942, Renée-Marguerite Frick-Cramer, Suzanne Ferrière et le Dr Alec Cramer rédigent une note intitulée « Dans quelle mesure et dans quel domaine le CICR doit-il s’occuper des israélites »[66]. Ils répondent en réaffirment la position du CICR : d’une part le CICR ignore les distinctions confessionnelles, politiques ou raciales, d’autre part la seule différence juridique qui puisse être observée est celle qui existe entre les Juifs qui appartiennent à une nation adverse à la puissance détentrice et ceux de la même nationalité. Dans le premier cas, le CICR est habilité à intervenir puisqu’il s’agit d’un problème international. Il propose donc une série de mesures : demande de visites de camps juifs en France occupée, démarche pour organiser des secours en s’appuyant sur l’aide d’organisations israélites, défense des prisonniers de guerre et internés civils israélites auprès de l’Allemagne, action pour obtenir des nouvelles des personnes déportées. Renée-Marguerite Frick-Cramer émet également l’idée de réclamer pour les déportés le droit de donner de leurs nouvelles. Cette idée est malheureusement écartée.

Durant l’été 1942, le CICR est assailli de questions portant sur les déportés. Renée-Marguerite Frick-Cramer reprend une suggestion du Dr Roland Marti : intervenir directement auprès d’Himmler ou du Ministre de la Justice pour obtenir des réponses. Renée-Marguerite Frick-Cramer relance cette suggestion et propose même de s’adresser à Hitler par le biais du pasteur Adolphe Keller :

« Comme vous [Carl J. Burckhardt] le savez je m’occupe tout particulièrement de cette question. […] Il me semble indispensable qu’une mission personnelle soit envoyée en Allemagne […] pour discuter de cette affaire qui prend malgré tout pour l’Allemagne une importance plus grande. Il serait évidemment souhaitable que vous ou le Président [Max Huber] ou encore mieux vous et le Président fassiez cette mission. Mais si véritablement vous estimez que ce n’est pas possible, ne pourrait-on pas charger une personnalité suisse prise même en dehors de nos cadres ? Je me demande si le Prof. A. Keller ne pourrait être envoyé comme représentant personnel du Président, empêché par l’âge et la maladie de se déplacer. Je sais aussi que les Français demandent une intervention du Vatican, peut-être pourrait-on faire une démarche conjointe ou simultanée. Mais pour l’Amour du ciel qu’on agisse le plus prochainement possible. Je suis du reste très sûre que le Vatican fera quelque chose. Je vous demande votre avis toujours si clairvoyant, car je suis décidée à reprendre la question d’une mission en Allemagne avec le Président dès son retour à Genève. Mais je voudrais savoir ce que vous pensez des diverses éventualités suivantes : 1) Demander au Vatican de faire une action et une mission conjointes qui comprendraient un représentant du Saint-Siège et un représentant personnel du Président du CICR, mission qui serait envoyée auprès de Hitler ou du représentant qu’il désignerait personnellement. 2) Même mission mais sans le Vatican »[69].

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Camp de concentration. Plan général de clôtures délimitant un camp. (American Red Cross)

Lors de la séance plénière du mercredi 14 octobre 1942, les participants sont invités à motiver leur prise de position : faut-il procéder à une prise de position publique ? Faut-il s’abstenir de toute manifestation ? Ou encore, faut-il chercher d’autres solutions intermédiaires ? Renée-Marguerite Frick-Cramer, Suzanne Ferrière, Lucie Odier, Renée Bordier, Edmond Boissier, Paul Des Gouttes, le Dr Alec Cramer, et le diplomate Georges Wagnière se prononcent en faveur d’une protestation solennelle et publique sous la forme d’un appel. Le « non-appel »[70] de 1942 est une déception pour Renée-Marguerite Frick-Cramer. Début 1943 elle continue d’insister avec le délégué Marcel Junod pour que soit entreprises des démarches permettant d’obtenir des informations sur les déportés israélites de nationalité étrangère.

