En ce 17 décembre, « Journée du souvenir » instituée par le CICR en 2016 (*) à la mémoire de tous les humanitaires morts en mission, voici la petite histoire d’un jardin éponyme.

Il est un endroit à Genève, presque secret, presque caché, quelques mètres carrés arborés qu’identifie une plaque : « Le Comité international de la Croix-Rouge dédie ce lieu à la mémoire de celles et ceux qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur engagement humanitaire »

En 1998, à l’initiative du président du CICR, Cornelio Sommaruga, était créé à Genève, au cœur de l’enceinte de l’organisation, le Jardin du Souvenir. Deux ans auparavant, le CICR avait connu l’épouvante avec l’assassinat de neuf de ses collaborateurs, trois au Burundi dans une embuscade et six en Tchétchénie, exécutés dans leur sommeil.

La douleur et…

Depuis, le Jardin du Souvenir, cénotaphe anonyme et païen, invite au recueil, à la perpétuation intime de la mémoire des collègues et ami.e.s tué.e.s, pour cause d’engagement humanitaire. Le monument semble un tronc abattu. Mais l’eau continue d’y couler en son sein rectiligne que flanque deux règles de béton. Le recueil s’ incarne avec des photophores rouges où faseye la flamme du souvenir.

… l’indignation !

Au-delà de la douleur et de la tristesse, le Jardin du souvenir est aussi une interpellation. « On ne tire pas sur l’ambulance ! ». L’humanitaire quel qu’il soit ne saurait être une cible. Depuis plus de dix ans, l’initiative du CICR « soins de santé en danger » et son corollaire #NotATarget #PasUneCible mènent le combat pour qu’en zone de conflit armé soient respectés la mission médicale et l’espace humanitaire.Le Jardin du souvenir apparaît ainsi comme l’un des conséquences de violations graves et répétées du droit international humanitaire.

(*) Cette journée a été créée à l’occasion des 20 ans de la tragique nuit du 16 au 17 décembre 1996 correspondant à l’assassinat de 5 infirmières et 1 logisticien du CICR assassinés dans l’hôpital dont ils avaient la charge à Novie Atagy en Tchétchénie.

Extrait du discours de Cornelio Sommaruga, président du CICR lors de l’inauguration du Jardin le 8 mai 1998.

« (…) Lorsque, au CICR, nous avons pris la décision de créet ce lieu de recueillement,

nous venions de dire adieu à l’année 1996, une année qui restera à jamais marquée

d’une pierre noire dans l’histoire de Ia Croix-Rouge, une année dont le souvenir

douloureux demeurera intimement lie ces noms fatals de Mugina et de Novye

Atagy.

Sans doute le choc, l’émotion et Ia profonde tristesse que provoquerent en nous ces

deux tragédies, lorsque le fondement-même de notre mission s’était trouvé attaqué,

auront-ils été le déclic qui permit à une idée de prendre corps, celle d’honorer la

mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur engagement

humanitaire. La plaque qui est dans notre salon -et qui y demeurera- n’était plus

suffisante. Au-delà des délégués et des employés nationaux du CICR, au-delà des

membres et des volontaires de Ia Croix-Rouge, nous avons voulu, en tant

qu’institution “mère” de l’idée humanitaire, par ce geste d’ouverture, manifester notre

solidarité avec tous ceux qui ont place leur vie au service du même idéal, celui de

soulager les souffrances des victimes de la guerre, de Ia violence, de l’injustice et

des catastrophes.

Les Etats, pour honorer leurs morts, érigent des monuments de pierre ou de métal

comme matières d’expression de la mémoire. Le CICR n’est pas un Etat et n’en

pratique donc pas les rituels. Et puis, la pierre et le métal sont des matériaux certes

nobles, mais empreints de froideur et d’immuabilité. Pour nous souvenir de ceux qui

nous ont été arrachés, mais aussi pour nous permettre de méditer, de réfléchir et de

nous ressourcer dans un espace paisible, nous avons choisi ce jardin, certes modeste, surtout en ce début de printemps quand la nature se réveille à peine, mais

fertile, mais paisible, mais accessible dans sa précarité-même. Les valeurs

symboliques du noir et du blanc, fortes mais discrètes, évoquent l’image neutre,

mais engagée de la Croix-Rouge. Plutôt que d’interpeller le visiteur, elles favorisent

le libre cheminement de sa réflexion. (…)