Le plus jeune Etat d’Afrique, né de l’indépendance conquise sur le Soudan en 2011, n’aura connu que deux ans de paix. Depuis, conflit et violence intercommunautaire ensanglantent le pays. Les conséquences humanitaires y sont tragiques. On a tous en mémoire les norias aériennes de cargos larguant des vivres dans les marais de l’état de l’Unité où étaient réfugiées, dénuées de tout, des dizaines de milliers de personnes fuyant les combats.  Aujourd’hui, des avancées politiques font naître quelques espoirs. Pour autant, la violence intercommunautaire ne s’est pas tarie et les besoins humanitaires sont toujours aussi importants.

En trois mois, 250 tués à Rumbek

Avec un accès aux armes à feu facilité et une lutte pour le contrôle du peu de ressources encore disponibles, la violence continue de faire des morts et des blessés et de pousser toujours plus de civils à fuir. Depuis novembre dernier, trois épisodes de violence se sont produits aux alentours de Rumbek, dans le centre du Soudan du Sud : plus de 250 personnes ont été tuées, 300 ont été blessées, et davantage encore ont été forcées de quitter leur foyer.

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En réponse à cette situation, le CICR a agi conformément à sa mission de protection et d’assistance. Au cours des trois derniers mois, 54 patients ont été évacués depuis les zones touchées par les combats et transportés jusqu’à la capitale, où ils ont été pris en charge par une unité chirurgicale du CICR.

Un conflit qui dissuade les agriculteurs de travailler loin de chez eux

Les familles d’agriculteurs les plus modestes ont vu leurs récoltes diminuer de façon drastique depuis 2013. Avant que la guerre n’éclate, elles parvenaient à produire suffisamment de nourriture pour sept mois, mais aujourd’hui, leurs réserves ne couvrent leurs besoins alimentaires que pour deux mois*.

Ce manque de nourriture s’explique par les effets du conflit, combinés aux catastrophes climatiques – alternance d’inondations et de périodes de sécheresse – et aux épisodes récurrents de violence, qui dissuadent les agriculteurs d’aller travailler aux champs, trop éloignés de chez eux.

Quelques signes d’améliorations, petits mais encourageants, sont observés dans le pays. En 2019, le CICR a constaté que les communautés auxquelles il avait fourni des semences et du matériel agricole, étaient parvenues à produire assez de nourriture pour environ quatre mois bien que ces réserves restaient insuffisantes pour tenir jusqu’à la prochaine récolte.

Ouest de Juba – 2019 – distribution de semences et d’outils par le CICR – CICR/Florian Seriex

De nouvelles pénuries de nourriture sont attendues en 2020, surtout si les criquets se propagent et dévorent les jeunes plants. Par ailleurs, les affrontements communautaires pourraient encore aggraver la situation alimentaire dans certaines régions, en particulier si les habitants sont contraints de fuir loin de chez eux et ne peuvent plus accéder à leurs terres ni s’approvisionner ou vendre leur production sur les marchés.

« Le conflit a privé de nombreux agriculteurs locaux de la possibilité de cultiver leurs terres. Si la situation est un peu meilleure aujourd’hui, les inondations survenues fin 2019 ont noyé les récoltes dans certaines régions, et l’invasion de criquets menace aujourd’hui de détruire la suivante et d’entraîner une nouvelle dégradation de la situation », explique James Reynolds, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Soudan du Sud

*En 2013, une famille pauvre récoltait assez de sorgho pour se nourrir pendant six à sept mois. Aujourd’hui, la récolte moyenne par ménage dure seulement deux à quatre mois. 

Adaptation de la version anglaise : South Sudan: Millions struggle to recover from unsparing war, as violence threatens fragile stability