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Débloquer l’aide : en 2023, un tournant dans la politique de sanctions de l’UE pour préserver les activités humanitaires

Access / Action humanitaire / Analysis / Counterterrorism / Humanitarian diplomacy / Special Themes 23 minutes de lecture

Débloquer l’aide : en 2023, un tournant dans la politique de sanctions de l’UE pour préserver les activités humanitaires

Gouvernorat de Saada. Le CICR distribue de la nourriture et des biens de première nécessité. Sa’ada governorate. The ICRC distributes food and essential household items.

L’année 2023 a vu un véritable tournant dans la façon dont l’UE prend en considération l’action humanitaire dans l’élaboration de ses régimes de sanctions, un instrument de politique étrangère qui suscite depuis longtemps des inquiétudes, en raison de la possibilité qu’elles entravent les activités humanitaires impartiales. Des preuves de plus en plus nombreuses et un plaidoyer sur la nécessité d’inclure des garanties humanitaires solides dans les régimes de sanctions pour respecter les obligations prévues par le droit international humanitaire (DIH), ont conduit à l’adoption de la résolution 2664 par le Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre 2022, qui exclut expressément l’action humanitaire de l’application des sanctions financières des Nations Unies (ONU). Cette résolution introduit une nouvelle approche dans l’élaboration des sanctions en faveur de l’inclusion d’exemptions humanitaires.

Dans ce billet, Sophie Huvé, Guillemette Moulin et Tristan Ferraro, conseillers au CICR, passent en revue les progrès accomplis ces dernières années au niveau de l’UE et les défis qu’il reste à relever. Ils recommandent qu’à l’avenir, ces récents changements dans la politique de l’UE, conformes à la résolution 2664 du Conseil de sécurité des Nations Unies, deviennent des paramètres par défaut dans l’élaboration de sanctions futures, garantissant que l’action humanitaire est protégée et facilitée, conformément au DIH.

 

Le CICR ne prend pas position sur la légitimité ou la nécessité des sanctions, qui sont un des instruments à la disposition des États en matière de politique étrangère souveraine. Toutefois, au fil des ans, les sanctions, adoptées par l’ONU ou à l’échelle régionale ou nationale, ont soulevé des préoccupations de plus en plus importantes en raison de leurs conséquences négatives sur l’action humanitaire fondée sur des principes. Ces préoccupations découlent en premier lieu des difficultés complexes sur le plan juridique, opérationnel et financier que les sanctions peuvent représenter pour les organisations humanitaires telles que le CICR, notamment le fait qu’elles sont contraires à certaines règles fondamentales du DIH et en particulier celles qui régissent les activités humanitaires.

Cette tension entre les sanctions, le DIH et l’action humanitaire a été de façon significative au niveau de l’ONU par l’adoption de la résolution 2664 du Conseil de sécurité des Nations Unies (ci-après « CSNU ») en décembre 2022. Cette résolution exclut explicitement l’action humanitaire du champ d’application des sanctions financières de l’ONU actuelles ou futures[1], marquant un tournant vers l’adoption d’un nouveau standard dans l’élaboration de ces sanctions : des exemptions humanitaires bien définies[2] et pérennes. Au début de l’année 2023, l’UE a rapidement transposé la nouvelle « exemption de la résolution 2664 du CSNU » dans tous ses régimes de sanctions basés sur ceux de l’ONU.

Bien qu’il ne soit pas obligatoire de transposer la résolution 2664 du CSNU dans d’autre régimes que ceux des sanctions financières de l’ONU (autrement dit, les États ou les organisations régionales ne sont pas tenus d’inclure des exemptions dans les régimes de sanctions qui n’ont pas été adoptés par l’ONU), la résolution a servi de modèle et a permis de mettre en place d’importants changements dans l’approche de nombreux États et organisations internationales, qui ont suivi et transposé cette exemption accordée dans le cadre de l’ONU dans leurs régimes de sanctions autonomes.

