Si l’emblème de la Croix-Rouge est protecteur qu’en est-il de la protection dudit emblème ? Sa notoriété est tellement importante qu’elle a de tout temps su aiguiser les appétits mercantiles… Problème, plus l’emblème se retrouve corrompu ou contrefait par le commerce plus son identité, son snes, son signifiant/signifié s’en trouve affaibli.

Il est toujours nécessaire de rappeler qu’une croix rouge sur fond blanc (1864), tout comme le croissant (1929) et le cristal (2005) sont, en temps de guerre, des emblèmes de protection universelle. Sous leurs coupes se placent toutes les victimes et ceux qui leur portent secours.

Née avec l’action et le droit international humanitaires en 1864

Cette héraldique est internationale. Elle est décrite dans la Convention de Genève de 1864 portant sur le sort du soldat blessé en campagne. Depuis sa protection a été renforcée par tous les textes de droit international humanitaire qui se sont succédés tout au long du XXème siècle. Cette Croix-Rouge sur fond blanc n’est donc ni une marque, ni un logo.

De la protection internationale à l’usage indicatif

Certes, les sociétés nationales de secours utilisent, pour se distinguer, une Croix-Rouge sur fond blanc mais il s’agit d’un usage strictement indicatif, visant à par exemple singulariser des véhicules de secours lors d’une catastrophe. Pour les services de santé des armées, l’usage est aussi indicatif et devient protecteur en opération en temps de guerre.

Inimitable emblème

Les moins jeunes d’entre nous se souviennent de courtoises bisbilles entre le CICR et Médecins Sans Frontières (né en 1971) qui arborait un logo voisin de l’emblème international de protection. Au mitan des années 90, le problème fut réglé.

De l’ignorance à la perfidie

Les sociétés nationales de Croix-Rouge et du Croissant-Rouge veillent au quotidien à ces abus, parfois commis par simple méconnaissance de ceux qui s’en rendent coupable.

Plus grave est la perfidie décrite en droit international humanitaire. L’abus ici vise à tromper l’ennemi, par exemple lors d’opérations militaires. Ce fut le cas en Colombie en 2008 lors d’une libération d’otage. Le président de l’époque en avait, officiellement convenu, et s’en était excusé. On mesure les conséquences potentielles de ce type de comportement, tant pour les volontaires des sociétés nationales que pour les collègues du CICR et bien entendu pour les victimes secourues ou à secourir.

 

Croix-Rouge vs. Big Pharma

Reste l’un des plus fameux épisodes de la saga des abus d’emblèmes : le procès intenté en 2007 par la multinationale étasunienne Johnson & Johnson contre la Croix-Rouge américaine. Epique ! A lire cet article sur le site de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI)

Pour résumer, Johnson & Johnson soutenait l’antériorité de l’utilisation comme marque de la Croix-Rouge. Créée en 1881, la société nationale bénéficia en 1900, grâce à une décision du Congrès, d’une charte « interdisant toute utilisation de son emblème par des tiers ». Le problème est que Johnson & Johnson exploitait déjà le logo depuis treize ans. Le Congrès accorda une dérogation à la multinationale du Big Pharma.

Tout le monde fut, in fine, mis d’accord avec un rappel des Conventions de Genève : l’emblème universellement reconnu est né en 1864. Ses deux seules utilisations sont protectrices en temps de guerre et indicatives en temps de paix par les sociétés nationales de secours et les services de santé des Armées. Johnson & Johnson n’eut pas gain de cause et c’est tant mieux. Imaginez la portée de la Croix-Rouge si le commerce en avait fait un argument de profit !

Voici un bel argumentaire sur les emblèmes de protection développés par François Bugnion, ancien directecteur de la doctrine et droit au CICR.