Le 11 février 1990, Nelson Mandela était libéré après 27 ans de captivité. Lors de ses années de détention, le futur premier président de l’Afrique du Sud post-apartheid fut visité à de nombreuses reprises par des délégués du CICR, dont Jacques Moreillon. Ce dernier témoigne de ses rencontres avec Madiba et des actions portées par l’institution pour améliorer le sort des détenus.

« Un no-man’s land dans l’action humanitaire », le défi de visiter les détenus politiques

Jacques Moreillon n’a pas été le premier délégué du CICR à visiter Nelson Mandela à Robben Island. Le CICR avait obtenu des autorités sud-africaines l’accès à certains détenus politiques en 1963 – un accès qui n’allait pas de soi.

A l’époque, l’institution ne disposait pas d’un cadre légal pour les visiter, comme c’était le cas pour les prisonniers de guerre grâce aux Conventions de Genève. Or, après la Deuxième Guerre mondiale, les luttes anticoloniales se multipliaient et le sort des prisonniers politiques préoccupait l’Institution. L’absence d’assise juridique pour visiter ces détenus faisait craindre « un no-man’s land dans l’action humanitaire », selon Jean Pictet, le juriste en chef de l’institution. Comment assurer leur protection ? Comment obtenir l’accès aux lieux de détention ? En argumentant sur les statuts du CICR et des précédents, l’Institution reçut finalement des autorités sud-africaines l’accès aux détenus politiques condamnés. En revanche, l’accès aux cellules de police et aux détenus en attente de procès fut refusé.

« Un phare d’humanité dans le monde obscure de l’emprisonnement politique »

La carrière de Robben Island, 1967

Robben Island avait été baptisée l’ìle du diable par ses détenus. Dans le prolongement de la politique d’apartheid, les conditions de détention s’avéraient plus difficiles encore pour les prisonniers noirs, de surcroît lorsqu’ils étaient membres des différents groupes opposant au régime – l’ANC, le PAC et le SWAPO. Travail forcé dans la carrière, moindres portions de nourriture, isolement, manque de soins médicaux, rares visites de familles – sur chacun de ces points, les délégués du CICR ont œuvré et en partie réussi à améliorer les conditions de détention. Entre 300 et 400 prisonniers étaient visités chaque année dans différentes lieux de détention, jusqu’à la fin du régime d’apartheid. Les familles, elles, recevaient une assistance économique.

L’année de sa libération, Nelson Mandela rencontre le président du CICR, Cornelio Sommaruga. Il le remercie pour le travail « persévérant » de l’Institution et déclare : « il est impossible de se rendre compte de ce que représente pour un détenu une visite du CICR à moins d’en avoir fait soi-même l’expérience ».

En savoir plus: Nelson Mandela, le CICR et la protection des détenus politiques dans l’apartheid de l’Afrique du Sud, un article (en anglais) de la Revue internationale de la Croix-Rouge