Le discours suivant a été prononcé par Mirjana Spoljaric, présidente du CICR, lors de la conférence internationale sur le Liban qui s’est tenue à Paris le 24 octobre.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les ministres, chers collègues,

Quand les efforts politiques échouent, les acteurs humanitaires se retrouvent à tenter de recoller les morceaux.

Or l’action humanitaire ne peut jamais remédier pleinement aux souffrances inouïes causées par la guerre lorsque les hostilités sont menées au mépris de la vie et de la dignité des civils.

Nous avons été témoins du coût humain dramatique engendré par les 12 derniers mois de conflit à Gaza. Les États ne peuvent pas laisser ce scénario tragique se répéter au Liban.

Laissez-moi le dire clairement : premièrement, la population et les infrastructures civiles sont protégées par le droit international humanitaire, y compris les civils qui restent dans les zones d’évacuation. Les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les blessés et les malades sont souvent dans l’incapacité de se conformer aux ordres d’évacuation, en particulier lorsque ces ordres sont donnés avec un préavis très court. Il faut veiller en permanence à épargner ces personnes. Il faut également qu’elles puissent accéder aux services essentiels et recevoir l’aide vitale dont elles ont besoin.

Les habitants qui quittent leur foyer doivent pouvoir partir en toute sécurité, et les secours humanitaires doivent être à la hauteur des besoins que génèrent ces déplacements à large échelle. Les parties au conflit ne sont pas dégagées des obligations que leur impose le droit international humanitaire lorsque les civils ne peuvent pas partir ou choisissent de rester.

Deuxièmement, chaque fois qu’un hôpital est utilisé de manière abusive, endommagé ou détruit, chaque fois qu’une ambulance est prise pour cible, des soignants sont mis en danger, tout comme les patients dont ils ont la charge. Les hôpitaux doivent être protégés, y compris ceux qui se trouvent dans les zones d’évacuation.

Les hôpitaux et les structures de santé sont et doivent rester des sanctuaires destinés à préserver la vie humaine. L’effondrement systématique de systèmes de santé auparavant opérationnels auquel nous assistons aujourd’hui à Gaza et ailleurs soulève de graves préoccupations quant aux interprétations laxistes du droit international humanitaire. 

Troisièmement, l’acheminement de l’aide et la distribution des secours dans le sud du Liban continuent de se heurter à des obstacles. Les parties au conflit doivent permettre et faciliter le passage rapide et sans encombre de l’aide humanitaire destinée aux civils. Pour pouvoir atteindre les personnes qui ont besoin d’aide, les travailleurs humanitaires doivent pouvoir s’appuyer sur des mécanismes de coordination et des garanties de sécurité fournies en temps réel.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les ministres, chers collègues,

Imaginez quels seraient les bienfaits pour les civils si ces trois appels étaient entendus sur le champ de bataille.

Il est grand temps qu’une action politique résolue vienne mettre fin aux effusions de sang, aux souffrances indescriptibles et aux destructions massives. Le droit international humanitaire exige que les otages soient libérés, que les détenus soient traités avec humanité, que les populations déplacées puissent regagner leurs foyers, et que les habitants du Liban, de Gaza et d’Israël puissent à nouveau vivre en sécurité et dans la dignité.

Et plus important encore : rien de tout cela n’est négociable. Chacune des parties est tenue de se conformer au droit international humanitaire indépendamment de ce que l’autre fait.

L’actuelle dérive vers une guerre sans limite est en passe d’atteindre un point de non-retour. Nous appelons une fois de plus à la désescalade et engageons les États à assumer leurs responsabilités juridiques – et morales – en respectant et en faisant respecter le droit international humanitaire.

Je vous remercie.