De 1862 à 1866, aux antipodes de la Suisse, le Royaume des Tonga s’identifiait par un drapeau en tout point identique à celui de la protection internationale des victimes de la guerre.

L’archipel des Tonga

L’explosion catastrophique du volcan des Tonga dans le Pacifique Sud, le 14 janvier dernier, a eu des conséquences catastrophiques pour l’ensemble de l’archipel. L’un des plus petits Etats, coupé du monde des jours durant, commence à recevoir une aide internationale substantielle. Les opérations de secours demeurent néanmoins complexes, pandémie de Covid-19 oblige. Les 100 000 habitants du Royaume ont, jusqu’à présent, été préservés de la contamination et craignent que les secours étrangers introduisent le virus dans les îles. L’urgence demeure l’accès à l’eau potable.

Un drapeau singulier

Cette actualité tragique a mis en lumière le drapeau des Tonga ; une héraldique qui interpelle les aficionados du monde Croix-Rouge… Le drapeau est rouge avec dans son quart supérieur gauche, une Croix-Rouge sur fond blanc… Abus d’emblème ? C’est un peu plus compliqué…

Hasard héraldique

L’histoire commence en 1862. Le roi George Tupou 1er choisit une croix grecque rouge sur fond blanc comme emblème des 150 îles qui composent son royaume. Sa majesté y voit un hommage au sang du Christ versé sur la Croix. Il est vrai que le roi est très pieux. Il est aussi conseillé par un prêtre méthodiste britannique, Shirley Waldemar Baker.

George Tupou 1er (1797-1893)

Shirley Baker (1836-1903)

Et pendant ce temps-là

Cette même année 1862, à l’autre bout du monde, Henry Dunant publie en Europe « Un souvenir de Solférino ». L’inspirateur de la Croix-Rouge y jette les bases de l’action et du droit international humanitaire modernes. Bases dont l’emblème deviendra dès l’année suivante une Croix-Rouge sur fond blanc. Elle sera reconnue internationalement par les Etats à travers la première Convention de Genève de 1864 portant sur le sort des soldats blessés en campagne. Le CICR de l’époque n’est probablement pas au courant qu’aux antipodes de la Suisse, un petit royaume utilise un emblème identique au sien. Rien n’a en tout cas été trouvé à ce sujet dans les archives du CICR à Genève.

Une seule croix rouge sur fond blanc

Pour autant, en 1866, le Royaume des Tonga abandonne son héraldique. Il adoptera, en même que sa nouvelle constitution en 1875, le drapeau que nous lui connaissons aujourd’hui : rouge avec dans son quart supérieur gauche, une Croix-Rouge sur fond blanc. Il est probable que Shirley Baker, auteur de la constitution tongienne a fini par apprendre via ses relations soutenues avec l’Australie, l’existence de l’emblème de protection universel des soldats blessés en campagne.

On attribue également à Baker la conception du pavillon royal (dont le syncrétisme n’est pas sans rappeler les « diagrammes » de Henry Dunant au soir de sa vie). N’oublions pas non plus que le principal conseiller de Tupou 1er, en bon Britannique qui se respecte, était ataviquement familier d’une autre Croix-Rouge, celle de Saint-Georges, que l’on retrouve sur le « pavillon de guerre des Tonga » adopté, lui, en 1985.