À la mi-novembre, après la première semaine d’affrontements dans le nord de l’Éthiopie, une équipe du CICR s’est rendue dans le nord de l’Amhara et l’ouest du Tigré. Wilson Mondal, responsable de cette mission de reconnaissance, revient sur les faits les plus marquants.

Il nous a fallu trois jours de route pour couvrir le nord de l’Amhara et l’ouest du Tigré. Le but était triple : mieux comprendre la situation humanitaire en évaluant les besoins, rencontrer les autorités et enfin livrer aux structures de santé et services d’ambulances, médicaments et matériels qui, nous le savions, avaient à traiter un grand nombre de victimes des affrontements. Nous avons pu également avoir accès à certaines personnes détenues en relation avec les combats et leur fournir des articles d’hygiène.

Les déplacés craignent pour leur vie

En route, nous sommes tombés sur un village détruit. Une maison brûlait encore. La zone était complètement déserte. Plus loin, à Dansha, dans le Tigré occidental, nous avons croisé des déplacés dans un camp de fortune, laissés sans nourriture, ni eau, ni soins médicaux. Tous affirmaient continuer de craindre pour leur vie et chercher un passage en sécurité pour fuir le plus loin possible de cette zone.

A Abderafi, frontière du Nord Ahmara, les besoins étaient identiques. Des déplacés encore qui avaient fui leurs fermes, abandonnant tout. Eux aussi manquent de tout. Pas de nourriture, pas d’eau et encore moins de soins médicaux ou encore d’abris.

Il est encore difficile à ce stade de se faire une faire une idée du nombre de personnes ayant fui les combats. Notre première évaluation fait état d’au moins 2 000 personnes réparties en trois camps dans la zone parcourue. Mais nous craignons que ce chiffre soit en deça de la réalité compte tenu des régions que nous n’avons pas pu atteindre lors de cette première sortie terrain.

Ambulances sous le feu

Depuis le début des combats, trois ambulances de la Croix-Rouge éthiopienne ont été attaquées. Ceci est particulièrement inquiétant tant pour les secouristes que les blessés ou les malades qu’ils transportent. Le non-respect de la mission médicale a toujours des conséquences désastreuses. Ces dernières semaines, les noria d’ambulances ont évacué des centaines de blessés vers des structures de santé. Le CICR les soutient et a fourni nombre de kits de premiers secours à la branche régionale de la Croix-Rouge éthiopienne (ERCS).

Pénuries dans les hôpitaux

Dans le Nord-Ahmara, l’équipe CICR a constaté un ralentissement des admissions dans les hôpitaux en comparaison des 50 à 60 blessés quotidiens admis au début des affrontements. Si le nombre de patients nécessitant des soins d’urgence baisse, la plupart des établissements commencent à faire face à une pénurie de médicaments et fournitures essentiels. Le CICR a donc approvisionné certains établissements en fournitures médicales d’urgence, dont l’hôpital universitaire de Gonder, principal centre de référence de la région.

Séparés de leurs proches

Les trois semaines écoulées ont aussi vu leur lot de personnes séparées de leur famille et restant sans nouvelles ou dans l’incapacité de pouvoir en donner. Cela en raison des coupures affectant tant le réseau téléphonique que l’Internet et isolant de fait la région et ses populations.

A ce jour, nous avons enregistré plus de 1 300 demandes de personnes en Éthiopie ou à l’étranger cherchant désespérément à contacter leurs proches. Nous avons conscience que ce chiffre n’est que la pointe de l’iceberg. Reste la question des morts. Récupérer les corps demeure un défi immense et risque de laisser des familles dans un deuil impossible.

La réponse CICR

Malgré le soutien apporté aux structures de santé et à la Croix-Rouge Ethiopienne, les besoins urgents demeurent.

Les familles déplacées que nous avons croisées lors de cette première mission doivent pouvoir améliorer très rapidement leurs conditions de vie. Il faut pouvoir acheminer des biens de première nécessité, en plus de l’eau et de la nourriture, comme des couvertures, matelas, jerrycans, etc.

Alors que les affrontements se déplacent vers l’est, les établissements de santé du Tigré doivent être soutenus pour la prise en charge des blessés. Il faut aussi pallier au plus vite les débuts de pénuries en médicaments et en consommables qui affectent la plupart des hôpitaux. Enfin, les ambulances doivent pouvoir continuer sans qu’elles soient inquiétées ou ciblées, à évacuer les blessés des lignes de front.

Le CICR va aussi concentrer ses efforts sur le rétablissement des liens familiaux entre personnes séparées par la violence et en quête de nouvelles, tout comme demander l’accès aux détenus afin de s’assurer de leur traitement et leurs permettre de communiquer avec leurs proches.

Désormais, tous les regards sont tournés vers Mekele, la capitale provincial du Tigré. La ville compte plus de 500 000 habitants et nous savons que certains hôpitaux là-bas sont déjà à court de fournitures.