Les progrès observés en 2023 au niveau de l’UE représentent une évolution particulièrement significative. Avant l’adoption de la résolution 2664 du CSNU, il existait seulement trois situations d’exemptions humanitaires par rapport à des mesures de gel des avoirs, dont deux dans des régimes de sanctions de l’ONU. À la fin de l’année 2023, 27 régimes (autonomes ou adoptés par l’ONU) de l’UE sur 39 prévoyaient une exemption humanitaire en reprenant la formulation de la résolution 2664 concernant des mesures de gel des avoirs.

Pourquoi cette évolution est-elle importante pour l’action humanitaire impartiale ?

Cette dernière décennie, l’UE a de plus en plus eu recours aux sanctions, en ajoutant des mesures additionnelles aux régimes de l’ONU en vigueur, mais également en adoptant des régimes de sanctions entièrement autonomes. Cela s’est accompagné d’efforts visant à garantir que ces mesures fassent l’objet d’une interprétation uniforme et d’une mise en œuvre systématique par les 27 États membres, dans l’objectif de renforcer leur efficacité. Les États membres de l’UE ont également pris de nouvelles mesures au niveau national pour répondre aux questions d’ordre juridique et politique associées à la mise en œuvre de ces sanctions, notamment en développant leurs services chargés d’appliquer les sanctions, en donnant des orientations et en assurant que leur système judiciaire applique ces mesures.

Ces éléments montrent que les sanctions deviennent une composante de plus en plus importante de la politique étrangère de l’UE. Par conséquent, dans les situations dans lesquelles les sanctions de l’UE s’appliquent, il est essentiel de garantir que ces dernières sont élaborées de manière à ne pas entraver les activités humanitaires fondées sur des principes. En résumé, les sanctions doivent intégrer des dispositifs solides de protection prenant la forme d’exemptions humanitaires bien définies et pérennes ; c’est le seul moyen d’assurer que les sanctions respectent les obligations prévues par le DIH.

Retour en arrière : les réticences passées de l’UE à l’égard des exemptions humanitaires

Les progrès réalisés en 2023 auraient été difficiles à imaginer il y a encore un an, compte tenu du fait que l’UE préférait préserver l’action humanitaire des effets négatifs des mesures de sanction en accordant uniquement des dérogations, ce qui obligeaient les organisations humanitaires à demander et obtenir des autorisations ad hoc auprès de chaque autorité spécifique en charge d’appliquer des sanctions[3] avant d’entreprendre n’importe quelle activité humanitaire qui pourrait être considérée comme contraire aux régimes de sanctions. Les dérogations sont par nature non conformes au DIH et soulèvent de nombreuses difficultés d’ordre pratique et opérationnel[4].

Alors qu’ils avaient toute la latitude pour le faire, les acteurs de l’UE en charge d’élaborer les sanctions ont refusé d’inclure des exemptions humanitaires dans leurs régimes de sanctions autonomes, principalement pour deux raisons. Premièrement, les acteurs en charge d’imposer les sanctions ont remis en cause l’idée que leurs mesures puissent entraîner des conséquences négatives sur l’action humanitaire fondée sur des principes, questionnant ainsi la pertinence et l’utilité d’inclure des exemptions dans les régimes de sanctions. Deuxièmement, il y a eu la crainte que ces exemptions, une fois adoptées, augmentent le risque de contourner les sanctions et de détourner l’aide, limitant l’efficacité des mesures visant à empêcher l’accès de certaines personnes et certaines entités désignées à des ressources économiques et financières, remettant ainsi en question l’objectif premier de leurs régimes de sanctions. Le plaidoyer des organisations humanitaires mais aussi des think tanks sur cette question a permis de prouver que les sanctions entraînaient des conséquences sur l’action humanitaire [5], de remettre en perspective le risque apparent d’un usage abusif des exemptions et de prendre en compte le DIH dans l’élaboration des sanctions. Il a été essentiel pour surmonter les principales inquiétudes relatives aux exemptions humanitaires.

Les exemptions humanitaires ne faisaient pas réellement partie des boîtes à outils des régimes de sanctions de l’UE jusqu’à ce que la résolution 2664 du CSNU déclenche un changement dans la position des décideurs politiques de l’UE, en deux temps.

