Le nouveau président de la Croix-Rouge française, Philippe da Costa, est entré dans l’organisation à l’âge de 17 ans, comme simple équipier. C’était en 1979. Que de chemin parcouru pour succéder en septembre dernier au professeur Jean-Jacques Eledjam, qui avait atteint la limite d’âge.

Mais au fait, combien y’a-t-il eu de présidentes et de présidents de la Croix-Rouge française depuis sa création ? Facile ! Un petit coup de Wikipedia et hop ! Faux ! Combien de présidents ? Tout dépend de quoi l’on parle… Une véritable saga.

L’histoire commence en 1864

Si on prend pour démarrage 1864, année où la France adhère à la Convention de Genève qui l’autorise à créer une société nationale de secours, il y a eu, à ce jour, 53 présidentes et présidents. Le compte est précis sauf qu’il ne procède que de l’addition des dirigeants de plusieurs organisations « Croix-Rouge » qui se sont côtoyées jusqu’en 1940…

En fait, il en existait trois, chacune pouvant se prévaloir de l’appellation Croix-Rouge française : la Société de secours aux blessés militaires (SSBM), l’historique, née en 1864 (*), l’Association des dames de France (ADF), scission de la SSBM en 1879 puis, autre scission, l’Union des femmes françaises (UFF), opérationnelle à partir de 1881.

Des débuts impériaux

Décortiquer la biographie des présidentes et présidents de ces associations appelées alors de charité nécessite un certain goût pour le bottin mondain. A en juger : la Société de Secours aux blessés militaires a, à sa tête, de 1864 à 1940, exclusivement des gens de la « haute », des noblesses d’Empire. Après tout, Napoléon III et son aide de camp, le Maréchal de Mac Mahon (à l’époque des guerres d’Italie), furent parmi les grands défenseurs des idées du très bonapartiste Henry Dunant. Bref, ceux qui font la « première Croix-Rouge » sont incontestablement légitimistes. Le premier président de la SSBM n’est autre qu’un Montesquiou de Fézensac, Comte et Général d’Empire. Les suivants sont, pêle-mêle, le Comte et Général de Goyon, le Comte de Flavigny, le Duc de Nemours, Prince royal, le Maréchal Duc de Mac Mahon, le Duc d’Aumale ou encore le Marquis de Vogüe…

Les « scissions Croix-Rouge », oeuvre des femmes

Après l’effondrement de l’Empire en 1870, aussi brutal qu’inattendu, puis l’avènement long et compliqué de la Troisième République, la SSBM fleure la réaction. Malgré « l’Ordre moral » incarné par le vieux Mac Mahon, devenu premier président de la République, les temps changent. En 1879, le Maréchal est battu aux élections. Grande bourgeoisie et légitimistes sont en panique. Les canards républicains ironisent sur la SSBM : « société des brancardiers de sacristie et des bonne sœurs, qui a pour président Son Altesse royale Monseigneur le Duc de Nemours ». Cette année-là, une première scission intervient à la SSBM avec la création d’une organisation de femmes : l’Association des dames françaises. Outre que son premier président est un homme, le professeur Duchaussoy, la naissance de cette organisation apparaît résolument plus populaire.

La disparition des particules dans le nom des présidents en est l’un des symptômes. L’organisation, d’obédience catholique, demeure de charité, certes, mais tournée vers le social et surtout la formation, celle des infirmières. Deux ans plus tard, la République consolidée (1881) voit consacrée la loi sur la liberté de la presse. Une nouvelle scission, ce coup-ci protestante, voit la création, à l’initiative de la philanthrope alsacienne Emma Koechlin-Schwartz, de l’Union des Femmes de France. Suzanne Pérouse en sera la présidente durant la Première Guerre mondiale. Elle reste une grande figure de la Croix-Rouge française, si ce n’est pour avoir su convaincre en 1907 le président de la SSBM de réunir les trois organisations au sein d’un « Comité central de la Croix-Rouge française ».

1940, la fusion des différentes branches

En fait, SSBM, ADF et UFF seront réunies en une seule organisation, la Croix-Rouge française, de par la volonté du Maréchal Pétain, quelques mois après la débâcle de juin 1940 et l’occupation allemande. Le premier président sera un médecin, Louis Pasteur Valéry-Radot (1940-1941), petit-fils de l’inventeur du vaccin contre la rage. En 1944, à la Libération, le Général de Gaulle confirmera le statut de la Croix-Rouge française, tel que défini en 1940 ainsi que la reconnaissance d’utilité publique de l’association.

19 présidents de la Croix-Rouge Française

Retour à la question initiale, combien de présidents au total pour la Croix-Rouge française ? 19 dont une femme, Georgina Dufoix. La noblesse d’Empire a résolument disparu des patronymes présidentiels, laissant plutôt la place aux qualités comme, par exemple, celle de médecin, Marc Gentilini ou encore de diplomate, André François-Poncet.

Issu du privé et passionné par l’éducation populaire, Philippe Da Costa ouvrirait-il une nouvelle voie aux futurs présidentes et président de la Croix-Rouge française ?

(*) La très gallonée SSBM se complétait du Comité de dames de la Société de Secours aux Blessés Militaires (1867 – 1940) dirigé en général par les épouses de la charitable institution.