Covid-19 oblige, les commémorations du 75e anniversaire de la fin de la Deuxième guerre mondiale se dérouleront à huis clos. Les Archives de Bad Arolsen, le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies au monde, ont néanmoins lancé une campagne originale : « Chaque nom compte ». Ils invitent tout un chacun à participer à référencer en ligne les noms des victimes du IIIe Reich.

« C’est une alternative aux commémorations » souligne Anke Münster, responsable des relations publiques des Archives Arolsen. « Ce projet de crowdsourcing a deux intérêts : ajouter des noms à la base de données accessible en ligne, et une dimension éducative, dans la manipulation de documents. » Les Archives de Bad Arolsen, anciennement appelées le Service international de Recherches (SIR), possèdent des millions de documents, dont de nombreuses listes de l’administration nazie, mais également des Alliés à la fin de la guerre. Ce sont les noms figurant sur ces listes que les Archives de Bad Arolsen proposent de référencer. Une initiative qui marche : en 10 jours, 50 000 noms ont été enregistrés ! Le centre espère qu’en 2025, la totalité des noms des victimes du nazisme figurant dans leurs archives seront en ligne, permettant donc une recherche nominative. Pour contribuer à cette initiative, rendez-vous sur cette page.

Liste de transport avec les noms de personnes agêés juives, déportées de Berlin au ghetto de Theresienstadt. Crédit photo : les Archives de Bad Arolsen

Depuis quelques années déjà, les Archives de Bad Arolsen se sont lancées dans une vaste entreprise de numérisation de leurs documents, afin de rendre les archives accessibles à tous et de préserver la mémoire des victimes. Aujourd’hui, 26 millions de documents sur les persécutions nazies sont déjà disponibles. Ces archives furent gérées et administrées par le CICR de 1955 jusqu’en 2012.

La Croix-Rouge allemande plus sollicitée

Autre fait intéressant en cette période de confinement, la Croix-Rouge allemande s’est vue sollicitée plus que de coutume par des familles à la recherche de proches disparus pendant la Deuxième guerre mondiale :

« Nous recevons plus d’appels. Il s’agit de suivi de dossiers en cours, en ajoutant parfois une nouvelle demande de recherche de documents » explique Annika Estner, responsable à la Croix-Rouge allemande du suivi des dossiers relatifs à la Seconde Guerre Mondiale, au service du Rétablissement des Liens Familiaux. « Les gens ont besoin de parler, du passé comme du présent. Avec le confinement, le téléphone est certainement devenu un vecteur de lien important. Peut-être aussi les personnes âgées se souviennent-elles de moments difficiles, comme par exemple les problèmes d’approvisionnement après la guerre ».

Carte d’un prisonnier du camp de concentration de Buchenwald. Crédit photo : les Archives de Bad Arolsen

75 ans après la fin du conflit, alors que les survivants se font plus rares, on pourrait penser que peu de personnes solliciteraient ce service de la Croix-rouge allemande. Bien au contraire, celui-ci continue à recevoir de nouvelles demandes – 2 300 pour cette seule année.

Selon Annika Estner, 1,4 million de personnes sont encore recherchées.

Le temps passe, mais n’efface ni les questions, ni la douleur. Annika Estner constate chez certains frères et sœurs de disparus le même sentiment d’urgence que si la disparition était récente. Dans d’autres cas, la fin de certains tabous permet une recherche autrefois embarrassante. Celles par exemple initiées par des enfants issus d’une union entre un soldat allemand et une femme d’un pays occupé. « Les personnes se retrouvent avec une nouvelle famille entière à découvrir ! » souligne-t-elle. Au-delà de connaître le passé et le sort d’un membre de sa famille, cette recherche peut aussi ouvrir une nouvelle histoire familiale.

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