Le premier numéro date d’octobre 1869 ! La Revue s’appelle alors « Bulletin international des sociétés de secours aux militaires blessés ». Le sommaire instruit des préoccupations humanitaires de l’époque des « ratifications des articles additionnels à la Convention de Genève » à « l’exposition de matériel sanitaire de La Haye ». Le Bulletin affirme la volonté de positionner le CICR au centre de la toile Croix-Rouge. Elle se met en place à travers les sociétés nationales de secours des Etats parties à la Convention de 1864.
Moynier, président à vie
Le CICR a à peine 5 ans lorsque sort le premier numéro du Bulletin. Des cinq membres fondateurs, Henry Dunant, Gustave Moynier, Guillaume-Henri Dufour, Théodore Maunoir et Louis Appia, il n’en reste d’ores et déjà que trois.
Le Général Dufour est passé de président à honoraire (il est vrai qu’il a 81 ans). Moynier a pris la tête du CICR. Il ne la lâchera qu’à sa mort en 1910, et Louis Appia lui est toujours là. Le chirurgien de guerre qui fut, comme Dunant, à Solférino en 1859 occupe le poste de secrétaire du Comité. Maunoir, l’autre médecin n’est plus. Il est mort quelque mois auparavant, le 26 avril 1869, « d’une très courte maladie » comme il est bizarrement précisé dans le Bulletin. Il est remplacé par un militaire, le Colonel Edmond Favre
Dunant banni
Le grand absent reste évidemment Dunant. L’auteur du « Souvenir de Solférino« , ferment de l’action et du droit international humanitaires, a été viré du Comité en 1867. Il est vrai que le visionnaire d’Humanité est aussi piètre homme d’affaires. Sa minoterie en Algérie laissée en plan et à la merci de la concurrence le conduit à la ruine. Moynier, soucieux d’écarter le trublion, ne contribuera pas à sauver le soldat Dunant. En 1867, pour échapper à ses créanciers, il trouve refuge en France, banni, y compris du CICR. « L’Homme en blanc » opte pour un passeport français à Culoz et monte à Paris. Il y vivra en semi vagabond. Durant la guerre franco-prussienne de 1870 puis la Commune, Dunant reprend du service auprès de la Croix-Rouge française.
La vengeance de l’exaspérant Monsieur Dunant
On le sait, la vengeance de Dunant contre Moynier et ceux qui l’ont abandonné est l’obtention ad hominem du premier prix Nobel de la Paix en 1901. Prix qu’il partage avec Frédéric Passy, député pacifiste français. Il est vrai que Dunant, qui avait su garder son entregent et quelques réseaux fait tout pour se voir attribuer l’oeuvre. L’influence de la Baronne von Suttner est déterminante !
La façon dont l’information est relatée dans le Bulletin daté de 1902 suinte la colère de Moynier. La lecture du compte-rendu est délicieuse. Les premières lignes laissent croire que le CICR est le lauréat et puis, ça se gâte…
Mais lisez plutôt :
NORVEGE : LE PRIX NOBEL DIT « DE LA PAIX »
« Un hommage mémorable vient d’être rendu à la Croix-Rouge par le Parlement norvégien, dans les attributions duquel rentrait, depuis peu, le soin de décerner l’un des grands prix annuels fondés par feu le Dr Alfred Nobel. Ce prix, d’une valeur de 208 000 francs était destiné à l’homme ou à l’institution « qui aurait fait le plus » ou le mieux pour l’œuvre de la fraternité des peuples, pour la suppression ou la réduction des armées permanentes, ainsi que pour « la formation et la progression des congres de la paix. »
II a été alloué, pour la première fois, le 10 décembre 1901 et partagé entre M. Frédéric Passy, de Paris, bien connu en tous pays par l’apostolat pacificateur auquel il s’est voué comme publiciste et M. Henry Dunant de Genève, auquel revient le mérite d’avoir appelé de ses vœux l’œuvre de la Croix-Rouge. On sait, en effet que ce dernier avait, dans une brochure intitulée « Un souvenir de Solférino » et publiée en 1862, émis le vœu de voir se créer une institution sanitaire libre pour améliorer le sort des militaires blesses. C’est là son titre incontestable à la distinction dont disposait le jury norvégien.
En revanche il ne serait pas exact de considérer, ainsi que l’ont insinué plusieurs journaux, M. Henry Dunant comme ayant été le fondateur de la Croix-Rouge. Après avoir livré son idée féconde aux méditations des philanthropes, il comprit de lui-même la nécessité de faire appel au concours d’autrui pour sa réalisation. II trouva dans la Société genevoise d’Utilité publique un organisme déjà existant, auquel il abandonna le soin de poursuivre le projet qu’il avait entrevu dans ses rêves humanitaires. L’immense progrès consacré par la fondation de la Croix-Rouge est donc une œuvre collective et impersonnelle, dont l’accomplissement fut confié par la société genevoise d’Utilité publique au Comité International de secours aux militaires blesses, créé à Genève en 1863. Toutes les sociétés de la Croix-Rouge seront certainement heureuses et fières de voir l’initiateur de l’œuvre à laquelle elles consacrent leurs efforts, récompense comme étant un de ceux qui ont le mieux contribué à la fraternité des peuples ».
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