Il y a 275 ans, le 30 mars 1746, naissait Francisco Goya. Si tout le monde reconnaît l’un des plus grands maîtres de la peinture européenne, peu connaissent l’œuvre poignante à laquelle l’artiste espagnol se consacra presque secrètement : « Les désastres de la guerre ».

Cette oeuvre décrit les horreurs commises durant la guerre d’indépendance espagnole (1808-1814). Elle oppose les afrancesados, partisans de l’empereur Napoléon 1er occupant l’Espagne aux défenseurs de la monarchie.
Goya a la soixantaine quand il se plonge dans « les désastres de la guerre » : 82 gravures poignantes, obsessionnelles, traumatiques réalisées de 1810 à 1815.

Précis de l’horreur en temps de guerre

Décrire l’horreur des exactions, le hors limite dans la cruauté commis de part et d’autre avec tout de même un avantage à l’armée d’occupation. Il s’agit d’un voyage au bout de l’enfer, choquant, effrayant, des viols aux mutilations, des supplices aux éxécutions de masse, sans distinction. Tout le monde y passe, y trépasse. Impitoyable.

On imagine Goya, seul dans le silence de sa surdité (*) grattant au stylet la plaque de cuivre enduite de vernis. On imagine ensuite le bain d’acide attaquant chaque trait, chaque ciselure désespérée. Puis on imagine l’encre étalée sur la plaque, puis la feuille de papier apposée, pressée pour que se révèle enfin l’aquatinte aux sombres exceptionnels qui hantent Goya. 82 gravures, chacune légendée, laconique : « Je l’ai vu », « Ravage de la guerre », « Que faire de plus ? », etc.

Goya, avant Dunant

In fine, Soixante ans avant Henry Dunant et son « Souvenir de Solférino », le maître espagnol a lançé un bouleversant appel à l’Humanité. Dans cette œuvre, rien d’hagiographique, rien à la gloire des faiseurs de guerre, juste la conséquence : les victimes. Exactement comme le fera Henry Dunant soixante plus tard dans son « Souvenir de Solférino ».

L’artiste aragonais mourra en 1828 à Bordeaux, l’année où Dunant vit le jour…

(*) Depuis l’âge de 46 ans, Goya, suite à une méningite, est reclus dans la plus parfaite surdité

Pour approfondir : L’article du Dr Paul Bouvier, conseiller médical du CICR dans la Revue internationale de la Croix-Rouge (2013) : «Yo lo vi». Goya témoin des désastres de la guerre : un appel au sentiment d’humanité.