Déclaration de Patrick Youssef, directeur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour la région Afrique, à la suite de sa visite au Burkina Faso.
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L’année dernière, tu ne trouvais même pas un grain de riz sur le marché. Pendant trois semaines, nous n’avons mangé que du chou et des oignons. » Voilà ce que Moussa*, un maraicher de sa communauté, m’a confié lors de ma visite à Djibo, dans le nord du Burkina Faso.
Devant sa parcelle de terre, Moussa m’explique que depuis que les mouvements d’entrées et de sorties de Djibo sont restreints, il redoute qu’à nouveau, les convois ne soient plus en mesure d’apporter des aliments de base tels que les céréales, le riz ou les haricots, et que les marchés se retrouvent vides. Alima* et sa famille aussi ont subi cette pénurie alimentaire. Alima confie que lorsque la faim les tenaillait, certaines familles quittaient la ville pour aller vers d’autres centres urbains, courant le risque d’être exposées à la violence armée. Pour ces familles, dans les deux cas, leurs vies étaient en danger.
Depuis plusieurs années, le Burkina Faso fait face à de nombreux défis sécuritaires et humanitaires. Les conséquences pour les populations civiles sont dramatiques : des milliers de personnes déplacées ou résidentes ne parviennent plus à subvenir à leurs besoins et éprouvent des difficultés pour accéder à la nourriture, l’eau et les soins de santé.
A Djibo, les membres de la communauté qui nous ont reçus m’ont avant tout ému par leur résilience. Dans les projets de jardins maraichers, des femmes comme Alima, des hommes comme Moussa et des jeunes très courageux et chaleureux sont déterminés à participer à la recherche de solutions aux difficultés quotidiennes qui résultent principalement des violences armées. Malgré un accès à la terre restreint, pour survivre, des femmes et des hommes se sont organisés pour aménager des sites maraichers.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Croix-Rouge burkinabè (CRBF) en dialogue avec le Ministère de l’Agriculture apportent un soutien à l’agriculture – semences, outils, bétail, mais aussi des sessions de formation sur la manière de récolter, afin d’augmenter la production alimentaire. Dans les régions du Nord (Ouahigouya) et de l’Est (Fada N’Gourma), le CICR soutient la mise en place d’activités génératrices de revenus pour les communautés déplacées et hôtes parmi les plus vulnérables : soutien à l’apiculture, embouche bovine et fabrication de chaussures en caoutchouc permettent de renforcer leur autonomie et leur résilience. Nous avons ainsi accompagné 11’300 familles. Toutefois, malgré ces efforts, les besoins de ces populations affectées restent importants. Ensemble, soutenons leur résilience face à une crise qui se prolonge.
Avant que la situation ne devienne aussi difficile, Moussa cultivait pratiquement deux hectares de terre. Alima, quant à elle, vendait des jus de fruits frais. Comme beaucoup, les violences armées les ont poussé à se rapprocher des villes. Dans son village, Alima a subi une attaque nocturne. Accompagnée de sa famille, elle a fui dès le lendemain matin et n’y est plus jamais retournée. C’était il y a cinq ans. Avec plus de deux millions de personnes au Burkina Faso qui sont déplacés à l’intérieur du pays, les infrastructures civiles peinent à combler les besoins urgents des communautés.
C’est le cas du centre médical de Kaya que j’avais visité en 2020. Pas moins de 140 000 personnes déplacées s’y étaient installés l’année précédente. En septembre 2020 déjà, j’avais écouté l’infirmier-chef de poste parler du chemin que nous avions déjà parcouru ensemble, mais aussi évoquer l’étendue des défis humanitaires à relever. Depuis, les efforts fournis par les autorités de santé en collaboration avec la CRBF et le soutien du CICR se font visibles. Alors que 70 femmes en moyenne accouchaient au moment de ma première visite, le centre médical de Kaya est actuellement en mesure de faire face à l’afflux de patientes, principalement des déplacées, en prenant en charge 400 accouchements par mois.
Le CICR, présent au Burkina Faso depuis 2006, continuera à donner son soutien de proximité en cherchant avec les populations affectées les réponses les plus adaptées à leurs besoins, autant dans l’urgence que dans le plus long terme. Aujourd’hui, la délégation du CICR basée à Ouagadougou compte quatre sous- structures, à Djibo, Fada, Ouahigouya et Dori, et travaille en étroite coopération avec la CRBF afin de pouvoir soulager les populations vulnérables dans le cadre de sa mission strictement humanitaire. Le CICR poursuit ses activités en faveur des personnes détenues à travers des visites et des actions d’amélioration de conditions de détention. Il maintient ses efforts avec la CRBF pour réunifier les familles qui se sont perdues de vue. Dans le strict respect de ses principes fondamentaux d’humanité et d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, il entretient un dialogue régulier, bilatéral et confidentiel avec tous les acteurs afin de pouvoir aider toutes les populations affectées.
Plus que jamais, au regard de cette crise sécuritaire et humanitaire qui se prolonge dans le centre Sahel, il est essentiel que des actions puissent être renforcées en faveur des communautés particulièrement vulnérables. Pour elles, avec elles.
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*les noms utilisés sont des noms d’emprunts.
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