À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les mines antipersonnel, il est crucial de rappeler l’urgence d’agir face à ces armes de destruction massive qui frappent sans distinction, bien après la fin des conflits. Dans un contexte de tensions internationales, plusieurs pays remettent en question leur engagement envers des traités humanitaires historiques. Plus que jamais, il faut mettre en lumière les drames humains causés par ces armes, frappant des victimes innocentes, loin des lignes de front.
En mars dernier, la Lituanie s’est retirée de la Convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions, un précédent inquiétant qui ébranle les engagements internationaux en matière de désarmement. Dans son sillage, la Finlande a annoncé son intention de quitter la Convention d’Ottawa, interdisant l’usage des mines antipersonnel, tandis que la Pologne et les pays baltes envisagent de suivre le même chemin. Cette remise en cause de traités fondamentaux intervient dans un climat mondial marqué par des tensions croissantes et des conflits qui, en Europe comme ailleurs, continuent de provoquer des souffrances humaines considérables.
Adoptée en 1997, la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel est considérée comme une avancée majeure en matière de désarmement. À ce jour, 165 États – soit plus des trois quarts des membres des Nations unies – se sont engagés à interdire les mines antipersonnel, à dépolluer les terres contaminées et à venir en aide aux victimes. Grâce à cette mobilisation, d’importants progrès ont été réalisés pour limiter l’usage de ces armes et réduire leur impact sur les populations civiles. Pourtant, ces avancées sont aujourd’hui menacées. Ces derniers mois, certains gouvernements ont relancé le débat en présentant les mines antipersonnel comme un moyen de guerre « acceptable » et « nécessaire », remettant ainsi en question des décennies d’efforts pour les éradiquer.
La tentation de considérer les mines antipersonnel comme une solution acceptable, même en période de guerre, reflète une dangereuse dérive. Un article récent du blog Droit et Politiques humanitaires du CICR met en lumière les fausses promesses de sécurité qu’offrent certains régimes d’exception, soulignant que, loin de protéger, ces armes créent des dommages humains inacceptables.
Cette remise en cause des engagements internationaux fait écho aux avertissements formulés dès 1997 par Cornelio Sommaruga, alors président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lors de la conférence de signature de la convention : « L’exemple des mines antipersonnel nous a appris qu’il est bien plus facile et rapide de distribuer des armes que d’enseigner les principes du droit humanitaire à ceux qui les possèdent. Si nous ne tirons pas les leçons de nos erreurs, nous sommes condamnés à les répéter. » Une leçon qui résonne avec une inquiétante actualité. Un éventuel retour en arrière exposerait davantage les civils, affaiblirait le droit international humanitaire et menacerait les efforts déployés depuis plus de 25 ans pour débarrasser le monde de ces armes meurtrières.
Face à cette menace, le CICR redouble d’efforts pour mobiliser États et décideurs politiques, dénoncer la désinformation et rappeler l’horreur des ravages causés par ces mines, dont l’utilité militaire reste, elle, largement contestée.
Les mines antipersonnel ne font pas de distinction entre combattants et civils. Les chiffres sont implacables : près de 85 % de leurs victimes sont des civil¹, souvent des enfants, des agriculteurs ou des familles tentant de reconstruire leur vie après un conflit. Choisir d’utiliser ces armes, c’est condamner des générations entières à vivre sous la menace invisible des explosions. Et la situation ne fait qu’empirer. « En 2024, les victimes de la contamination par les armes ont augmenté de 22 %. Alors que de nouveaux risques explosifs apparaissent dans les zones de conflit et que d’anciennes menaces, comme les mines terrestres et les restes explosifs de guerre, persistent, l’impact humanitaire ne fera que s’aggraver en 2025 », alerte Erik Tollefsen, chef de l’unité contamination par les armes du CICR.
Derrière ces statistiques, il y a des vies brisées, des amputations, des traumatismes et des communautés entières paralysées par la peur, incapables de cultiver leurs terres ou de reconstruire leurs villages. Dans le monde, on estime que 1,5 million de personnes vivent avec des handicaps causés par les mines terrestres et les restes explosifs de guerre².
Hussein, un garçon de 11 ans originaire de la province de Diwaniyah en Irak, en a fait la tragique expérience. En 2021, alors qu’il jouait dehors avec ses amis, il a découvert un objet métallique. « Nous étions cinq. Nous l’avons brûlé et nous avons joué avec, sans nous rendre compte du danger. Soudain, il a explosé, nous blessant tous. J’ai été le plus touché : j’ai perdu ma jambe au-dessus du genou », raconte-t-il.
Plus au nord, dans la province de Ninive, Sundus n’a pas eu le temps de se méfier. En tentant de fuir avec sa famille pendant les années de guerre entre 2014 et 2017, elle a marché sur une mine. L’explosion lui a arraché ses deux jambes. Pour elle, comme pour tant d’autres, la guerre ne s’est jamais vraiment terminée : elle continue de mutiler, de briser des vies et d’anéantir des espoirs, bien après la fin des combats.
Face à cette tragédie silencieuse, la communauté internationale doit refuser de reculer. Chaque vie sauvée, chaque terrain déminé est une victoire contre ce danger insidieux. L’heure est à l’action, pas aux renoncements.
¹ Rapport 2024 de l’Observatoire des mines
² Rapport 2024 de l’Observatoire des mines
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