Au cours du premier semestre, le CICR et le Croissant-Rouge arabe syrien ont conduit des centaines de projets permettant à plus de 15 millions de personnes d’avoir accès à l’eau potable. Pour autant, les conséquences de dix ans de conflit armé, conjuguées à celles du changement climatique placent aujourd’hui l’eau au centre de tous les enjeux humanitaires.

En dix années de conflit, la plupart des installations d’approvisionnement en eau de Syrie ont été détruites ou endommagées.

Résultat : des millions de personnes impactées au quotidien. 40% d’eau potable en moins qu’en 2010, affirme une récente étude. Que l’on vive en ville ou en campagne, avant 2010, chaque Syrien disposait d’un accès fiable à l’eau potable (98 % des citadins et 92 % des ruraux). Aujourd’hui, à peine la moitié des stations d’approvisionnement mais également d’évacuation des eaux usées fonctionnent correctement. Ce déficit est l’une des conséquences directes du conflit armé.

« Les grandes installations d’eau potable très centralisées, qui forment les huit principaux systèmes d’approvisionnement en eau de Syrie ont toutes été gravement affectées par les hostilités » commente Christophe Martin, chef de la délégation du CICR en Syrie.

A Hassakeh, le transport de bidons d’eau fait le quotidien de beaucoup d’enfants. Natalie Bekdache/CICR

Des services essentiels interconnectés

Les services essentiels, tels que l’accès à l’eau, l’électricité et les soins de santé, sont interconnectés. Toute défaillance dans un domaine impacte les autres. Sans électricité, l’accès à l’eau est compromis affectant ainsi les structures de santé. Le pompage ou le retraitement de l’eau est tributaire de l’énergie. En Syrie, la production électrique a baissé de plus d’un tiers par rapport à 2010.

Pénurie catatrophique dans le nord-est

La pénurie d’eau a aggravé l’instabilité dans les zones déjà fortement touchées par le conflit, dans le nord-est du pays. Cette région continue d’héberger un nombre important de personnes déplacées, en plus des réfugiés de longue date venus d’Irak. A ceux-ci s’ajoutent les femmes et les enfants bloqués, issus d’une soixantaine de pays et vivant dans des camps comme celui d’Al-Hol.

Tawfik, un homme de 60 ans originaire d’Hassakeh, expliquait que la majorité des habitants de son gouvernorat, dont lui, ont un besoin urgent d’eau : « Creuser des puits ne fait remonter que de l’eau contaminée par des eaux usées qui n’est pas potable et ne peut pas être utilisée pour le lavage. »

700 000 personnes affectées à Hassakeh

Dans le gouvernorat d’Hassakeh, au nord-est de la Syrie, plus de 700 000 personnes souffrent quotidiennement du manque d’eau. « Les réservoirs ne couvrent qu’une petite fraction de la consommation, surtout en été où il faudrait un débit constant. S’il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de vie ! » déplore Mahmoud, un jeune homme de Hassakeh.

Enfants transportant des bidons d’eau sur une moto à Hassakeh. Natalie Bekdache/CICR

Les villes de Damas et Alep pas épargnées

La situation était déjà complexe avant le conflit en raison du changement climatique. Dix années de violence ont eu des conséquences humaines, économiques mais également environnementales, dévastatrices. Par exemple, les stations d’épuration de Damas et d’Alep ont été détruites en 2012 avec pour conséquence de graves risques pour la santé publique mais aussi la contamination des nappes phréatiques. Aujourd’hui encore, seule la moitié des systèmes d’approvisionement et d’assainissement fonctionnent en Syrie. Il faudra au moins cinq ans pour que la centrale d’Alep puisse à nouveau fonctionner et pour reconstruire cette installation dans des conditions stables.

Double peine

Au changement climatique s’ajoute une grave dégradation de l’environnement due au conflit armé. La situation en termes de disponibilité et qualité de l’eau est devenue un enjeu majeur pour la population syrienne. « Il ne s’agit pas d’avoir un clivage politique sur la reconstruction ; il s’agit de trouver des solutions pratiques dans les domaines de l’eau, de l’assainissement, de l’éducation, de la santé, de l’électricité et du revenu de base pour les personnes », commentait récemment le président du CICR, Peter Maurer, lors d’une visite en Syrie.

Assister 15 millions de personnes

Au cours des dix dernières années, le CICR a réalisé des milliers de projets d’ingénierie, à la fois pour répondre aux urgences mais aussi apporter un soutien actif aux collectivités locales responsables des approvisionnements. Depuis janvier 2021, le CICR et le Croissant-Rouge arabe syrien ont conduit des centaines de projets à travers le pays offrant à plus de 15 millions de personnes un accès à l’eau potable. Ceci a été rendu possible par la réhabilitation de plusieurs stations de pompage dans les zones les plus touchées par le conflit.

Une partie de ces projets a permis à des centaines d’agriculteurs d’irriguer leurs terres – l’agriculture étant aujourd’hui l’une des principales sources de revenus -. Une respiration dans un pays où désormais 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté.