L’agence centrale de recherches du CICR fête cette année ses 150 ans. La guerre franco-prussienne de 1870-1871 est à l’origine de la mission humanitaire consistant à renseigner les familles sur le sort d’un proche porté disparu.

CICR (DR)

Bien que l’on ne sache pas qui est l’auteur de cette photo extraordinaire, « les internés blessés français de l’armée du général Bourbaki » soignés à Lausanne dans l’église des Terreaux en 1870-1871, reste une icône du CICR. Composée comme un tableau, plus sobre qu’une image d’Epinal, cette photo capturée à l’issue d’un temps de pause que l’on imagine conséquent, préfigure, au-delà du soin, ce que le CICR est en train d’inventer en 1870 : la recherche des personnes portées disparues dans les conflits armés et la situation des soldats capturés.

L’agence de Bâle, la bonne intuition

Cette année voit les 150 ans de la création de l’agence centrale de recherches : renseigner les familles du sort de proches dont elles restent sans nouvelle.

Cette saga commence en 1870. Le CICR n’a alors que 6 ans. Dès le début de la guerre franco-prussienne, le 18 juillet, la petite organisation genevoise qui a déjà à son palmarès la création des Sociétés nationales de la Croix-Rouge ainsi que la Première Convention de Genève sur le sort du soldat blessé en campagne, consitue, à Bâle, une agence de renseignements destinée à élucider les cas de combattants portés disparus. Morts ? Blessés ? Prisonniers ? En tout cas dans l’incapacité de pouvoir communiquer avec leurs proches.

« À l’origine, celle-ci [l’agence de Bâle] devait faciliter la transmission des communications et des colis de secours entre les ‘Comités centraux’ – c’est-à-dire les Sociétés nationales du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – situés dans les différents Etats belligérants. Rapidement, le Comité international suggère qu’elle s’emploie également à organiser l’échange de lettres entre les prisonniers de guerre et leur famille. Dès août 1870, alors que les communications postales ordinaires sont interrompues, près de 200 à 300 lettres transitent quotidiennement par l’Agence« (…) peut-on lire dans cette excellente contribution sur le blog Cross-files tenu par les historiens du CICR

Armée et empereur prisonniers

L’intuition est bonne de la part du CICR puisque la guerre de 1870 se singularise, entre autres, par la capture de centaines de milliers de soldats. Au-delà des 135 000 morts français (contre 51 000 côté allemand), cette guerre mal engagée, fruit d’erreurs grossières tant politiques que tactiques de la part de Napoléon III, verra la quasi-totalité de l’armée française faite prisonnière, l’empereur compris.

La défaite de Sedan a lieu le 2 septembre 1870… L’Empire s’effondre deux jours plus tard. La République est proclamée le 4.

Près de 500 000 soldats français tombent aux mains des Allemands, dont plus de 400 000 seront détenus Outre-rhin (18 000 d’entre eux mourront en captivité et seront inhumés sur place). On mesure à quel point l’Agence de Bâle, qui deviendra au XXème siècle « agence internationale des prisonniers de guerre » puis « agence centrale de recherches », se voit confrontée à une tâche gigantesque. Aux détenus s’ajoutent les internés, 4 000 en Belgique, 85 000 en Suisse (dont ceux de la fameuse photo de Lausanne).

La détention heureusement sera de courte durée. La raclée de Sedan est telle que Bismarck ne voit pas d’intérêt à entretenir trop longtemps le quotidien des prisonniers. Après quelques mois, les soldats dépenaillés peuvent retrouver leur famille. Paris est assiégée. Aux premiers mois de 1871, le peuple de la capitale meurt littéralement de faim.

Depuis 150 ans…

La recherche des personnes portées disparues et la visite en détention, deux piliers du CICR et de l’univers Croix-Rouge / Croissant-Rouge, va se construire tout au long du XXème siècle. Le gigantisme de la tâche s’exprimera durant les deux guerres mondiales et leurs dizaines de millions de demandes de recherches.

L’épisode fondateur de 1870 pèsera aussi sur l’avènement en 1929 de la IIIème Convention de Genève, portant sur le sort des prisonniers de guerre.

En guise de chute iconoclaste à ce clin d’œil d’historique, force est de constater que sans Napoléon III, le CICR ne serait peut-être pas.

A Solférino, vainqueur.

A Sedan, défait.

Il mourra à Londres, en exil en 1872.

En savoir plus sur la recherche aujourd’hui des personnes portées disparues