Les « pros des retrouvailles », ainsi pourrait-on qualifier les spécialistes du Rétablissement des liens familiaux (RLF). Partout dans le monde, particulièrement dans les conflits armés, ils travaillent, volontaires des Croix-Rouge et Croissant-Rouge, sous l’égide du CICR à tenter d’élucider le sort de centaines de milliers de personnes portées disparues. En République démocratique du Congo, à force de recherche, 83 enfants âgés de 5 à 19 ans ont pu retrouver leurs proches en juillet dernier. Une opération de trois jours de rotations aériennes.
Manono, dans la province du Tanganyika, dans le sud-est de la RD Congo. Sous un soleil de plomb une vieille femme court à la rencontre de ses deux petits-enfants, Jason, 12 ans et sa sœur de deux ans son aînée. Le CICR vient de les ramener de Pweto, une ville à quelque 270 kilomètres de là, dans la province du Haut-Katanga. Trois ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Les deux enfants avaient été happés par un flot de déplacés fuyant les violences intercommunautaires au cours desquelles leurs parents avaient été tués. Le personnel CICR et les volontaires de la Croix-Rouge de la RD Congo (CRRDC) se tiennent en retrait, avec le sourire de la mission enfin accomplie.
« Pour chacun des 83 enfants qui vont être réunifiés ces trois prochains jours, nous avons eu à faire un travail minutieux de recherche pour retrouver leur famille. Ce processus a pris plus de trois ans dans certains cas », explique Pamela Ongoma, responsable du département de Rétablissement des liens familiaux (RLF) du CICR en RD Congo.
Un travail de fourmis puis parfois un sourire !
Pamela est à la tête d’une équipe de plus de 40 personnes réparties à travers tout le pays. Certaines passent leurs journées à collecter et mettre à jour toutes les informations pouvant être utiles pour élucider un cas de disparition. En lien permanent avec les agents enquêtant sur le terrain, par exemple dans l’est du pays, théâtre depuis des années de sanglants affrontements, elles récupèrent demandes et renseignements provenant de parents ou de proches désespérés. Parfois, ce sont des « enfants non accompagnés » eux-mêmes qui parviennent à entrer en contact avec les agents de recherche.
Un travail patient, parfois payant
« Pour les adultes, c’est relativement facile, car nous recevons la quasi-totalité des détails sur la personne à rechercher. En revanche, quand il s’agit d’un enfant, nous faisons souvent face à un déficit d’informations, explique Pamela. Certains ne savent parfois pas si leurs parents avaient des frères ou des sœurs. Ainsi, les coordonnées en rapport avec les adresses physiques peuvent être émiettées, les numéros de téléphone pour contacter les proches sont souvent méconnus. Cela conduit à un processus de recherche plus laborieux. »
La violence interdit souvent l’accès
A côté de ces difficultés soulevées par Pamela, l’accès physique à la localisation des proches est généralement un parcours semé d’embûches.
La densité et la géographie complexe de ce pays, aussi grand que toute l’Europe occidentale, constituent souvent des obstacles majeurs au travail de recherche et de réunification. Les infrastructures routières sont presque inexistantes ou en état de délabrement. Les nombreux cours d’eau, les vastes étendues de forêt ou de savane, les montagnes et le climat parfois rebelle rendent plusieurs régions du pays difficiles d’accès, voire inaccessibles.
« A bicyclette », mais pas que…
Il faut alors se montrer inventif : à pied, en pirogue, en vélo, à moto, en véhicule et en avion, autant de moyens qu’utilisent les équipes du CICR et les volontaires de la Croix-Rouge de la RD Congo pour redonner le sourire aux familles séparées.
« Ce n’est pas facile de localiser les personnes recherchées. Parfois, l’insécurité due à l’activisme des groupes armés nous handicape. Mais aboutir à une réunification est une joie immense pour nous », témoigne Bilali Barwani, chef du bureau RLF de la Croix-Rouge de la RD Congo à Kalemie, dans le Tanganyika.
Défi logistique permanent
Parce qu’il n’existe pas de connexions routières entre le nord, le sud, l’est et l’ouest de la RD Congo, les équipes recourent très souvent au « RED », un avion Dash-8, qui est l’un des deux appareils utilisés par le CICR pour faciliter ses opérations humanitaires dans le pays. En temps normal, quatre rotations hebdomadaires sont exécutées de l’ouest à l’est, sur une distance de plus de 2 000 kilomètres.
L’avion, souvent seule solution
Mais pour ces 83 enfants répartis dans les provinces du Tanganyika et du Haut-Katanga, en passant par celles du Nord-Kivu, du Kasaï-Oriental et Kinshasa, il a fallu un vol spécial afin qu’ils puissent retrouver leurs familles. Onze rotations en tout, étalées sur trois jours, ont été nécessaires. Cet exercice s’est avéré à la fois excitant et périlleux pour le pilote et son équipage.
« Nous avons l’habitude de transporter des passagers adultes, des médicaments, etc. Mais ce genre de vols avec un grand nombre d’enfants sont toujours assez uniques. Atterrir sur autant de pistes en terre battue, notamment dans le Tanganyika, tout en essayant de limiter les dommages, était un vrai défi », note le chef pilote, Davis Kungu.
Derniers kilomètres avant retrouvailles
A l’atterrissage, ce sont des véhicules, parfois des motos, qui prennent le relai sur des kilomètres de distance pour ramener les enfants dans leurs familles. En général, le travail de recherche effectué en amont par les agents RLF du CICR et les volontaires RLF de la CRRDC permet notamment d’identifier les adresses des enfants et de faire signer aux responsables des familles les fiches de consentement pour la réunification.
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