Le 18 mars dernier marquait l’anniversaire de la fin de la guerre d’indépendance de l’Algérie, avec la signature des accords d’Evian. Lors de ce conflit, qui dura de 1954 à 1962, les délégués du CICR parvinrent à visiter de nombreux Algériens détenus par les forces françaises. Un article du blog des archives du CICR « cross-files » retrace les visites effectuées par l’institution en photos et en extraits de rapports.

Le CICR n’était pourtant pas assuré d’accéder aux lieux de détention en Algérie. En effet, si les Conventions de Genève prévoient les visites des prisonniers de guerre par l’institution en cas de conflit armé international, ce n’était pas le cas pour cette guerre interne, longtemps affublée du terme « événements d’Algérie » par les autorités françaises.

Néanmoins, en 1955, Pierre Mendès-France, alors Président du Conseil, accepte les offres de services du CICR. L’institution se voit accorder l’accès aux lieux de détention, selon ses modalités propres, dont la possibilité de s’entretenir sans témoins avec des détenus de son choix. S’ensuivront dix missions, dans 490 lieux de détention.

Les missions en mots et en images

L’article du blog « cross-files » plonge le lecteur dans de multiples centres de détention sur l’ensemble du territoire algérien. Les images renvoient aux conditions sommaires, dans un climat souvent rude. Surpeuplement, douches à l’eau froide, demandes de visites familiales, sévices – la lecture des extraits des rapports de visite éclaire à la fois les modalités de travail des délégués, comme les conditions de détention des Algériens et leurs revendications.

Centre d’hébergement de Berrouaghia. Lavoirs et lavabos. Copyright CICR

Centre d’hébergement de Berrouaghia
Localisation : Algérois
Visité le : 19 octobre 1956
Délégués : Messieurs Gaillard et Gailland
Effectif du camp : 879

« L’habitat a été amélioré depuis la première visite des délégués par la construction de cinq nouvelles baraques. On a pu, à la suite de cette construction, diminuer le surpeuplement des anciens baraquements […]. Par contre, les douches sont nettement insuffisantes et le nombre des douchages est limité à une ou deux fois par mois. Il n’y avait également pas de possibilité de douchage à l’eau chaude. […] De nombreux hébergés nous ont également signalé des sévices subis au cours de leur arrestation et au cours d’interrogatoires dans les services de la PRG, de la PJ et de la DST. Nous avons examiné un bon nombre de ces hébergés et constaté des séquelles objectives de sévices sous forme de brûlures par cigarettes, de plaies cicatricielles par liens ou chaînes au niveau des poignets et des chevilles, de brûlures très superficielles à la suite d’application d’électrode pour courant électrique.

Dans le cadre des entretiens sans témoins, les récits de torture reviennent encore et encore. Le médecin du CICR en constate les séquelles. « On a fait peut-être un peu reculer la torture, mais on n’a pas réussi à l’éradiquer » admet Pierre Gaillard, l’un des principaux délégués du CICR qui effectuait les visites. Découvrez le témoignage de Pierre Gaillard, dans cet épisode d’une Histoire d’humanité, réalisé par la délégation du CICR en France.

Centre de triage et de transit de Kenadsa. Visite du délégué Pierre Gaillard du CICR.

Centre de triage et de transit de Kenadsa

Localisation : Constantinois
Visité le : 12 novembre 1959
Délégués : Messieurs Gaillard et De Chastonay
Effectif du camp : 216

« Entretien sans témoins : […] Tous s’estiment très bien traités et n’ont aucune plainte à formuler concernant le C.T.T. […] D’autre part, quelques internés auraient subi le supplice de l’eau et de l’électricité lors de leur interrogatoire, il y a quelques mois à Bidon 2, près de Colomb-Béchar, où ils seraient restés durablement en cellules. […] Ce camp nous fait une très bonne impression. Concernant les sévices, le Commandant représentant le Général Gribius (Commandant du territoire de Colomb-Béchar), qui assiste à notre visite, admet que cela était peut-être vrai il y a 6 mois, mais que, depuis lors, des dispositions très sévères ont été prises et l’on a mis complètement fin à ces regrettables pratiques. »

Après les accords d’Evian, le CICR tente de poursuivre son action auprès des détenus, notamment les harkis. Des démarches qui n’aboutiront guère… Un autre article du blog cross-files résume l’action du CICR pendant la guerre d’Algérie, au-delà de la visite des détenus.