Le sommet de l’iceberg
« Ces cas ne constituent qu’une goutte d’eau dans l’océan ; ces 44 000 cas sont sans rapport avec l’ampleur réelle du problème », explique Sophie Marsac, conseillère régionale au CICR pour les personnes disparues et leur famille en Afrique. « Les conflits, la violence, la migration et les chocs climatiques continuent de provoquer les séparations de familles. A cela s’ajoute actuellement la pandémie compliquant un peu plus le travail de recherches ».
Forte augmentation des disparitions au premier semestre
Sept pays – Nigéria, Éthiopie, Soudan du Sud, Somalie, Libye, République démocratique du Congo et Cameroun – totalisent 82 % des cas de disparition enregistrés par le CICR en Afrique. Le Nigéria occupe le premier rang : près de 23 000 dossiers y ont été ouverts.
Il s’agit du plus grand nombre de cas de personnes portées disparues traités par le CICR sur le continent, la quasi-totalité des disparitions signalées étant liées au conflit en cours dans le nord-est du Nigéria.
De fait, ces sept pays ont tous connu au cours des six premiers mois de 2020 une augmentation du nombre de personnes portées disparues enregistrées par le CICR.
Au Soudan du Sud, un père, Juma Kedai Korok se souvient : « La disparition d’un de mes fils, Konyi, m’a plongé dans le désespoir, mais j’avais le sentiment qu’il allait revenir. Les deux premiers mois, je me suis enfermé dans la maison, inquiet, complétement déprimé » Enlevé par un groupe armé, quatre ans auparavant, Konyi n’a plus donné signe de vie. Il était alors âgé de 31 ans.
La pandémie complique le travail de recherche
La pandémie Covid-19 a créé de nouveaux défis en matière de recherches. Il n’est plus possible de rassembler de grands groupes de personnes pour écouter des listes de noms ou encore consulter des placards de listes de photographie. A cela s’ajoutent les restrictions imposées par de nombreux Etats tant pour des déplacements internes qu’à l’étranger. Il devient ainsi plus difficile de conduire des recherches dans de vastes zones géographiques. L’accès à nombre de lieux de détention, où le CICR mène aussi ses travaux de recherche, a été suspendu. Pandémie oblige.
Des outils en ligne nécessaires
Malgré tout, certains outils numériques mis en place et géré par le CICR et les sociétés nationales de Croix-Rouge et de Croissant-Rouge tels que Trace the Face – Southern Africa et Trace the Face – Europe, continuent d’apporter un service particulièrement utile aux personnes dispersées sur les routes migratoires et à leur famille.
Insupportable attente, espoir ténu
« La Journée internationale des personnes disparues doit nous rappeler qu’en Afrique, un nombre incalculable de familles sont à la recherche d’un être cher ; dans bien des cas, il s’agit de parents dont un enfant a disparu », poursuit Sophie Marsac. « Souvent, les familles de personnes disparues souffrent psychologiquement et sont confrontées à des difficultés d’ordre économique et juridique. La tragédie des personnes disparues est une crise humanitaire qu’il faut se garder d’oublier au moment où le monde entier se focalise sur la lutte contre la pandémie du Covid-19. »
Aider à résoudre les cas : une obligation régie par le droit international humanitaire
Le CICR appelle les autorités à reconnaître la tragédie des personnes disparues ainsi que son impact sur les familles touchées. Il leur demande de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour prévenir les disparitions, de prendre des mesures pour rechercher les personnes portées disparues et de fournir aux familles des informations sur le sort de leurs proches et le lieu où ils se trouvent.
Quelques chiffres :
Nigéria : 23 000 personnes portées disparues déclarées. Le Nigéria compte le plus grand nombre de cas sur lesquels travaille le CICR. Plus de 90 % des disparitions sont liées au conflit dans le nord-est du pays et dans 57 % des cas, la personne recherchée était mineure lorsqu’elle a disparu. Plus de 360 dossiers ont été ouverts auprès du CICR au Nigéria au cours du premier semestre 2020.
Ethiopie : Plus de 3 300 personnes disparues enregistrées. La majorité (64 %) sont des femmes et des enfants. Les affrontements intercommunautaires et la migration sont les principaux facteurs à l’origine des cas de disparitions que nous traitons en Éthiopie ; à ce jour, plus de 250 dossiers ont été ouverts en 2020.
Soudan du Sud : environ 5 000 personnes sont déclarées portées disparues pour la plupart suite aux violences et conflits intercommunautaires. Il s’agit de personnes dont la disparition a été soit enregistrée par le CICR au Soudan du Sud, soit signalée par des membres de la famille vivant à l’étranger dans des pays tels que l’Ouganda, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo et le Kenya.
Somalie : Les femmes et les enfants représentent les trois quarts des plus de 3 200 personnes dont la disparition a été enregistrée auprès du CICR. Ce chiffre inclut, d’une part, quelque 2 300 personnes dont la disparition a été signalée au CICR par la famille en Somalie ou par des parents se trouvant à l’étranger et, d’autre part, quelque 300 autres Somaliens portés disparus à l’extérieur du pays. Le CICR collabore avec le service somalien de la BBC (BBC Somali Service) qui diffuse sur ses ondes six fois par semaine les noms de personnes recherchées ainsi que des messages destinés aux communautés en Somalie et à l’étranger.
République démocratique du Congo : Plus de 500 personnes disparues ont été enregistrées par le CICR en 2020, ce qui porte à 1 800 le nombre total de dossiers ouverts. La plupart des disparitions sont liées à la violence et au conflit, notamment aux affrontements dans la province du Kasaï.
Libye : les conflits et la migration sont à l’origine des 1600 cas traités par le CICR. Depuis 2017, il a été constaté un nombre grandissant de demandes de l’étranger. Les familles recherchent en Libye des proches susceptibles d’être entrés dans ce pays sur le chemin de leur migration vers l’Europe. Beaucoup d’enfants en sont parmi .
Cameroun : le CICR a ouvert plus de 1 500 dossiers de personnes disparues, dont plus de 420 ont été enregistrées en 2020. Le nombre de cas continue d’augmenter d’année en année. 75% des disparitions sont en lien avec le conflit dans la région de l’Extrême Nord du pays.
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