Le CICR peut enfin approvisionner les pharmacies centrales de sept hôpitaux de Khartoum, notamment en anesthésiques, antibiotiques, matériel de suture et perfusions pour la prise en charge des blessés par armes.
Selon les autorités sanitaires soudanaises, plus de 700 personnes ont été tuées et plus de 5 000 autres blessées depuis le 15 avril. Les infrastructures essentielles, structures de santé mais aussi d’approvisionnement en eau et en électricité, ont été gravement endommagées. À Khartoum, 5 millions d’habitants s’en retrouvent impactés. À cela s’ajoutent, les informations alarmantes faisant état d’attaques contre des personnels de santé, des structures médicales et des véhicules de secours.
Ramasser les corps mais aussi exhorter les parties au respect du droit humanitaire
En parallèle de l’assistance aux hôpitaux, le CICR coopère étroitement avec le Croissant-Rouge soudanais, dont les volontaires participent à la récupération et à l’identification des dépouilles des victimes. Il maintient également le dialogue avec tous les acteurs sur le terrain. Objectif : faciliter l’évacuation des blessés et rappeler aux parties les obligations qui leur incombent au titre du droit international humanitaire (DIH).
Interview du chef de la délégation du CICR au Soudan
Près d’un mois et demi après le début du conflit au Soudan, le chef de la délégation du CICR sur place, Alfonso Verdù Perez revient sur les conséquences humanitaires d’une impitoyable violence et les difficultés à porter secours et à assister et protéger les populations.
Quelles sont les conséquences humanitaires des combats depuis plus d’un mois ?
Les souffrances ici sont de tous ordres que ce soit pour ceux qui ont fui leur foyer ou ceux qui se terrent chez eux. Des centaines de milliers de personnes, parmi lesquelles des personnes âgées, des mères de famille et leurs enfants, ou encore des personnes handicapées, sont piégées dans les combats dans plusieurs villes soudanaises, notamment Khartoum, Al-Junaina, Zalingey et Nyala. Les conditions de vie, de survie devrait-on dire, sont effroyables, avec des pénuries d’eau, de nourriture et une incapacité de fuir.
Quelles sont les principales difficultés que rencontre le CICR sur place ?
Etre témoin de la situation effroyable dans laquelle se trouve la population de Khartoum, du Darfour et d’autres régions sans pouvoir intervenir massivement est une terrible frustration. Acheminer l’aide, notamment depuis Port-Soudan (à quelque 850 km de Khartoum) relève du défi. Malgré l’urgence de la situation, nous nous heurtons tantôt à des obstacles administratifs et bureaucratiques tantôt à l’absence de garanties de sécurité pour diriger les convois d’assistance vers leur destination. On estime à, à peine, 20 % les structures de santé encore opérationnelles à Khartoum.
En outre, les communications défaillantes que ce soit internet ou téléphoniques, impératives dans les opérations d’assistance, viennent s’ajouter à toutes les difficultés de déploiements que nous rencontrons.
Quelles sont les conséquences des attaques qui ont visé soignants et hôpitaux à Khartoum ?
L’impact du conflit sur les services de soins est dramatique à Khartoum. 80% des hôpitaux et structures médicales ont été désertés en raison d’attaques ou de pénuries en fournitures essentielles, médicaments ou nourriture. A cela s’ajoutent l’absence d’électricité indispensable pour faire tourner les blocs opératoires ou encore le manque d’eau et l’impossibilité de respecter les règles d’hygiène les plus élémentaires. Cette situation tragique illustre les conséquences humanitaires brutales des guerres en ville avec l’effondrement des structures essentielles à la population.
Une autre problème se pose depuis le 15 avril, date du début des combats : le ramassage des corps. Il est à la fois impératif de les évacuer mais aussi de les enregistrer. Cela fait partie des activités que mène le CICR en collaboration avec nos collègues du Croissant-Rouge soudanais. Ceci se fait à Khartoum, El Obeid ou encore Zalingei. Le ramassage et l’enregistrement est capital pour pouvoir renseigner les familles qui souvent se tourne vers nous en quête de nouvelles d’un proche porté disparu. Une « hotline » téléphonique à cet usage a été mise en place. Renseigner les familles ne signifie pas systématiquement que le proche porté disparu a été tué, il peut être détenu, blessé ou encore dans l’incapacité de communiquer.
Quel rôle joue le CICR dans le rappel des obligations auxquelles doivent s’astreindre toutes les parties pour respecter droit international humanitaire (DIH) ?
Du respect du DIH dépend la vie de milliers de personnes. Le droit n’est pas optionnel, c’est une obligation qui engage tous ceux qui prennent part aux hostilités. Nous les exhortons à respecter le DIH, tant publiquement que dans le cadre d’un dialogue confidentiel. Que ce soit à Khartoum ou au Darfour, fort de son expérience, de son mandat, de son rôle d’intermédiaire neutre dans les conflits armés, le CICR travaille dans ce sens avec le concours du Croissant-Rouge soudanais.
Quel bilan opérationnel du CICR depuis le 15 avril ?
À ce jour, le CICR approvisionne sept hôpitaux de la capitale soudanaise. Nous livrons également des sacs mortuaires au Croissant-Rouge soudanais. Nous avons assuré nos fonctions d’intermédiaire neutre dans plusieurs opérations d’ampleur, telles que le transfert et la remise, aux mains des SAF, de soldats égyptiens capturés par les RSF. Nous avons aussi mis en place une hotline dédiée aux allégations d’arrestation. Le CICR a par ailleurs été l’une des premières organisations humanitaires à avoir acheminé par avion, jusqu’à Port-Soudan, plusieurs tonnes de secours médicaux ainsi qu’une équipe de travailleurs humanitaires très expérimentée.
Cela peut paraître peu de choses, mais nous avons aussi réussi à maintenir une présence régulière à Khartoum, restant ainsi solidaires de nos collègues résidents. Il a également fallu tenter de protéger la délégation du CICR contre les pillages. Actuellement, nous travaillons à l’organisation de l’évacuation sanitaire de soldats blessés et également à la visite d’un centre de détention – la première à ce jour –. Tout ceci n’est qu’une goutte d’humanité dans un océan tragique et il est urgent de pouvoir démultiplier les efforts.
Quelles sont les priorités aujourd’hui ?
Près d’un mois et demi après le début du conflit, la priorité, prenant appui sur la déclaration de Jeddah, est de convaincre les parties à respecter les principes fondamentaux du droit international humanitaire et que ceux-ci se traduisent en actes sur le terrain.
En outre, il est indispensable que les parties allègent les procédures administratives de sorte que les travailleurs humanitaires puissent s’acquitter de leur mission de manière efficace. Cela suppose, entre autres, de débloquer les secours prépositionnés à Port-Soudan et de faciliter l’acheminement de l’aide jusqu’aux populations touchées à Khartoum et au Darfour. Mais la priorité demeure aussi de poursuivre l’assistance et le soutien des hôpitaux et autres structures de santé.
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