Partout dans le monde, le CICR avec l’appui des 190 sociétés nationales de Croix-Rouge et de Croissant-Rouge recherche des personnes portées disparues dans un conflit armé. Certes, la probabilité de décès est grande, mais il n’en reste pas moins que sans preuve, le deuil est impossible et la douleur des familles permanente.
D’autant que nombre de personnes disparues finissent souvent par réapparaître. Certains étaient détenus, d’autres blessés ou encore dans l’impossibilité de reprendre contact. Ce travail de fourmi qui mobilise au quotidien des milliers de personnels Croix-Rouge et Croissant-Rouge a commencé en 1870 avec la création de l’Agence centrale de recherches.
Une photo iconique
L’auteur de l’extraordinaire photo ci-dessus demeure inconnu (*) : « les internés blessés français de l’armée du général Bourbaki » soignés à Lausanne dans l’église des Terreaux en 1870. Composée comme un tableau (temps de pause oblige) cette photo iconique des premiers temps du CICR illustre à elle seule l’essentiel des missions de l’institution : la protection et le soin des personnes blessées et capturées, mais aussi la recherche des personnes portées disparues dans un conflit armé.
L’agence de Bâle, la bonne intuition
Le CICR crée l’Agence Centrale de Recherche
En 1870, le CICR crée à Bâle l’agence centrale de recherches. Son objectif, collecter le plus données possibles sur les soldats blessés ou capturés mais aussi sur les morts afin de renseigner les familles sur le sort de leur proche porté disparu. Le CICR n’a alors que 6 ans.
Dès le début de la guerre franco-prussienne, le 18 juillet 1870, la petite organisation genevoise a déjà à son palmarès la création des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et la rédaction la Première Convention de Genève sur le sort du soldat blessé en campagne. La création à Bâle d’une agence de renseignements destinée à élucider les cas de combattants portés disparus s’inscrit dans la même logique humanitaire.
Recherche des disparus, échange de nouvelles, etc.
« À l’origine, celle-ci [l’agence de Bâle] devait faciliter la transmission des communications et des colis de secours entre les ‘Comités centraux’ – c’est-à-dire les Sociétés nationales du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – situés dans les différents Etats belligérants. Rapidement, le Comité international suggère qu’elle s’emploie également à organiser l’échange de lettres entre les prisonniers de guerre et leur famille. Dès août 1870, alors que les communications postales ordinaires sont interrompues, près de 200 à 300 lettres transitent quotidiennement par l’Agence (…) », peut-on lire dans cette excellente contribution sur le blog Cross-files tenu par les historiens du CICR
Armée et empereur prisonniers
Guerre de 1870, des centaines de milliers de prisonniers
L’intuition est bonne de la part du CICR puisque la guerre de 1870 se singularise, entre autres, par la capture de centaines de milliers de soldats. Au-delà des 135 000 morts français (contre 51 000 côté allemand), cette guerre mal engagée, fruit d’erreurs grossières tant politiques que tactiques de la part de Napoléon III, verra la quasi-totalité de l’armée française faite prisonnière, l’empereur compris.
La défaite de Sedan a lieu le 2 septembre 1870… L’Empire s’effondre deux jours plus tard. La République est proclamée le 4.
Près de 500 000 soldats français tombent aux mains des Allemands, dont plus de 400 000 seront détenus Outre-rhin (18 000 d’entre eux mourront en captivité et seront inhumés sur place). On mesure à quel point l’Agence de Bâle, qui deviendra au XXème siècle « agence internationale des prisonniers de guerre » puis « agence centrale de recherches », se voit confrontée à une tâche gigantesque. Aux détenus s’ajoutent les internés, 4 000 en Belgique, 85 000 en Suisse (dont ceux de la fameuse photo de Lausanne).
La détention heureusement sera de courte durée. La raclée de Sedan est telle que Bismarck ne voit pas d’intérêt à entretenir trop longtemps le quotidien des prisonniers. Après quelques mois, les soldats dépenaillés peuvent retrouver leur famille. Paris est assiégée. Aux premiers mois de 1871, le peuple de la capitale meurt littéralement de faim.
Les prémices de la protection humanitaire
La recherche des personnes portées disparues et la visite en détention, deux piliers du CICR et de l’univers Croix-Rouge / Croissant-Rouge, va se construire tout au long du XXème siècle. Le gigantisme de la tâche s’exprimera durant les deux guerres mondiales et leurs dizaines de millions de demandes de recherches.
L’épisode fondateur de 1870 pèsera aussi sur l’avènement en 1929 de la IIIème Convention de Genève, portant sur le sort des prisonniers de guerre.
En guise de chute iconoclaste à ce clin d’œil d’historique, force est de constater que sans Napoléon III, le CICR ne serait peut-être pas. A Solférino, vainqueur. A Sedan, défait.
Il mourra à Londres, en exil en 1872.
(*) Cette photo est souvent attribué, à tort, au grand photographe Suisse Frédéric Boissonas (qui a 12 ans au moment de cette prise de vue !)
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