Dans ce point de vue, Christophe Harnisch, chef de la délégation du CICR en Colombie exprime ses inquiétudes quant à la difficile mise en œuvre de l’accord de paix historique signé en 2016 et identifie au moins cinq conflits armés actifs dans le pays.

En Colombie, la situation humanitaire est de plus en plus complexe du fait de l’évolution des dynamiques de conflit dans les régions les plus pauvres et les plus reculées du pays. Là-bas, beaucoup d’habitants ne connaissent toujours pas la paix, et pour nombre d’entre eux, la situation sur le plan de la sécurité s’est même fortement dégradée. « À Tumaco, l’après-guerre se révèle plus difficile à vivre que le conflit lui-même », me disait-on il y a peu. Malheureusement, la situation a aussi empiré ailleurs.

En réalité, on ne peut parler d’après-guerre en Colombie, puisqu’à l’heure actuelle, on observe encore, non pas un, mais au moins cinq conflits armés dans le pays. Parmi eux, quatre opposent l’État colombien à des groupes armés organisés, à savoir respectivement l’Armée de libération nationale (ELN), l’Armée populaire de libération (EPL), les milices d’Autodéfense gaïtanistes de Colombie (AGC), et les anciennes structures du Bloc oriental des FARC-EP qui ont rejeté le processus de paix ; et un cinquième conflit oppose l’ELN et l’EPL. Ces conflits armés, qui viennent s’ajouter aux actes de violence perpétrés par d’autres groupes dans les campagnes et les villes, continuent de marquer le quotidien de millions de Colombiens.

Autre sujet d’inquiétude grave : les dynamiques transfrontalières qui présentent un risque de conflit patent, et la situation humanitaire dramatique à laquelle sont confrontés les migrants, qui devrait encore empirer en 2019. La migration et les conflits se conjuguent en une équation compliquée, qui fait que des personnes extrêmement vulnérables se retrouvent exposées à une violence qu’aucun être humain ne devrait avoir à subir.

On ne peut parler d’après-guerre, puisqu’à l’heure actuelle, on observe au moins cinq conflits armés en Colombie.

En 2019, nous continuerons de mettre l’accent sur le manque de mesures prises face aux disparitions. Plus de deux ans après l’annonce de la création de l’Unité spéciale de recherche des personnes portées disparues, plus de 80 000 personnes demeurent introuvables, et leurs proches sont toujours dans l’attente d’informations, qui n’arrivent qu’au compte-gouttes.

Je tiens à souligner que les disparitions forcées ne sont pas une tragédie du passé, mais une pratique injustifiable qui reste d’actualité. Je le dis ouvertement : tous les porteurs d’armes du pays se sont servis et se servent des disparitions pour semer la peur et contrôler des populations et des territoires. Il est indispensable qu’ils comprennent une fois pour toutes que tout n’est pas permis en temps de guerre. Le respect du droit international n’est pas facultatif. C’est pourquoi tous les acteurs qui sont ou ont été parties à des conflits armés ont l’obligation absolue de rechercher les personnes disparues dans le cadre de ces conflits et de prévenir de nouvelles disparitions.

Rien ne changera sans l’engagement et la volonté affichés de l’État, des groupes armés et de la société civile dans son ensemble. La Colombie peut et doit être un pays où la peur et la violence ne rythment pas le quotidien de millions d’habitants.