L’ossuaire de Solférino donne une idée assez précise de ce que fut la bataille du 24 juin 1859. 40 000 morts et blessés après 15 heures d’épouvantables combats.170 000 soldats français et sardes l’emportent sur 150 000 autrichiens. Une « Victoire » parmi les pires boucheries du XIXème siècle qui signera la libération de l’Italie du nord du joug autrichien.

© François Martin

Aujourd’hui, comme tous les 24 juin, en Lombardie, dans le Piémont italien, des milliers de volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge font procession. Dix kilomètres éclairés aux lampions jusqu’à Solférino. Un pèlerinage humanitaire, la Facciolatta.

Et Dunant s’inscrit dans la légende

Cette retraite honore avant tout l’homme de Solférino. Il ne s’agit pas de Napoléon III, le victorieux d’une courte tête, encore moins de François-Joseph, le perdant autrichien. Les empereurs tiennent peu de place dans cette mémoire. Il s’agit évidemment pour la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, d’honorer un jeune homme suisse Henry Dunant, « l’homme en blanc ». Celui qui improvise secours et consolation dans le village de Castiglione. Tout médecin qu’il n’est pas et aux cris de Tutti Fratelli, Dunant exhorte la population du bourg qui jouxte le champ de bataille à aller ramasser les moribonds. Les morts attendront.

« Un souvenir de Solférino »

De cette semaine, Dunant en tirera un livre poignant, « Un souvenir de Solférino ». Deux années d’écriture pour ce plaidoyer qui demeure, depuis 1862, le ferment de la Croix-Rouge et du droit international humanitaire. Le CICR naît en 1863, la Convention de Genève sur le sort du soldat blessé en campagne, elle, en 1864.

 

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Dans les Landes, l’autre Solférino

Je me suis toujours demandé comment les faiseurs de guerres vivaient avec leurs morts. Pour Napoléon III (qui goûtait moins la guerre que son oncle) peut-être ce qui suit équivaut à son « Souvenir de Solférino ».

En 1863, dans les Landes, il crée de toute pièce et sur ses propres deniers, un village utopique, au cœur d’un marécage de 7000 hectares qu’il nomme Solférino ; certes le nom est un hommage aux 34ème régiment d’infanterie de Mont-de-Marsan, la préfecture des Landes (les soldats montois ont combattu valeureusement en première ligne en Italie). Mais il est amusant de noter que Solférino désigne désormais dans la haute lande une terre désolée et insalubre que l’Empereur va « régénérer » comme pour réparer la pire des batailles qu’il eût à décider ?

Solférino, sans bataille ni chair à canon

© Félix Arnaudin

Le « souvenir de Solférino » de l’Empereur n’est ainsi peut-être pas uniquement guerrier. La haute lande où ne survivent que des familles de bergers perchés sur leurs échasses, devient un domaine expérimental , fermes modèles d’une société utopique. Il y en aura neuf au total, chacune avec une spécialité : ovins, bovins, vignes, plantation de pins, forages, etc.

26 « cottages » d’une société utopique sont construits pour accueillir les ouvriers agricoles. Ils doivent fournir 75 jours de travail par an au domaine. Après une décennie à ce régime, chaque famille se voit offrir l’usufruit de la maison et du lopin de terre attenant. Le projet s’arrête quelques années plus tard. 1870, la déculottée de l’Empereur à Sedan face aux Prussiens. Badinguet* et toute son armée prisonnière, le second Empire s’effondre. Le 4 septembre, la République, la troisième, est proclamée.

Du Souvenir ou plutôt du rêve de Solférino naîtra la plus grande forêt française : un million d’hectares de pins à l’économie longtemps florissante ; celle de l’industrie de la résine (térébenthine et colophane), celle du bois et celle du papier.

*comme le surnommait avec mépris Victor Hugo en exil à Guernesey.

© Fred Joli