Il y a six ans, toute la population de Dikwa a fui les combats dans la ville pour trouver refuge à Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno. La ville a ensuite été reprise par les forces gouvernementales avec l’appui de l’armée tchadienne. Depuis a périmètre de sécurité à été délimité aux abords de la ville.
Les civils luttent chaque jour pour survivre
Plus de 100 000 personnes s’entassent aujourd’hui au centre-ville de Dikwa et dans plusieurs camps surpeuplés établis autour de la ville. 75% des déplacés qui vivent là sont des agriculteurs ou des éleveurs. Etant donné qu’il leur est impossible de cultiver leurs terres ou d’élever leur bétail, ils sont privés de moyens de subsistance et dépendent quasiment entièrement de l’aide humanitaire pour survivre.
Depuis 2009, des centaines de milliers de civils ont été tués ou ont été forcés de se déplacer.
Les ressources sont rares, y compris l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires. Les prix des denrées alimentaires ont flambé et la malnutrition est de plus en plus répandue. Les gens vendent le savon qu’ils ont reçu des organisations humanitaires parce qu’ils n’ont pas d’autre moyen de gagner de l’argent.
La menace du choléra plane en permanence.
Les seules structures de santé réduites à néant
Falmata se trouvait dans la marée humaine qui a fui Dikwa en 2014 et 2015. Si elle a réussi à trouver un lieu sûr pour ses enfants, ce n’est pas le cas de son mari qui a été tué pendant les violences.
« Quand nous sommes revenus, l’hôpital avait été pillé et vandalisé et le dispensaire incendié. Tous les soignants avaient fui. Pendant un moment, il n’y avait plus d’accès aux soins du tout. » Falmata
Dans ce contexte de violence et de précarité extrême, le manque d’accès aux soins a durement éprouvé la population.
« Plus tard, les organisations humanitaires ont réouvert des structures de santé. Aujourd’hui, il y a de nouveau des médecins et des soignants pour s’occuper des besoins primaires. Mais en cas de problème grave, si le dispensaire ne peut rien faire, il n’y a pas de solution à Dikwa actuellement. Les malades doivent être transférés à Maiduguri. Sous escorte militaire, sinon, c’est risqué. »
Se laver les mains, d’accord, mais encore faut-il avoir de l’eau et du savon
Falmata est accoucheuse traditionnelle à Dikwa. Si elle aimerait que les gestes barrières soient appliqués, elle consent aussi que ce n’est pas la priorité : « certains respectent les règles, d’autres pas. Certains nient que le virus est une réelle menace. D’autres disent qu’il y a des problèmes plus urgents : l’insécurité, l’impossibilité de retourner chez eux, l’inflation, le manque de nourriture… Le virus n’est pas la seule chose dont nous ayons à nous inquiéter », dit Falmata.
Elle échange un regard avec les autres femmes assises en demi-cercle près d’elle, qui opinent de la tête, avant de poursuivre : « Se laver souvent les mains, d’accord, mais encore faut-il avoir de l’eau et du savon. Dans le temps, je me souviens qu’il y avait des canalisations d’eau ici à Dikwa et un gros générateur installé aux frais du gouvernement. Nous pouvions tous avoir de l’eau potable dans nos quartiers. Puis, il y a eu les attaques au cours desquelles les installations de traitement et d’accès à l’eau ont été en grande partie détruites. »
Creuser 350 mètres pour trouver de l’eau potable
Lors d’une enquête réalisée en 2019, 75% des ménages vivant dans les camps et 40% dans le reste de Dikwa déclaraient ne pas avoir suffisamment d’eau pour leurs besoins essentiels. Un an plus tard, la situation n’a pas changé.
La pression sur l’eau, déjà rare, est immense. De nombreux déplacés venus de zones rurales continuent d’affluer à la ville de Dikwa, où le périmètre sécurisé n’est pas extensible.
À l’intérieur de la forteresse qu’est devenue Dikwa, de plus en plus de forages sont réalisés. Il faut creuser de plus en plus profondément pour alimenter en eau une population qui ne cesse de croître. Pour le dernier forage de puits réalisé par le CICR, il a fallu creuser jusqu’à 350 mètres de profondeur pour trouver une nappe viable et des eaux souterraines propres.
La destruction des structures médicales et des équipements d’alimentation en eau à Dikwa et aux alentours est attribuable en grande partie au non-respect du droit international humanitaire et des civils, de leurs biens et des infrastructures civiles à leur service.
Cette tendance n’est pas nouvelle et ne se limite pas non plus au nord-est du Nigéria. Au cours de la dernière décennie, les guerres en Syrie, au Yémen, en Libye et ailleurs laissent à penser que les attaques d’infrastructures vitales sont désormais une tactique délibérée et non plus simplement des dommages indirects.
Si les murs criblés d’impacts de balles nous rappellent évidemment des violences, c’est la destruction des infrastructures essentielles (hôpitaux, écoles, stations de pompage, centrales électriques) qui ralentit le plus la reprise d’une vie normale.
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