Cornelio Sommaruga est mort. Il venait de fêter ses 91 ans. Alors, on est triste et l’on repense à son engagement sans faille. Sa force ? Ses convictions soutenues par une adresse, un charisme et une faconde hors pair.

Opiniâtre, éloquent, comédien, CSO (selon l’acronyme maison) ou le « prez », comme on disait alors, savait captiver… Combien de discours commencés en français, terminés en allemand après quelques détours par l’italien, l’espagnol ou l’anglais ? CSO, chacun tenta au moins une fois de l’imiter à coups de « Aloooooors » forcés au « r » bien roulé. Il présida le CICR le 1987 à 1999.

Il y a tout juste dix ans, le 27 mars 2014, Cornelio nous avait accordé un entretien sur ses années à la tête du CICR dans le cadre de notre série « Une histoire d’Humanité »

Cornelio Sommaruga est devenu président du CICR à la fin de la guerre froide. Ses trois mandats de quatre ans virent entre autres le conflit des Balkans, la première guerre de Tchétchénie, l’effondrement de la Somalie, le génocide au Rwanda mais aussi, alors que balbutiait l’internet, la mobilisation des opinions publiques : en 1997, contre les mines antipersonnel qui conduisit au Traité d’Ottawa ; en 1998, à Rome, où un autre traité instituait, lui, la Cour pénale internationale.

Sommaruga avait le courage de ces combats-là. Il en fut un fer de lance.

Né à Rome, catholique (fait unique parmi les présidents du CICR), Suisse tessinois, il a porté le CICR comme d’autres leur croix. Et toujours avec cette faconde qui parfois lui donnait des airs cabots ou espiègles portés par une voix de stentor s’extrayant d’une carcasse de Cyrano.

On se souvient aussi de lui se rendant à Auschwitz, en 1995 pour les cinquante ans de la libération du camp d’extermination, pour reconnaître la faillite et les manquements du CICR face à la Shoah.

L’unique objectif : les victimes

Sommaruga était un homme d’engagement avec, chevillés au corps : l’humanitaire, son action et son droit international. Quand ils disaient « les vicTImes », en accentuant le « Ti », cela sonnait juste et fort. Elles étaient l’unique objectif de son engagement.

Réformer le CICR

CSO fut aussi le président de la refondation du CICR avec la fin de la mononationalité pour les délégués de l’institution. Les Suisses n’étant plus assez nombreux pour encadrer les délégations opérationnelles, les statuts furent modifiés en 1993 pour permettre à d’autres nationalités d’incarner la diplomatie opérationnelle et le rôle d’intermédiaire neutre. Une révolution, qui, à l’époque mettait un peu de distance entre la Suisse et l’institution.

1996, année terrible

L’année 96 fut une année noire pour le CICR avec la mort de trois délégués tués au Burundi dans une embuscade puis l’assassinat de cinq infirmières et de un logisticiens abattus dans leur lit dans l’hôpital de Novy Attagi dont ils avaient la charge. Cornelio en fut véritablement accablé, lui qui savait si bien transmettre son encouragement et son admiration aux personnels qu’ils furent nationaux ou expatriés. Le CICR lui doit le « Jardin du souvenir » un cénotaphe de quelques mêtres carrés de pelouse arboré dans l’enceinte du CICR à la mémoire des collègues morts en mission.

La montre de Cornelio était singulière. Sur le cadran figurait les noms de ses six enfants. Le temps ainsi découpé donnait aux nombreuses impatiences du « prez » une note apaisante.

Dernière mission CICR

En 1999, j’ai eu la chance de l’accompagner dans sa dernière mission en tant que président du CICR. Un voyage en Erythrée et en Ethiopie en soutien au processus d’Alger, alors en cours, qui conduirait à la paix entre Asmara et Addis Abeba. J’y vis CSO en mode diplomate de terrain, usant de tout moyen y compris de sa large stature pour obtenir des résultats.

« L’Humanitaire dans tous ses Etats » présente toutes ses condoléances à la famille et aux proches de Cornelio. Nous les savons nombreux. Bon vent, président.

Cornelio Sommaruga s’était aussi prêté, il y a 14 ans, à la petite série du blog : choisir une photo du livre « L’Humanité en guerre » et la commenter….

Petit clin d’oeil découvert à l’instant en rédigeant ce rapide hommage. Sur la fiche Wikipédia de Cornelio Sommaruga, le président est gratifié d’ubiquité de naissance… On le fait naître à Heiden (où est mort Dunant) et quelques lignes plus bas il naît à Rome… Tout se tient 😉