Cette difficulté à recueillir des renseignements se poursuit jusqu’à la fin de la guerre. Renée-Marguerite Frick-Cramer continue ses démarches. En novembre 1944 elle signe par exemple une demande d’information pour la légation de Slovaquie à Berne. Cette requête porte sur les personnes déportées de Szeered et de Marianka. Elle ne reçoit qu’un accusé de réception. Mais des informations beaucoup plus précises commencent à filtrer. En 1944, Renée-Marguerite Frick-Cramer apprend l’existence d’expériences médicales pratiquées sur des détenues polonaises. Sans possibilité de faire valoir son droit de visiter les camps de concentration, le CICR voit sa marge d’action alors bien réduite. Renée-Marguerite Frick-Cramer est bouleversée au point d’écrire que « s’il n’y a rien à faire, et bien, qu’on envoie à ces malheureux de quoi mettre fin à leurs jours ; ce serait peut-être plus humain que de leur donner des vivres »[71].

L’intérêt que porte Renée-Marguerite Frick-Cramer à la question du cadre juridique protégeant les populations civiles déplacées et internées trouve ici sa justification. Les déportations et les souffrances terribles endurées par les victimes civiles de la Seconde Guerre mondiale sont un facteur déterminant menant à la rédaction de la Convention de Genève sur la protection des personnes civiles en temps de guerre.

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Renée-Marguerite Frick-Cramer, membre du CICR de 1918 à 1946 (Ville de Genève/ CICR)

Renée-Marguerite Frick-Cramer demande à démissionner en novembre 1946[72]. Elle est élue membre honoraire du Comité, et celui-ci décide de lui conférer la médaille de vermeil. Renée-Marguerite Frick-Cramer prend néanmoins part aux préparatifs menant aux Conventions de Genève du 12 août 1949. Dès février 1947, elle soumet un texte ainsi qu’un projet d’article pour la Revue internationale de la Croix-Rouge à la Commission juridique. Restée fidèle au projet de Tokyo, elle souhaiterait fusionner les conventions sur les militaires et les civils, ou tout du moins que la partie sur les civils soit plus restreinte. Il est finalement décidé de ne pas distribuer son texte aux experts. En revanche, son article est publié en mars 1947 sous le titre Contribution à l’élaboration d’une Convention sur les prisonniers, militaires ou civils, tombés au pouvoir de l’ennemi ou d’une autorité non reconnue par eux.

Renée-Marguerite Frick-Cramer est très impliquée dans la préparation des Conventions. En mars 1947 elle demande à ce que le CICR hâte la procédure de révision des Conventions. Elle suggère que le CICR propose un projet de Convention pour l’année-même. Et indique qu’il faudrait que celui-ci soit soumis sans tarder au Gouvernement fédéral suisse pour qu’une Conférence diplomatique soit convoquée dès 1948.

Renée-Marguerite Frick-Cramer participe et voit la génèse des Conventions de Genève du 12 août 1949. Si celles-ci ne correspondent pas entièrement au projet rédigé par Frick-Cramer, elles voient néanmoins l’aboutissement d’un travail commencé dès avant la Conférence de Tokyo en 1934.

« Sur certains points, la protection que la Convention tend à assurer aux prisonniers n’est plus adéquate aux méthodes de guerre actuelles »

Certes, Renée-Marguerite Cramer se trompe lorsqu’elle indique que « de tous temps, les belligérants s’étaient attachés à laisser les populations civiles et les civils en pays ennemi en dehors des opérations de guerre en tant que sujets inoffensifs pour l’ennemi, la guerre étant considérée comme un conflit entre Etats et non pas entre individus »[73]. Quelques pages de Grimmelshausen nous rappellent combien la Guerre de Trente Ans (1618-1648) fut terrible pour la population du Saint-Empire. Toutefois, Renée-Marguerite Frick-Cramer a bien senti un changement dans la manière de faire la guerre : si lors de la Première Guerre mondiale les pertes civiles restent inférieures aux pertes militaires, ce rapport s’inverse lors de la Seconde Guerre mondiale. Désormais les populations civiles sont les premières victimes des conflits armés.

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, Renée-Marguerite Frick-Cramer a conscience du « caractère changeant de la guerre ». Elle perçoit que l’entrée dans l’âge industriel de la guerre va changer de nombreux enjeux et indique que « sur certains points la protection que la Convention tend à assurer aux prisonniers n’est plus adéquate aux méthodes de guerre actuelles »[74]. Visionnaire, elle mène une réflexion originale en matière de droit international humanitaire. Ses travaux ne portent pas sur les thèmes de prédilection des années 1920, à savoir le désarmement, les armes chimiques et bactériologiques. D’après elle, le désarmement masque « les nouvelles réalités de la guerre », c’est pourquoi elle préfère se concentrer sur le droit protégeant les populations civiles. Ce faisant, Renée-Marguerite Frick-Cramer revient assez paradoxalement aux sources du droit des gens et donc du jus in bello. Renée-Marguerite Frick-Cramer, un Francisco de Vitoria du XXe siècle ? Difficile à dire, tant il est compliqué de mesurer l’influence d’une personne dans la construction du droit international humanitaire. Reste que ses travaux sur l’Agence, les prisonniers de guerre et les civils internés et déplacés ont une grande importance pour le CICR.

V-P-HIST-03562-08

Commission centrale de l’ACPG (CICR (AR))

Renée-Marguerite Frick-Cramer décède le 22 octobre 1963[75]. Elle laisse derrière elle le souvenir d’une femme confiante dans la valeur de l’idéal humanitaire[76], mais aussi d’une travailleuse tenace et déterminée qui a su se montrer inventive et innovante dans la manière de penser le droit international humanitaire :

« Le C.I.C.R ne doit pas croire son activité limitée par les Conventions passées et les mandats reçus, il a le droit et le devoir d’innover toutes les fois que les lois de l’humanité l’exigent. [77]»

 

Bibliographie

Contributions de Renée-Marguerite Frick-Cramer à la Revue internationale de la Croix-Rouge et autres écrits conservés à la bibliothèque du CICR

Sources primaires

Biographies et sources secondaires

 

 

 

[1] Irène Herrmann, « Marguerite Cramer : « appréciée même des antiféministes » », in Action humanitaire et quête de la paix : le prix Nobel de la paix décerné au CICR pendant la Grande Guerre, Genève, Fondation Gustave Ador, 2019, p. 155

[2] Daniel Palmieri, « Guerre, humanité, féminité : le Comité international de la Croix-Rouge et les femmes », in Femmes et relations internationales au XXe siècles, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2006, p. 19

[3] Daniel Palmieri, « Renée-Marguerite Frick-Cramer : Genève, 1887-1963 », in Les femmes dans la mémoire de Genève : du XVe au XXe siècle, Genève : S. Hurter, 2005, p. 182

[4] Frédéric Ferrière (1848-1924) est un médecin suisse qui fut membre puis vice-président du CICR. Il travaille à l’Agence internationale des Prisonniers de Guerre pendant la Première Guerre mondiale. Il est avec Renée-Marguerite Frick-Cramer un des initiateurs de l’extension du rôle de la Croix-Rouge au bénéfice des populations civiles.

[5] Natalia Tikhonov Sigrist, « Les femmes et l’université en France, 1860-1914 : pour une historiographie comparée », in Histoire de l’éducation, no 122, 2009, p. 54

[6] Ibid., p. 65

[7] « Nos avocates », in Journal de Genève, Genève, Mercredi 27 juillet 1910, p. 4

[8] « Trente ans au service de la Croix-Rouge internationale », in Journal de Genève, Mardi 15 août 1944, p. 5

[9] Le Prix Ador est décerné par l’Université de Genève et récompense un mémoire traitant d’un sujet d’Histoire.

[10] Ernest Renan, « Qu’est-ce qu’une Nation ? », conférence faite en Sorbonne, le 11 mars 1882

[11] Renée-Marguerite Cramer, Genève et les Suisses : histoire des négociations préliminaires à l’entrée de Genève dans le corps helvétique 1691-1792, Genève, A. Eggimann, 1914, p. 195-196 en particulier

[12]Gédéon Turrettini et la Diète de Baden (1776) », in Journal de Genève, Lundi 20 avril 1914, p. 1-2

[13] Daniel Palmieri, « Renée-Marguerite Frick-Cramer : Genève, 1887-1963 », in Les femmes dans la mémoire de Genève : du XVe au XXe siècle, Genève : S. Hurter, 2005, p. 182

[14] Irène Herrmann, « Marguerite Cramer : « appréciée même des antiféministes » », in Action humanitaire et quête de la paix : le prix Nobel de la paix décerné au CICR pendant la Grande Guerre, Genève, Fondation Gustave Ador, 2019, p. 155

[15] Circulaires 159 et 160, du 15 et 27 août 1914, Genève, CICR

[16] Les procès-verbaux de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG), édités et annotés par Daniel Palmieri, Genève : CICR, octobre 2014, p. 12

[17] Jacques Chenevière, Retours et images, Lausanne, Rencontre, 1966, p. 174

[18] Pour plus d’informations, consulter la section l’Agence internationale des prisonniers de guerre de notre guide de recherche L’action du CICR pendant la Première Guerre mondiale

