Du 30 avril au 28 juin 2025, la galerie parisienne FAIT & CAUSE accueille l’exposition « Apatride » de William Daniels, lauréat du Visa d’or humanitaire du CICR en 2014. À travers cette série documentaire, le photographe français met en lumière l’un des drames humains les plus méconnus : l’apatridie.
Que reste-t-il d’un individu lorsque même son existence légale est niée ? C’est cette question vertigineuse que pose « Apatride », un travail photographique au long cours de William Daniels. Pendant plusieurs années, ce photographe documentaire a rencontré des communautés apatrides, ou à risque d’apatridie, aux quatre coins du monde — des individus qui, bien que souvent nés dans le pays où ils vivent, ne sont reconnus par aucun État.
Privés de citoyenneté, privés de droits
Selon le droit international, une personne apatride est celle « qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». Elles seraient environ 10 millions à travers le monde. Derrière ce chiffre se cachent des destins brisés, faits d’errance administrative, d’exclusion sociale, de déni des droits à l’éducation, aux soins, au vote ou même à l’ouverture de compte bancaire. L’apatridie, c’est l’effacement juridique d’un être humain.
Des Rohingyas chassés du Myanmar aux réfugiés palestiniens marginalisés au Liban, en passant par des individus rejetés dans leur propre pays faute de reconnaissance étatique, tous vivent un même cauchemar : celui d’une invisibilité institutionnalisée. Pour Hannah Arendt, l’absence de nationalité, c’est l’absence du « droit d’avoir des droits ». William Daniels traduit cette violence silencieuse avec humanité et une puissance visuelle bouleversante.
Côte d’Ivoire. D’origine burkinabé, M. Bila présente certaines des demandes de citoyenneté ivoirienne qu’il a envoyées au nom des demandeurs, mais qui n’ont jamais reçu de réponse. Elles contiennent probablement des irrégularités mais, selon lui, certains juges refusent d’accorder la nationalité aux personnes d’origine burkinabé. En 2013, un décret a autorisé certains « Burkinabés » fortement enracinés dans le pays à demander la nationalité ivoirienne mais très peu ont réussi à l’obtenir. © William Daniels
Un regard engagé sur l’injustice
La reconnaissance du CICR en 2014, à travers le Visa d’or humanitaire, s’inscrit dans la continuité d’un engagement de longue date de William Daniels. Depuis ses débuts, le photographe s’attache à documenter les marges, les fractures, les oubliés. Il est notamment reconnu pour son travail en République centrafricaine, alors que le pays était plongé dans une crise humanitaire sans précédent. À l’époque, il documentait le drame des populations musulmanes traquées par les milices anti-balaka, piégées dans des enclaves où même l’accès à la nourriture et aux soins était périlleux.
Dans « Apatride », il poursuit cette même quête : faire exister ceux que le monde s’évertue à ignorer.
Népal. La fumée des ordures brûlées enveloppe Noukailawa. Une partie de ce village du Teraï, dans le sud du Népal, est habitée par des Musahar, un sous-groupe d’intouchables au plus bas de l’échelle des castes. Environ 40 % d’entre eux n’ont aucun document d’identité, les rendant inexistants pour les autorités et « à risque d’apatridie ». Depuis 2006, deux amendements à la loi sur la citoyenneté ont été adoptés pour qu’ils y aient accès plus facilement, notamment sur recommandation des autorités locales, mais très peu l’obtiennent du fait du poids des discriminations. © William Daniels
Membre Explorer de la National Geographic Society, William Daniels travaille sur le temps long. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages marquants, dont RCA (2017) sur la République centrafricaine, et Wilting Point (2019), une réflexion photographique sur la condition humaine dans les zones de conflit. Son approche se distingue par une rare empathie et une profonde rigueur documentaire. Ses images, d’une beauté sobre, refusent le spectaculaire pour mieux restituer la dignité des sujets photographiés.
Un rendez-vous à ne pas manquer
L’exposition « Apatride » se tient jusqu’au 28 juin à la Galerie FAIT & CAUSE, dans le quartier du Marais à Paris. Elle offre une immersion bouleversante dans un univers de non-droit, mais aussi un appel vibrant à la reconnaissance et à la justice. Dans une époque marquée par les replis identitaires, le travail de William Daniels résonne comme un rappel essentiel : la citoyenneté ne devrait jamais être un privilège, encore moins une arme.
Exposition « Apatride »
Du 30 avril au 28 juin 2025
Du mercredi au samedi, de 13h30 à 18h30
Galerie FAIT & CAUSE, 58 rue Quincampoix, 75004 Paris
Site internet de William Daniels
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