Comment dans les conflits armés prévenir la propagation du Covid-19 ? Comment envisager l’après-crise sans risque d’aggravation de la violence ? Dans cette déclaration, Fabrizio Carboni, directeur du CICR pour le Proche et le Moyen-Orient fait le point sur les enjeux et défis actuels.

« Le Moyen-Orient est aujourd’hui confronté à la double menace d’une épidémie massive de maladie à coronavirus dans les zones de conflit et d’une crise socioéconomique imminente qui, conjuguées, pourraient avoir de graves conséquences humanitaires.

Risque de séisme socioéconomique

La pandémie de Covid-19 risque en effet d’entraîner dans son sillage un séisme socioéconomique mondial, qui frappera de plein fouet les zones de conflit de la région, où des millions de personnes pâtissent déjà de la pénurie ou de l’absence totale de soins de santé, de nourriture, d’eau et d’électricité, de la perte de leurs moyens de subsistance, de la hausse des prix et de la destruction des infrastructures.

Les besoins humanitaires déjà criants vont augmenter, tandis que de nouveaux apparaîtront, si la communauté internationale ne tient pas compte, dans sa réponse à la pandémie, des risques de répercussions socioéconomiques qui y sont liés. Aussi faut-il soutenir les autorités et les intervenants locaux dès aujourd’hui, si l’on veut, demain, sauver des vies, préserver les moyens de subsistance et garantir la sécurité économique des habitants de la région.

Des mesures de santé publique certes indispensables, telles que le confinement ou les couvre-feux, font que de nombreuses personnes ont du mal à pourvoir à leurs besoins et à ceux de leur famille ou n’y parviennent tout simplement pas. Les petits commerçants ont dû fermer boutique ; les cafés sont désertés et les vendeurs de rue se sont retrouvés du jour au lendemain sans gagne-pain. En outre, le passage au télétravail pourrait laisser beaucoup de monde à la traîne. À terme, le nombre de personnes souffrant de la faim, de malnutrition, de maladies chroniques et de stress en raison de difficultés économiques risque de s’envoler.

Dans tout le Moyen-Orient, nombreux sont ceux qui vivent déjà au jour le jour, luttant pour survivre et reconstruire leur existence envers et contre tout. En Syrie, le spectacle d’enfants de l’âge des miens jouant dans des camps m’a profondément marqué. Ces garçons et ces filles font partie des millions de personnes que nous aidons au quotidien à se procurer de l’eau potable. En Irak, des mères et des veuves m’ont dit ce que notre soutien à leurs petites entreprises signifiait pour leurs familles. Ce soutien sera plus vital que jamais dans les mois à venir, alors que le monde entier subira les effets de cette pandémie.

Le Mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge mobilisé

En collaboration avec nos partenaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, nous mettons aujourd’hui tout en œuvre pour aider les personnes les plus vulnérables de la région et redoublons d’efforts pour prévenir la propagation du virus. Au Yémen, dans le cadre du soutien que nous apportons aux hôpitaux, cliniques et centres de dialyse, nous contribuons désormais à sensibiliser les personnels de santé à la prévention du Covid-19. En Syrie et en Irak, nous aidons les prisons à mettre en place des mesures de lutte contre l’infection. Nous transportons en outre de l’eau par camion-citerne vers les camps, les sites de personnes déplacées et les lieux de détention, afin que les gens puissent se laver avec de l’eau propre. Nous distribuons aussi aux déplacés et aux détenus des kits d’hygiène comprenant du savon et du shampoing.

Fournir des services de base aux populations les plus fragiles

Plus généralement, il est important que nous puissions continuer à offrir des services dans les domaines de l’eau, l’assainissement et l’approvisionnement en électricité, à distribuer des vivres et des articles de première nécessité aux ménages dans le besoin et à mener des initiatives microéconomiques – voire que nous renforcions ces services là où c’est envisageable –, si nous voulons soutenir plus efficacement des systèmes fragilisés et répondre aux besoins essentiels de la population, qui pourraient être occultés par la pandémie. En ce moment même, au Yémen, nos équipes sont sur le terrain pour enregistrer les personnes qui ont besoin d’assistance. Nous entendons, dans les mois à venir, accroître notre soutien dans toute la région, en aidant en particulier les personnes qui risquent d’être le plus durement touchées, comme les travailleurs à faible revenu, les femmes ayant charge de famille, les agriculteurs et les personnes handicapées.

Adapter les méthodes d’assistance

Nous avons adapté nos méthodes de travail pour protéger la santé de nos employés et celle des personnes auxquelles nous portons assistance, en respectant les distances d’usage lors des distributions, en portant des équipements de protection et en changeant la manière dont l’assistance, en nature ou en espèces, est distribuée. Nous continuerons à nous adapter et à innover. Nous renforcerons notre assistance aux personnes qui en ont le plus besoin, en collaboration avec nos partenaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et avec l’aide de dizaines de milliers de volontaires, qui se mobilisent chaque jour d’un bout à l’autre du Moyen-Orient, pour porter secours à leurs communautés, en ces temps de pandémie et au-delà. »