[19] Renée-Marguerite Frick-Cramer, Organisation d’un bureau central de renseignements, Genève : CICR, 1932, p.14

[20] Ibid., p.16

[21] Ibid., p.81

[22] « Chronique locale », in Journal de Genève, Genève, Mardi 11 avril 1916, p. 6

[23] Les procès-verbaux de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG), édités et annotés par Daniel Palmieri, Genève : CICR, octobre 2014, p. 140

[24] Citée dans Cédric Cotter, (S’) aider pour survivre : action humanitaire et neutralité Suisse pendant la Première Guerre Mondiale, Chêne-Bourg : Georg, 2017, p. 482

[25] Ibid., p. 495 et ss.

[26] Renée-Marguerite Frick-Cramer, Organisation d’un bureau central de renseignements, Genève : CICR, 1932, p.10

[27] Citée dans Cédric Cotter, (S’) aider pour survivre : action humanitaire et neutralité Suisse pendant la Première Guerre Mondiale, Chêne-Bourg : Georg, 2017, p. 331

[28] « Mission de M. Edmond Boissier et de Mlle Cramer à Berlin, Copenhague et Stockholm avril 1917 », in Revue Internationale de la Croix-Rouge, no 191, juillet 1917, p. 236

[29] Comité International de la Croix-Rouge, Nouvelles de l’Agence Internationale des Prisonniers de Guerre, Genève : CICR, 1917, p. 117

[30] La Croix-Rouge danoise pendant la Guerre mondiale, Paris, Paul Dupont, 1919, p. 6-7

[31] « Mission de M. Edmond Boissier et de Mlle Cramer à Berlin, Copenhague et Stockholm avril 1917 », in Revue Internationale de la Croix-Rouge, no 191, juillet 1917, p. 242

[32] On entend par là que tout prisonnier civil ou militaire, officier ou soldat, serait restitué d’office et sans condition après deux années passées en captivité.

[33] Citée dans Cédric Cotter, (S’) aider pour survivre : action humanitaire et neutralité Suisse pendant la Première Guerre Mondiale, Chêne-Bourg : Georg, 2017, p. 141

[34] Consulter cote A CICR CGI A 09-19 ?

[35] Les procès-verbaux de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG), édités et annotés par Daniel Palmieri, Genève : CICR, octobre 2014, p. 210

[36] Ibid., p. 241

[37] Ibid., p. 243

[38] Irène Herrmann, « Marguerite Cramer : « appréciée même des antiféministes » », in Action humanitaire et quête de la paix : le prix Nobel de la paix décerné au CICR pendant la Grande Guerre, Genève, Fondation Gustave Ador, 2019, p. 153

[39] Ibid., p. 153

[40] Ibid., p. 154

[41] Jacques Freymond, Oscar Gauye (ed.), « Télégramme de La Légation de Suisse à Paris à la Division des Affaires étrangères du Département politique », in Documents diplomatiques suisses, vol. 7-I, doc. 327

[42] Jacques Freymond, Oscar Gauye (ed.), « Croix-Rouge internationale », in Documents diplomatiques suisses, vol. 7-I, doc. 369,  p. 8

[43] Daniel Palmieri, « Renée-Marguerite Frick-Cramer : Genève, 1887-1963 », in Les femmes dans la mémoire de Genève : du XVe au XXe siècle, Genève : S. Hurter, 2005, p. 183

[44] Renée-Marguerite Frick-Cramer, « Rapatriement des prisonniers de guerre centraux en Russie et en Sibérie et des prisonniers de guerre russes en Allemagne », in Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 2, no. 17, mai 1920, p. 529

[45] Neville Wylie et Lindsey Cameron, « The Impact of World War I on the law governing the treatment of prisoners of war and the making of a humanitarian subject », in The European Journal of International Law, Vol. 29, no. 4, 2018

[46] Renée-Marguerite Frick-Cramer, « A propos des projets de conventions internationales réglant le sort des prisonniers », in Revue internationale de la Croix-Rouge, No 74, février 1925, p. 74

[47] Ibid., p. 76

[48] Citée dans Neville Wylie and Lindsey Cameron, “The impact of World War I on the law governing the treatment of prisoners of war and the making of a humanitarian subject”, in European journal of international law, Vol. 29, no. 4, November 2018, p. 1327-1350

