C’est aujourd’hui l’anniversaire du CICR… 158 ans !

Le 17 février 1863, se réunit pour la première fois à Genève le Comité international de Secours aux Blessés. Et oui, il n’était pas encore question de Croix-Rouge… Cinq hommes le compose (*) : le Général Guillaume-Henri Dufour, le juriste Gustave Moynier, les chirurgiens Théodore Maunoir et Louis Appia et bien entendu, l’aventurier-philanthrope, Henry Dunant. Objectif de cette rencontre : mettre en oeuvre les idées jetées par Dunant dans son « Souvenir de Solférino » paru une année, à peine, auparavant.

La rapidité avec laquelle vont s’enchaîner les évènements est impressionnante. A en juger avec cette chronologie :

  • 1859 : Henry Dunant, témoin de la féroce bataille de Solferino.
  • 1862 : publication du livre « Le souvenir de Solférino« .
  • 1863 : le Comité international de la Croix-Rouge est créé.
  • 1864 : la Convention de Genève est adoptée et les premières sociétés nationales de la Croix-Rouge apparaissent.

Il fallut ainsi cinq ans pour que naissent l’action et le droit international humanitaires.

Voici le procès-verbal, signé J. Henry Dunant, secrétaire, de la première réunion du Comité, acte fondateur d’une saga de 158 ans qui n’est pas prête de s’arrêter (il suffit de regarder l’état de ce pauvre monde pour le comprendre).

Comité international de Secours aux Blessés.

Commission spéciale de la Société en faveur des Militaires blessés durant les guerres Séance de la commission du 17 février 1863

Présents : MM. le général Dufour, le docteur Théodore Maunoir, Gustave Moynier, président de la Société d’utilité publique, le docteur Louis Appia, et J. Henry Dunant.

M. Moynier explique que la Société genevoise d’utilité publique, dans sa séance du 9 février 1863, ayant décidé de prendre en sérieuse considération l’idée émise dans les conclusions du livre intitulé « Un Souvenir de Solférino », savoir la création en temps de paix de sociétés de secours pour les blessés militaires, et d’adjonction aux armées belligérantes d’un corps d’infirmiers volontaires, et ayant nommé MM. Dufour, Maunoir, Moynier, Appia et Dunant comme membres d’une commission destinée à préparer un mémoire sur ces sujets pour être présenté au prochain Congrès de bienfaisance, qui doit avoir lieu à Berlin en septembre 1863, la commission se trouve constituée ce jour par la présence de tous ses membres. Il propose, en outre, appuyé par M. Dunant, que la commission se déclare elle-même constituée en Comité international permanent.

Cette motion est adoptée à l’unanimité, et M. le général Dufour est nommé par acclamations président de ce comité, qui continuera donc à exister comme Comité international de secours aux blessés en cas de guerre, après que le mandat qui lui a été donné par la Société genevoise d’utilité publique aura pris fin. Mais la première chose dont nous devons nous occuper est la rédaction du mémoire qui doit être présenté à Berlin. Ce rapport doit exprimer dans ses conclusions, le désir de la Société genevoise d’utilité publique de voir le Congrès de Berlin :

  1. appuyer de son autorité la formation de semblables comités, dans toute l’Europe
  2. se charger par l’influence de ses membres de présenter cette idée aux gouvernements, en sollicitant leur appui, leurs bons avis et leurs conseils. De plus, le rapport doit développer l’idée elle-même des sociétés de secours aux blessés en temps de guerre, et la présenter au public sous une forme qui éloigne toute objection. Il faut d’abord poser des bases générales ; puis préciser ce qui peut déjà se faire dans tous les pays de l’Europe, en laissant toutefois à chaque pays, à chaque contrée, à chaque ville même, la liberté de se constituer sous la forme qu’elle préférera, et d’exercer son action de telle ou telle manière qui lui conviendra.

M. le général Dufour pense que le mémoire doit établir d’abord, la nécessité d’obtenir le consentement unanime des princes et des nations de l’Europe ; puis préciser quelles seront les bases générales d’action. Il faut qu’il se forme des comités, et non des sociétés, mais il faut que ces comités soient organisés partout en Europe, afin de pouvoir agir simultanément au moment d’une guerre. Il faut des gens qui viennent en aide et qui se mettent à la disposition des états-majors ; nous ne voulons pas nous mettre en lieu et place de l’intendance ou des infirmiers militaires. Enfin, il serait bon d’adopter un signe, un uniforme, ou un brassard, afin que ceux qui se présenteront avec cette marque distinctive, adoptée universellement, ne soient pas repoussés.

M. le docteur Maunoir désire que le public soit préoccupé le plus possible de la question des sociétés internationales de secours, car il faut toujours un certain temps pour qu’une idée pénètre dans les masses. Il serait bon que le comité entretînt une agitation, si l’on peut s’exprimer ainsi, pour faire adopter nos vues par tout le monde, en haut et en bas, chez les souverains de l’Europe, comme dans les populations.

M. le docteur Appia voudrait que l’on fît venir tous les documents qui peuvent nous être utiles, et que nous nous missions en rapport avec la haute autorité militaire en divers pays. M. Moynier a déjà fait venir de Paris des documents qui pourront nous être utiles.

 

M. Dunant voudrait que le rapport fît bien comprendre au public, qu’il ne s’agit pas seulement, dans l’œuvre qui nous intéresse, d’envoyer des infirmiers volontaires sur un champ de bataille : mais, il désire que l’on fasse bien comprendre au public que le sujet dont nous nous occupons est beaucoup plus vaste. Il renferme l’amélioration des moyens de transport pour les blessés ; le perfectionnement du service des hôpitaux militaires; l’adoption universelle des innovations utiles pour le traitement des militaires blessés ou malades; la création d’un véritable musée pour ces moyens de sauvetage, (musée qui aurait aussi son avantage pour les populations civiles); etc. Suivant lui, les comités devront être permanents et toujours animés d’un véritable esprit de charité internationale; ils devront faciliter l’envoi des secours de diverses natures, aplanir les difficultés de douanes, empêcher les dilapidations de tous genres, etc., etc. Il serait à souhaiter que partout les souverains les prissent sous leur patronage. Enfin, M. Dunant insiste tout spécialement sur le vœu émis, par lui, dans son volume « Un Souvenir de Solférino » : savoir l’adoption par les puissances civilisées d’un principe international et sacré qui serait garanti et consacré par une espèce de concordat passé entre les gouvernements : cela servirait à sauvegarder toute personne officielle ou non-officielle se consacrant aux victimes de la guerre.

Le comité prie M. Dunant de rédiger le mémoire, et celui-ci demande à Messieurs les membres de la commission de vouloir bien lui fournir des notes écrites.

Le comité, sous la présidence de M. le général Dufour, désigne M. Gustave Moynier comme vice-président et M. Henry Dunant, comme secrétaire.

La séance est levée.

Approuvé le présent procès-verbal

Le secrétaire J. Henry Dunant

(*) pour l’amorce de parité, il conviendra d’attendre un siècle de plus avec la nomination de la première femme à la tête d’une délégation du CICR, Jeanne Egger, au Zaïre !