Il y a 75 ans, après les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale, la Quatrième Convention de Genève posait le cadre juridique nécessaire pour mieux prévenir les souffrances de la population civile lors des conflits. Face aux nombreuses dérives de détentions, trop souvent arbitraires et abusives pendant cette guerre, la Quatrième Convention a permis de répondre à l’impératif humanitaire d’encadrer les pratiques d’internement des civils.

Dans les conflits armés internationaux, l’internement est une mesure de privation de liberté utilisée par les belligérants et soumise à des règles établies par le droit international humanitaire. Autorisé dans des circonstances exceptionnelles par la Quatrième Convention, l’internement des civils doit répondre à d’impérieuses raisons de sécurité. Celles-ci sont liées à la menace représentée par un individu vis-à-vis d’une des parties au conflit. Une menace qui rendrait donc nécessaire son internement. Dans cet article du blog Droit & Politiques humanitaires, Mikhail Orkin, conseiller juridique au CICR, présente en détails les motifs et les procédures d’internement de personnes protégées au titre de la Quatrième Convention.

Décrouvrir l’article sur ‘L’internement des personnes bénéficiant d’une protection et la Quatrième Convention de Genève’

L’action du CICR ancrée dans l’histoire : visite des internés civils

Comme prévu par les Conventions de Genève, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) rend visite aux personnes détenues, notamment aux internés civils, afin d’évaluer leurs conditions de détention et le traitement qui leur est réservé. Ces visites permettent également de rassurer les familles et de leur donner des nouvelles de leur proche détenu.

Lors du premier conflit du Haut-Karabagh (1988-1994), ayant causé d’immenses pertes humaines avec près de 30 000 morts, le CICR a pu visiter les personnes détenues en relation avec ce conflit à partir de 1992. Plus de 800 personnes ont été visitées par le CICR, dont les internés civils sur la photo d’archive ci-dessous :

Visite et assistance du CICR à des civils azerbaïdjanais internés. Conflit du Karabakh. 1er avril 1993.

 

Faciliter les libérations des internés civils

Si le DIH autorise l’internement des civils dans des conditions exceptionnelles, il prévoit également que « toute personne internée sera libérée par la Puissance détentrice, dès que les causes qui ont motivé son internement n’existeront plus » (article 132 de la Quatrième Convention), ou aussi rapidement que possible après la fin des hostilités (article 133, CG IV). Dans ce contexte, en application du droit d’initiative conféré au CICR par cette même convention, le CICR peut proposer aux partis de faciliter la libération et le rapatriement des internés civils.

Ce rôle d’intermédiaire neutre est très justement illustré dans le contexte du conflit opposant l’Erythrée à l’Ethiopie entre 1998 et 2000. Conformément aux dispositions du DIH, les deux pays ont procédé à plusieurs opérations de libération, facilitées par le CICR, en accordant une priorité aux blessés et aux malades. Au cours des deux années suivant l’accord de paix du 12 décembre 2000 à Alger, ce sont 5 055 internés civils éthiopiens et 1 086 internés civils érythréens qui ont été rapatriés avec des prisonniers de guerre sous les auspices du CICR. Bon nombre d’entre eux avait été visités par nos équipes au cours de leur détention.

DIH en action : accéder à l’étude de cas ‘Rapatrier les prisonniers de guerre en Erythrée et en Ethiopie : 2000-2003’

Après la fin du conflit, c’est avec joie et soulagement que les premiers internés civils ont été libérés, comme le démontre ces images d’archives :

Arrivée des internés civils érythréens rapatriés d’Éthiopie sous l’égide du CICR. Mendefera. 6 janvier 2001.

 

Un interné civil érythréen retrouve sa famille dans la ville de Mendefera, située à une cinquantaine de kilomètres de la capitale érythréenne, Asmara. 6 janvier 2001.

 

Internés civils érythréens rapatriés d’Ethiopie en Erythrée sous l’égide du CICR. Frontière érythréenne-éthiopienne, rivière Mereb. 6 janvier 2001.

 

Il aura fallu attendre deux ans après la fin des hostilités pour que les négociations du CICR aboutissent à la libération des dernières personnes encore internées. C’est en novembre 2003 que le dernier groupe de plus d’un millier de prisonniers de guerre et de civils internés en Éthiopie fût finalement autorisé à rentrer en Érythrée. Ce rapatriement a marqué une étape importante dans la mise en œuvre de l’accord de paix, après un conflit qui a duré près de trois ans.

Pour ces internés, dont certains retrouvaient leur liberté après cinq ans passés dans un camp d’internement, le voyage retour vers l’Érythrée documenté dans le reportage ci-dessous fût long avant de pouvoir retrouver leurs proches.