Rousseau et Ador
Le cliché est flanqué de Jean-Jacques Rousseau et de Gustave Ador coiffant, l’un, les armes de la ville, l’autre, l’emblème Croix-Rouge. Deux « citoyens de Genève » honorés en leurs qualités respectives. L’un est « auteur du Contrat social, évangile de la Ligue des Nations », l’autre le « Président de la Croix-Rouge, initiateur de l’Agence des prisonniers de guerre ».
Par manque de place probablement, la carte postale fait l’impasse sur deux informations s’agissant de nos héros : Jean-Jacques, à l’origine du principe de neutralité de la victime comme décrit dans le Contrat social. En substance, lorsqu’un soldat est blessé il n’appartient plus à l’un des deux camps et doit être remis entre les mains de Dieu. Dunant s’en inspirera : le soldat blessé n’est plus un ennemi et appartient à l’Humanité.
Quant à Gustave Ador, il a été oublié de préciser qu’outre sa qualité de « président de la Croix-Rouge » (président du CICR, soyons précis), il est aussi, en cette année 1919, président de la Confédération helvétique. Le cumul de neutralités, politique et humanitaire, a du bon pour peser sur l’échiquier diplomatique de l’époque.
Pour l’heure, tout se joue à Paris où, durant le premier semestre, les palaces grouillent de diplomates. Négociations et rédaction du futur Traité de Versailles obligent.
William Rappard, émissaire du CICR et… de la Suisse
C’est à ce double titre, que Gustave Ador, neveu par alliance de Gustave Moynier, a envoyé à Paris, dès janvier 1919 un émissaire discret, William Rappard. Membre du Comité international de la Croix-Rouge, juriste suisse mais de culture américaine, Rappard promeut dans la foumilière diplomatique qu’est devenu Paris, le CICR (l’institution a acquis dès 1914 ses lettres de noblesse avec l’Agence internationale des prisonniers de guerre) mais aussi l’idée que Genève doit être la cité des négociations internationales. Le violent traumatisme de la « Der des Der » a régénéré le pacifisme d’avant guerre. Trouver d’autres moyens que le conflit pour régler les différends entre Etats devient la nécessité.
Rappard va visiblement bien travailler… Le 28 avril 1919, le Conseil d’Etat genevois reçoit un télégramme :
« ai le plaisir de vous annoncer que Genève a été désignée comme siège de la Ligue des Nations. Signé : Ador »
La Ligue des Nations
La Ligue des Nations devient en 1920 la SDN, Société des Nations. Genève se positionne ainsi non comme « Capitale du monde » mais comme (et c’est déjà pas mal) actrice majeure de la diplomatie. En ce sens, s’accomplit le rêve de Frédéric Passy, député français et ardent militant pacifiste, fondateur de la Société d’arbitrage entre les nations. Pour cela, il recevra 1901 le premier Prix Nobel de la Paix. Un prix qu’il partagera à égalité avec Henry Dunant pour l’oeuvre de la Croix-Rouge. La SDN née du Traité de Versailles ne survivra pas à la deuxième guerre mondiale. Sur ces cendres à peine refroidies se bâtit, de par la volonté des alliés, l’Organisation des Nations unies. Le siège provisoire sera pour 6 ans à Londres jusqu’au déménagement à New York en 1952.
La Ligue des sociétés de Croix-Rouge
Une semaine à peine après le fameux télégramme de Gustave Ador adressé au Conseil d’Etat genevois, le 5 mai, se crée dans un palace parisien de la rue de Rivoli, à l’Hôtel Régina, la Ligue des Sociétés de Croix-Rouge, la future Fédération.
Cinq sociétés nationales (américaine, française, britannique, italienne et japonaise) réunies à l’initiative de Rappard du CICR, préfigure la Croix-Rouge internationale du temps de paix. Son premier président sera Henry Davison, patron de la Croix-Rouge américaine.
Dunant et Moynier, à la trappe ?
Que l’on se rassure, la carte postale « Genève, capitale du monde » demeure une exception. Toutes les autres de la même époque rendent grâce à Dunant, à Moynier, à Dufour, même à Appia ou Maunoir, les fondateurs du CICR en 1863.
muy buen e interesante articulo, y sobre todo de postales, lo voy a compartir en el Grupo de Facebook. Saludos!!!