[49] CICR, Projet de convention concernant la condition et la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent sur le territoire d’un belligérant ou sur un territoire occupé par lui (point 9 de l’ordre du jour), Genève : CICR, 1934, p. 2

[50] CICR, Projet de convention concernant la condition et la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent sur le territoire d’un belligérant ou sur un territoire occupé par lui (point 9 de l’ordre du jour), Genève : CICR, 1934

[51] Cette commission des civils devient une « Commission des détenus politiques » en mars 1935. Renée-Marguerite Frick-Cramer reste alors membre de cette commission. Voir Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Lausanne : Payot, 1988, p. 57

[52] Renée-Marguerite Frick-Cramer, « Le Comité international de la Croix-Rouge et les Conventions internationales pour les prisonniers de guerre et les civils », in Revue internationale de la Croix-Rouge, No 293, mai 1943, p. 27

[53] Ibid., p. 27

[54] Gradimir Djurovic, The Central Tracing Agency of the International Committee of the Red Cross, Geneva, Henry Dunant Institute, 1986, p. 106

[55] Renée-Marguerite Frick-Cramer, « Au service des familles dispersées », in Revue internationale de la Croix-Rouge, No 304, avril 1944, p. 310

[56] Ibid., p. 316

[57] CICR, Le besoin de savoir : rétablir les liens entre les membres de familles dispersées, Genève : CICR, février 2011, p.4

[58] Cité dans Katyn et la Suisse : experts et expertises médicales dans les crises humanitaires, 1920-2007 = Katyn and Switzerland : forensic investigators and investigations in humanitarian crises, 1920-2007, Genève : Georg, 2009, p. 62

[59] Ibid., p. 62

[60] Renée-Marguerite Frick-Cramer, « Le Comité international de la Croix-Rouge et les Conventions internationales pour les prisonniers de guerre et les civils », in Revue internationale de la Croix-Rouge, No 293, mai 1943, p. 29

[61] La première apparition de cette expression est à signaler dans l’ouvrage de Léon Daudet en 1918 La guerre totale. Léon Daudet vise alors à démontrer que la réponse française n’était pas à la hauteur de l’attaque allemande. La notion de « guerre totale » n’a pas encore vraiment de profondeur conceptuelle. Dans les années 1930, Ludendorff développe un peu plus ce concept dans son ouvrage Der totale Krieg, car d’après lui, la guerre met en jeu « la cohésion animique des peuples ». Par là, il prend surtout le contrepied de Clausewitz en indiquant qu’il est parfois utile que la politique devienne la continuation au service de la guerre. En 1943, Goebbels utilise le concept de guerre totale dans son discours au palais des Sports à Berlin : celle-ci permettrait de « radicaliser la guerre jusqu’à un point impensable ». On est alors dans le domaine de l’eschatologie.

Il n’y a pas de définition très satisfaisante de la guerre totale. Et la simple idée de « participation des civils » au conflit n’est pas du tout satisfaisante puisqu’on a pu l’observer à de nombreuses reprises depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine.

[62] Cité dans Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Lausanne : Payot, 1988, p. 217

[63] Ibid., p. 122

[64] Comité international

[65] Cité dans Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Lausanne : Payot, 1988, p. 219

[66] Ibid., p. 131

[67] Elle s’adresse ici à Carl J. Burckhardt

[68] Max Huber à ce moment-là

[69] Citée dans Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Lausanne : Payot, 1988, p. 348

[70] Ibid., p. 160

[71] Ibid., p. 104

[72] À cette occasion, la Revue internationale de la Croix-Rouge publie une bibliographie des contributions de Renée-Marguerite Frick-Cramer : « Comité », in Revue internationale de la Croix-Rouge, no 335, novembre 1946, p. 964-965

[73] Renée-Marguerite Frick-Cramer, Organisation d’un bureau central de renseignements, Genève : CICR, 1932, p. 73

[74] Renée-Marguerite Frick-Cramer, « Le Comité international de la Croix-Rouge et les Conventions internationales pour les prisonniers de guerre et les civils », in Revue internationale de la Croix-Rouge, No 293, mai 1943, p. 401

[75] « Nécrologie », in Gazette de Lausanne, Lausanne, 23 octobre 1963

[76] « † Mme R.-M. Frick-Cramer », in Revue Internationale De La Croix-Rouge, no 539, novembre 1963, p. 573-574.

[77] Renée-Marguerite Frick-Cramer, Organisation d’un bureau central de renseignements, Genève : CICR, 1932, p. 83