Bad Arolsen, le plus grand centre mondial de documentation sur les persécutions nazies, multiplient ces dernières années les initiatives pour préserver la mémoire des victimes du IIIe Reich. Fin janvier, l’institution a relancé son initiative #Everynamecounts. Il s’agit de bâtir un mémorial numérique, grâce à la contribution de bénévoles. Avec l’opération #StolenMemory, Bad Arolsen cherche à remettre aux familles leurs effets personnels recouvrés dans des camps de concentration.

Depuis quelques années, Bad Arolsen s’est lancée dans la tâche titanesque de mettre en ligne les documents de leurs archives. Administrées par le CICR de 1955 à 2012, ces archives – 30 millions de documents – contiennent des informations sur près de 17,5 millions de personnes. Elles permettent aussi d’étudier le système concentrationnaire et les persécutions nazies. “Le nombre de survivants et de témoins diminuent chaque année. Cela rend ces documents d’autant plus importants, comme ils peuvent parler aux jeunes générations à leur place. Ce sont parfois aussi les dernières traces des victimes » souligne Floriane Azoulay, la directrice de l’institution.

Appel aux bénévoles pour un mémorial numérique

Afin de nourrir la base de documents en ligne, Bad Arolsen a décidé de faire appel à une méthode bien contemporaine, le crowdsourcing. En mai dernier, lors des commémorations du 75ème anniversaire de la fin de la Deuxième guerre mondiale, l’initiative #everynamecounts – chaque nom compte – a été lancée. Le principe est simple : tout un chacun muni d’un ordinateur et d’une bonne volonté peut alimenter la base de données en ajoutant des noms et informations contenus dans des documents. Une petite brique qui s’ajoute à d’autres, par des milliers de mains anonymes, contribuant ainsi à bâtir ce « mémorial numérique ».

Carte de Marianne Embden-Hamel, déportée juive à Buchenwald. Crédit : Archives Arolsen

Initialement en anglais et en allemand, la plateforme de saisie est désormais disponible en français, polonais et en espagnol. En 2020, plus de 10 000 personnes, de diverses nationalités, se sont portées volontaires et ont numérisé plus de 2,5 millions de documents. Preuve de l’intérêt suscité par ce projet collaboratif, depuis la relance de la campagne ce 21 janvier, plus de 740 000 documents ont déjà été numérisés.
Pour participer, c’est ici.

Des demandes en augmentation

Ce travail est d’autant plus important que les demandes de recherche sur des victimes du nazisme continuent d’affluer. Elles ont même augmenté en 2020 ! L’institution a ainsi reçu des requêtes concernant plus de 26 000 personnes, émanant pour la plupart des familles.

« Cette augmentation, nous la lions à deux choses » explique Anke Münster, responsable des relations publiques pour Bad Arolsen. « Nos campagnes nous ont rendus plus visibles, nous le constatons sur les réseaux sociaux. Mais nous voyons aussi un grand intérêt de la part des 2e, 3e, voire 4e générations pour leur histoire familiale. La possibilité de faire une recherche en ligne rapide favorise leurs démarches. Et ils peuvent toujours nous contacter s’ils souhaitent approfondir ».

En 2020, plus de 900 000 personnes ont réalisé des recherches en ligne.

Rendre aux familles les effets personnels volés

Les archives de Bad Arolsen comportent également des objets – lettres, bijoux, photographies, montres – confisqués aux prisonniers à leur arrivée dans des prisons et camps de concentration nazis. L’institution les a récupérés en 1962, essentiellement des camps de Neuengamme, de Dachau et de la Gestapo à Hambourg. Ces objets appartiennent surtout à des prisonniers politiques et n’ont en général que peu de valeur, les Nazis dérobant l’argent et autres richesses pour contribuer financièrement à l’effort de guerre…

Si ces objets ont peu de valeur commerciale, ils en revêtent une sentimentale pour les familles. Ils incarnent parfois les seuls restes tangibles d’un membre de la famille disparu dans la nuit de l’horreur. Bad Arolsen a donc lancé en 2016 une campagne baptisée #StolenMemory afin de retrouver familles et survivants. Plus de 500 d’entre elles ont été retrouvées depuis.

Les objets personnels du norvégien Tore Five – Crédit : Archives Arolsen

En 2019, lors d’une visite aux Archives, une journaliste norvégienne, Gøril Grov Sørdal, découvre une collection d’objets appartenant à des concitoyens. Pendant la guerre, plus de 9 000 résistants avaient été arrêtés par les occupants nazis et déportés. Bad Arolsen dispose d’objets appartenant à une trentaine d’entre eux, qui ont été libérés des camps lors de la fameuse opération des « bus blancs » menée par la Croix-rouge suédoise. Résolue à aider, la journaliste a enquêté dans son pays et est parvenue à retrouver la piste de presque toutes les familles.

Ce mois-ci, c’est en France qu’un colis particulier est arrivé. Dedans, Michel Loncar a trouvé la montre et le stylo plume de son père, Michajlo Loncar. Ce dernier, d’origine slovaque, avait été déporté de France dans un camp de travail associé à Neuengamme. Il y a survécu et s’est éteint en 2000 en France.

Crédit : Archives Arolsen

Bad Arolsen dispose encore de 2500 objets qu’elles cherchent à remettre aux familles.