Première étape dans l’évolution des régimes de sanctions de l’UE : les régimes de sanctions adoptés par l’ONU et les régimes mixtes UE/Nations Unies

Au début de l’année 2023, les États membres de l’UE ont rempli l’obligation leur incombant en vertu de l’article 25 de la Charte des Nations Unies en incorporant l’exemption prévue par la résolution 2664 du CSNU dans les mesures de gel des avoirs de chacun de leurs sept régimes de sanctions « adoptés au niveau de l’ONU », ceux qui étaient initialement imposés par l’ONU et qui ont été tout simplement transposés dans le droit de l’UE sans que l’UE n’y ajoute de restrictions supplémentaires [6]. Quelques semaines plus tard, l’UE est allée encore plus loin en étendant la transposition de l’exemption prévue par la résolution 2664 du CSNU à ses huit « régimes de sanctions mixtes UE/Nations Unies », ceux qui ont été élaborés à partir des sanctions de l’ONU en vigueur, en incluant des entités supplémentaires désignées par l’UE [7].

La mise en œuvre par l’UE de l’exemption énoncée dans la résolution 2664 du CNSU, obligatoire, a été rapide et l’UE a méticuleusement transposé chacun de ses paramètres juridiques. Mais ce qui a été particulièrement marquant fut la décision de l’UE de transposer cette exemption dans l’ensemble de ses régimes de sanctions mixtes UE/Nations Unies, y compris dans les mesures additionnelles prises par l’UE, alors que l’obligation de mise en œuvre ne concernait que les régimes adoptés par l’ONU. Autrement dit, l’UE a inclus une exemption humanitaire dans huit de ses régimes partiellement autonomes, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant.

Cela s’explique par la nécessité de garantir une uniformité et d’éviter de créer un système à deux vitesses au sein de ses régimes de sanctions mixtes UE/Nations Unies. L’objectif de l’UE était de créer un cadre juridique clair et prévisible pour permettre aux organisations humanitaires, mais aussi à ses partenaires du secteur privé, de travailler sans avoir à différencier les mesures de l’UE de celles de l’ONU applicables dans un même contexte[8]. Cette décision était d’autant plus essentielle qu’une exemption qui aurait été limitée aux personnes et entités désignées par l’ONU aurait été contraire à l’objet et au but de la résolution 2664 du CSNU, en limitant la prévisibilité et la sécurité juridique que la résolution visait à garantir aux organisations humanitaires et à leurs partenaires.

Deuxième étape : les régimes de sanctions autonomes de l’UE

Au printemps 2023, la transposition par l’UE de l’exemption prévue dans la résolution 2664 du CSNU dans ses régimes de sanctions mixtes UE/Nations Unies a suscité l’espoir qu’une approche similaire soit adoptée en incluant une exemption « horizontale » dans tous les régimes de sanctions « purement » autonomes de l’UE. Toutefois, le parcours pour adopter des exemptions humanitaires dans ces régimes s’est avéré complexe.

Comme mentionné précédemment, l’obligation énoncée dans la Charte des Nations Unies visant à transposer l’exemption prévue par la résolution 2664 du CSNU ne s’étendait pas au-delà des limites des sanctions imposées par l’ONU. Ainsi, tout ajustement dans l’élaboration des régimes autonomes de l’UE ne pouvait venir que d’une décision par consensus entre ses États membres. Et, comme expliqué précédemment, les États membres de l’UE ont toujours préféré accorder des dérogations sur une base ad hoc plutôt que des exemptions, lesquelles avaient été adoptées dans seulement trois cas exceptionnels [9].

Un accord sur une « solution horizontale » au sein du Conseil de l’UE s’avérait difficile et les États membres de l’UE ont préféré adopter une approche au cas par cas, en évaluant les avantages et les risques d’avoir des exemptions humanitaires dans chaque régime spécifique. Par conséquent, plusieurs régimes de sanctions ont été renouvelés en 2023 sans inclure d’exemptions humanitaires, à l’exception notable de l’Iran, la Moldavie et la Syrie, au motif que dans ces trois contextes, les circonstances étaient particulières, et en prévoyant uniquement des exemptions limitées dans leurs champs d’application temporel et personnel [10].

 

Un changement de paradigme s’est produit à l’automne 2023. En octobre, l’UE a introduit de nouveaux régimes de sanction pour le Niger et le Soudan, comprenant des exemptions humanitaires générales et pérennes, qui reflétaient et même étendaient le champ d’application personnel de la résolution 2664 du CSNU. C’est la première fois que l’UE incluait des exemptions aussi complètes dans ses régimes autonomes, répondant ainsi favorablement aux demandes des organisations humanitaires impartiales, telles que le CICR, formulées depuis plusieurs années. Puis en novembre, l’UE a amendé dix régimes autonomes en vigueur pour y intégrer des exemptions similaires [11], applicables dans des contextes humanitaires importants, dans des pays tels que le Liban, Myanmar et le Venezuela.

Cela a entrainé une forte augmentation du nombre de régimes de sanctions de l’UE reprenant le modèle d’exemption humanitaire de la résolution 2664 du CSNU, passant de 27 à 39 régimes (y compris ceux fondés et construits sur les sanctions de l’ONU). S’il ne s’agit pas à proprement parler d’une « solution horizontale », avec ce changement majeur, une nouvelle étape a été franchie dans la définition des exemptions humanitaires comme nouveau standard pour préserver l’action humanitaire fondée sur des principes, en soulignant le rôle pionnier de la résolution 2664 du CSNU.

Perspectives : Avancées et défis

Ce progrès dans la politique de sanctions de l’UE s’étend au-delà de simples révisions juridiques. Il comporte plusieurs avantages pratiques et concrets pour les organisations humanitaires impartiales. Premièrement, cela permet et facilite la participation du secteur privé (les banques, les fournisseurs, les transporteurs) aux activités humanitaires, sans que les acteurs privés ne soient exposés au risque de contrevenir aux sanctions, mais au contraire en les aidant à mettre fin aux pratiques de surconformité et de dérisquage. Cela devrait également permettre de faciliter le financement des opérations humanitaires dans des contextes sujets aux sanctions, en rassurant les donateurs. Dernier point, mais pas le moindre, cela fournit une protection juridique essentielle au personnel humanitaire, qui est vitale dans les situations dans lesquelles les humanitaires dialoguent et travaillent avec des personnes et des entités désignées, afin de délivrer l’aide de manière efficace. Cette sécurité juridique accrue permettra d’aider à surmonter les situations dans lesquelles tous les acteurs concernés font preuve de mesure.

En dépit de cette avancée, quatre défis restent à relever.

Premièrement, il existe toujours des régimes autonomes de l’UE applicables à des zones dans lesquelles les organisations humanitaires impartiales mènent des activités et qui ne prévoient aucune exemption humanitaire, ou seulement des exemptions temporaires conçues avec une échéance. La transposition d’exemption humanitaires bien définies et permanentes/pérennes dans le régime de sanctions relatif à la Syrie sera en ce sens une priorité essentielle, de même que dans les régimes de sanctions transversaux, tels que le régime mondial de sanctions de l’UE en matière de droits de l’homme ou son régime de sanctions relatif à la lutte contre le terrorisme.

Deuxièmement, certains régimes disposent d’une exemption humanitaire qui couvre une catégorie restreinte d’organisations[12]. Pour couvrir l’écosystème complexe d’organisations humanitaires opérant dans des situations de conflit, l’UE pourrait chercher à étendre le champ d’application personnel de ces exemptions limitées.

Troisièmement, il est essentiel de garantir une interprétation et une mise en œuvre cohérentes et uniformes des exemptions humanitaires dans les 27 États membres de l’UE pour assurer que ces dernières soient utiles et efficaces sur le terrain. Sans véritable sensibilisation sur la question, la révision des sanctions aura un impact limité sur les pratiques de surconformité et de dérisquage. Les décideurs politiques doivent s’assurer que le secteur privé (fournisseurs, banques, entreprises) a confiance en leurs interprétations des sanctions et exemptions. Cela nécessitera de rédiger des directives claires et de promouvoir les exemptions auprès des acteurs du secteur privé, les donateurs et d’autres acteurs concernés.

