La situation dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo, demeure préoccupante, suite aux violents affrontements qui ont éclaté fin janvier 2025. Si les combats ont cessé dans la ville de Goma, leurs conséquences, elles, persistent et continuent d’affecter profondément la population. Dans un contexte de grande instabilité sécuritaire et d’accès limité aux ressources essentielles, les équipes du CICR poursuivent leurs efforts pour venir en aide aux blessés et répondre aux besoins urgents.

Un témoignage de Eleonore Asomani, chargée des relations publiques du CICR en Afrique francophone, de retour de mission à Goma.

Peux-tu nous décrire la situation actuelle à Goma ?

Actuellement, la situation humanitaire à Goma reste préoccupante dans la ville et ses alentours. Nous avons constaté un afflux sans précédent de blessés par armes et par explosions dans les structures médicales soutenues par le CICR. Avec l’arrêt des combats dans la ville de Goma, la situation s’est progressivement stabilisée. Toutefois, nous continuons de recevoir des blessés, principalement victimes d’actes de criminalité plutôt que de violences liées aux affrontements. La circulation des armes après les combats a entraîné une hausse significative de la criminalité.

Les affrontements ont eu un impact majeur sur les infrastructures essentielles permettant l’approvisionnement en eau et en électricité. Leur endommagement a gravement affecté la population qui s’est soudainement retrouvée privée de ces ressources indispensables à la vie quotidienne.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles la population est confrontée au quotidien ?

Les populations, qu’elles vivent à Goma, dans ses environs ou au Sud-Kivu, sont avant tout confrontées à une grande instabilité sécuritaire. Du jour au lendemain, elles se sont retrouvées piégées au cœur des combats, sous les tirs et l’artillerie lourde. Beaucoup ont dû fuir précipitamment, en pleine nuit, avec pour seul bagage les vêtements qu’ils portaient, leurs enfants sur le dos et quelques sacs. Au-delà de cette insécurité physique, il y a une détresse psychologique profonde. Être contraint de tout abandonner dans de telles conditions génère une peur intense et un traumatisme durable.

Une autre difficulté majeure réside dans l’accès aux ressources essentielles. Les populations se retrouvent dans des zones où l’accès à l’eau, à l’électricité, à une alimentation suffisante et équilibrée, ou encore à un habitat convenable, est très limité. De nombreuses familles, privées de ressources et de moyens de subsistance, peinent à se nourrir correctement, ce qui compromet leur santé et leur bien-être. Les populations sont également confrontées à des risques sanitaires importants, notamment des maladies liées à l’eau.

Quant à celles qui ont quitté les camps pour retourner chez elles, elles se sont retrouvées dans des localités inhabitées depuis longtemps, souvent contaminées par des armes en raison de l’intensité des combats qui s’y sont déroulés. Ces populations vivent désormais sur des terres où la présence élevée de reste explosif de guerre complique les activités agricoles, aggravant leur insécurité alimentaire. Cela entraîne avant tout une menace immédiate pour la vie des personnes : des activités simples et quotidiennes comme planter un jardin, des enfants qui jouent dehors ou encore marcher le long d’un chemin prennent un niveau de risque potentiellement mortel.

Les personnes qui ont regagné leur lieu de résidence habituel se retrouvent aussi dans des zones où, malgré la présence de certaines structures médicales, le personnel soignant fait défaut. Ainsi, en cas de problème de santé, comme une crise de paludisme ou toute autre urgence, elles n’ont pas accès aux soins nécessaires.

Il y a également la problématique des familles séparées. Pendant leur fuite, de nombreuses personnes ont été séparées de leurs proches et se retrouvent désormais à leur recherche. Certaines sont dispersées de part et d’autre des frontières, non seulement en RDC, mais aussi au Burundi.

Quelles sont les priorités opérationnelles pour les équipes du CICR sur place ?

Dans le contexte du Nord et du Sud Kivu, le CICR est très impliqué dans la prise en charge des blessés de guerre. Nous soutenons quatre structures médicales : une dans le Sud Kivu et trois dans le Nord Kivu. Depuis début janvier, ces structures ont accueilli près de 2000 personnes blessées par armes ou explosions. Parmi ces blessés, il y a des enfants, des femmes, des hommes, et même des bébés, beaucoup présentant des blessures complexes à traiter.

Certains d’entre eux ont été blessés avant la prise de Goma et ont mis plusieurs jours pour atteindre les structures médicales. Cela a souvent entraîné des infections, car leurs blessures n’ont pas pu être traitées immédiatement. Ces blessures ont également été aggravées par le transport qui a davantage compromis l’état des patients.

Ainsi, même pour des blessures datant de plus de deux mois, nos collègues continuent de prendre en charge ces personnes. Certains cas nécessitent plusieurs opérations – parfois entre 5 et 7 opérations.

La chirurgie de guerre pratiquée par nos collègues peut nécessiter de se débrouiller sans les intrants médicaux habituels, ce qui complique l’exécution des interventions. Nos collègues évoquent souvent la nécessité de bien réfléchir avant d’utiliser un bandage pour un bras ou une jambe blessée, par crainte de manquer de matériel pour les patients suivants.

 

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