C’est un jeune soldat à la poitrine trouée, une infirmière à son chevet. La carte postale semble contemporaine de la Première Guerre mondiale. Erreur, elle est antérieure, datée de 1904 et signée Pierre Comba (1859-1934). Le poème en pied, « le brassard » est du Vicomte de Borelli.

Pierre Comba, aquarelliste français d’origine genevoise naît l’année de la bataille de Solférino. Il reste dans l’histoire comme le dernier peintre officiel des armées françaises (rémunéré en tant que tel jusqu’en 1888).

Borelli, militaire, Vicomte et rimailleur

Le poème, lui, est de la main d’un officier pour le moins atypique, le Vicomte Raymond de Borelli (1837-1906), légionnaire, écrivain, colonial et dramaturge passé à une certaine postérité avec un poème que l’on se récite encore à la Légion étrangère : « à mes hommes qui sont morts ».

Ses écrits et sa faconde de Cadet de Gascogne furent salués par Alexandre Dumas, le fils !

Pour autant, difficile d’établir la bibliographie du Vicomte et encore moins de dater ce poème kitchouille, « le brassard » où l’invention de la Croix-Rouge sous la plume de Borelli y est pour le moins audacieuse ! :

Le Brassard

Jadis, pour y panser de ses doigts fins et doux

Un blessé qui gisait dans la campagne nue,

La divine Pitié descendit parmi nous,

Elle allait s’envoler comme elle était venue

Quand le petit soldat, humble chair à canon,

Voulut savoir au moins le nom de l’inconnue ;

Et la déesse, alors, pour lui laisser son nom,

Prit un beau linge blanc, puis avec un sourire,

Ayant trempé son doigt dans le sang du blessé,

Elle y fit une croix – ne sachant pas écrire…

Et les femmes, en France, à leur bras l’ont passé !…

Borelli, blessé à Solférino

Le blessé de la carte postale, consolé par la jeune fille au brassard, n’est autre que Borelli sur le champ de bataille de Solférino… Blessé à la poitrine, Borelli, alors âgé de 21 ans sera décoré pour fait d’arme. A-t-il été brancardé jusqu’à Castiglione, le « village-hôpital » ou s’amoncelaient blessés sardes, français et autrichiens ramassés indistinctement, conduit par Henri Dunant et des paysans italiens au cri de « Tutti Fratelli » ?

L’ombre de Dunant !

La dame au brassard, ne serait-elle en fait Henry Dunant déguisé en Florence Nightingale pour les besoins esthétiques de la composition de Comba ? Composition quoiqu’il en soit anachronique puisque la Croix-Rouge n’existe pas encore et ne naîtra que quatre années plus tard. La carte postale fut éditée par la Société de secours aux blessés militaires, la plus ancienne des trois branches de la Croix-Rouge française.