Enfin, les sanctions financières ne constituent pas l’unique difficulté liée aux régimes de sanctions qui peut entraver l’action humanitaire fondée sur des principes. Beaucoup d’autres mesures relatives aux sanctions, telles que les embargos sur les armes ou les restrictions à l’exportation, peuvent constituer un obstacle opérationnel, financier et juridique, ralentissant la réponse humanitaire et augmentant son coût. Sensibiliser les acteurs pour que des exemptions humanitaires soient transposées dans ce type de mesures sectorielles pourrait également s’avérer nécessaire. Cet aspect sera important pour garantir que dans une même situation, les progrès réalisés pour faciliter les activités humanitaires grâce à des exemptions aux sanctions financières ne sont pas entravés pas le manque de mesures similaires sur d’autres restrictions.

Conclusion

BÀ la fin de l’année 2023, les exemptions humanitaires semblent être devenues le « paramètre par défaut » pour préserver l’action humanitaire face aux conséquences négatives des sanctions de l’UE, ce qui indique un changement fondamental (et bienvenu) dans la politique de sanctions de l’UE et deux tendances potentielles. Premièrement, ce cheminement, des dérogations aux exemptions, démontre une reconnaissance progressive mais indéniable du fait que les exemptions sont une meilleure solution, plus efficaces pour s’assurer que les sanctions de l’UE ne soient pas un obstacle à la fourniture de l’assistance humanitaire. Deuxièmement, à l’avenir, il se peut que les responsables de l’élaboration des sanctions de l’UE aient de plus en plus de mal à justifier l’imposition de sanctions sans intégrer des exemptions humanitaires qui sont à présent pleinement inclues dans les boîtes à outils sanctions, en particulier alors que l’UE a décrit les exemptions comme participant « au plein respect du droit international dans la politique de sanctions de l’UE » [13].

Pour conforter ces avancées récentes, les parties prenantes de l’UE devrait considérer graver dans la pierre, comme paramètre par défaut, l’idée que les sanctions de l’UE incluent des exemptions humanitaires bien définies et pérennes, dans la droite ligne du précédent créé par la résolution 2664 du CSNU.

 

Cet article a été initialement publié en anglais le 23 janvier 2024.

[1] Cela s’applique aux restrictions portant sur le gel des avoirs, qui s’articulent toujours autour de deux axes : les mesures de gel des avoirs des personnes et des entités désignées, et l’interdiction de rendre des ressources accessibles pour ces derniers.

[2] Les exemptions humanitaires « bien définies » sont celles qui englobent toutes les activités exclusivement humanitaires, menées par des acteurs humanitaires qui sont considérés comme organisations humanitaires impartiales au titre du DIH.

[3] « une autorité nationale compétente » dans le cas des régimes de sanctions de l’UE.

[4] Sur les difficultés d’ordre juridique et pratique que soulèvent les dérogations, voir T. Ferraro, « Droit international humanitaire, action humanitaire neutre, indépendant et impartiale, lutte contre le terrorisme et sanctions : quelques perspectives sur des questions spécifiques », disponible sur : https://international-review.icrc.org/articles/international-humanitarian-law-principled-humanitarian-action-916.

[5]Conseil de l’UE, Aide humanitaire et droit international humanitaire : le Conseil adopte des conclusions, Conclusions du Conseil, 14487/19, 25 novembre 2019, par. 8 ; Conseil de l’UE, Conclusions du Conseil sur l’action extérieure de l’UE concernant la prévention du terrorisme et de l’extrémisme violent et la lutte contre ces phénomènes, 8868/20, 16 juin 2020, par. 15, 27 ; Conseil de l’UE, Priorités de l’UE aux Nations Unies et à la 75ème Assemblée générale des Nations Unies, Conclusions du Conseil, 9401/20, 13 juillet 2020, par. 12. On trouvera davantage d’informations sur le respect du droit international et sur la préservation des activités humanitaires dans les documents du cadre de référence de l’UE sur les sanctions. : voir Conseil de l’UE, Principes de base concernant le recours aux mesures restrictives (sanctions), 10198/1/04 REV 1, 2004, par. 6 ; Conseil de l’UE, Lignes directrices concernant la mise en œuvre de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, 11205/12, 2012, par. 9 ; Commission européenne, Note d’orientation de la Commission relative à la fourniture d’une aide humanitaire conformément aux mesures restrictives de l’UE (sanctions), C(2022) 4486 final, 30 juin 2022.

[6] Le 14 février 2023, l’UE a adapté son cadre juridique pour transposer des exemptions humanitaires dans six régimes de sanctions spécifiques, soit ceux relatifs à la Somalie, la République centrafricaine, le Yémen, Haïti, l’Irak et les mesures en lien avec l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafiq Hariri. L’UE a utilisé des actes juridiques transversaux pour amender divers régimes (voir la décision du Conseil 2023/338  et le Règlement du Conseil 2023/331).

[7]Cette extension a d’abord eu une influence sur huit de ces régimes de sanctions mixtes, relatifs à des pays tels que la Corée du Nord, la République démocratique du Congo, l’Iran, la Libye, le Mali, le Soudan du Sud, le Soudan, et aux groupes Al-Qaïda et l’État islamique. Les clauses d’exemptions ont été ajoutées par le biais de la décision du Conseil 2023/726 et le Règlement du Conseil 2023/720 qui ont été publiés le 3 avril 2023. L’UE a une nouvelle fois utilisée une action légale transversale pour modifier ces régimes de sanction. Il est intéressant de noter que l’UE a complété ce processus de transposition en incluant, quelques mois plus tard, une exemption humanitaire dans le régime de sanctions mixtes applicable en Guinée-Bissau. L’adoption de l’exemption énoncée dans la résolution 2664 du CSNU n’était pas obligatoire en soi, puisque que les restrictions de l’ONU ne prévoyaient que des interdictions de voyager et que les restrictions portant sur le gel des avoirs avaient été ajoutées de manière autonome par l’UE. Action humanitaire : l’UE introduit de nouvelles exceptions aux sanctions afin de faciliter la fourniture de l’aide

[8] Voir le communiqué de presse : Conseil de l’UE, Action humanitaire : l’UE introduit des dérogations aux sanctions afin de faciliter la fourniture de l’aide

[9] Avant 2023, seules trois exemptions humanitaires particulières et limitées avaient été accordées : la première, en Syrie, pour l’achat de pétrole (2016) et, en avril 2022, l’adoption de deux exemptions humanitaires applicables aux sanctions financières et commerciales en lien avec la situation en Ukraine.

[10]Premièrement, l’UE a inclus en février une exemption humanitaire de 6 mois dans le régime de sanctions autonome de l’UE relatif à la Syrie. L’exemption a été renouvelée deux fois depuis, et est à l’heure actuelle officiellement en vigueur jusqu’au 1er juin 2024. Le champ d’application de l’exemption était fondé et construit sur la résolution 2664 du CSNU, au profit d’un large éventail d’acteurs et d’activités. Toutefois, la nature temporaire de cette exemption restreint son caractère protecteur et ne peut être complètement conforme à la norme énoncée dans la résolution 2664 du CSNU. L’autre exception notable à cette période d’« immobilisme » est la transposition d’exemptions humanitaires « restreintes », applicables dans un cadre limité, dans le régime de sanctions applicable à la situation en Moldavie et aux mesures restrictives « en raison du soutien militaire de l’Iran à l’invasion de l’Ukraine par la Russie ». Les deux exemptions couvrent uniquement une partie limitée des acteurs (surtout des agences de l’ONU, la FICR et le CICR), ce qui exclut de fait la majeure partie des ONG qui sont par ailleurs couvertes par la résolution 2664 du CSNU.

[11] Voir la décision du Conseil (PESC) 2023/2686 et le Règlement du Conseil de l’UE 2023/2694.

[12] Voir par exemple l’exemption humanitaire inclue dans les sanctions de l’UE relatives à la situation en Moldavie, qui couvrent « des organisations et agences évaluées par l’Union sur la base des piliers et avec lesquelles l’Union a signé une convention-cadre de partenariat financier sur la base de laquelle les organisations et agences agissent en tant que partenaires humanitaires de l’Union » (décision (PESC) 2023/891, concernant des mesures restrictives en raison du des actions déstabilisant la République de Moldavie, art. 2, par. 7).

[13] Voir communiqué de presse : « Action humanitaire : l’UE introduit de nouvelles exceptions aux sanctions afin de faciliter la fourniture de l’aide ».

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