Skip to main content
fr
Fermer

Le statut et la protection des ressortissants de pays tiers dans les conflits armés internationaux

Action humanitaire / Droit et conflits 10 minutes de lecture

Le statut et la protection des ressortissants de pays tiers dans les conflits armés internationaux

Dans les conflits armés internationaux, des ressortissants de pays non belligérants peuvent se trouver (et se trouvent) sur le champ de bataille. Qu’elles soient là en tant que volontaires, employées d’entreprises de sécurité ou mercenaires, les personnes appelées ressortissants de pays tiers mettent à l’épreuve le postulat selon lequel les États font la guerre avec des armées constituées de leurs propres citoyens qui s’engagent avec loyauté. Mais le phénomène des combattants étrangers n’est pas quelque chose de nouveau. C’est là une caractéristique traditionnelle de la guerre et le droit des conflits armés s’applique à eux et les protège comme n’importe quelle autre catégorie de personnes.

Dans ce billet, le conseiller juridique principal pour le CICR, Ramin Mahnad, analyse ce que disent les Conventions de Genève et d’autres sources du droit des conflits armés – ou droit international humanitaire (DIH), à propos des combattants qui ne sont pas ressortissants d’un État belligérant.

Rien dans le droit international humanitaire n’interdit que des ressortissants de pays tiers ne participent aux hostilités. Aucune règle n’oblige un État à recourir exclusivement à ses propres citoyens pour constituer ses forces armées et les individus venant de l’étranger pour combattre ne violent pas plus que d’autres le DIH. Toutefois, la nationalité des combattants et les circonstances de leur participation peuvent avoir une incidence sur leur statut et les droits qui y sont attachés, s’ils tombent au pouvoir de l’adversaire.

Quelle que soit la catégorie juridique à laquelle ils appartiennent, quelles que soient les circonstances de leur participation et quelle que soit leur nationalité, les ressortissants de pays tiers qui ont participé aux hostilités et qui sont détenus, blessés ou morts, restent protégés par le DIH en tout temps. Aucune personne affectée par un conflit armé ne peut se voir refuser cette protection juridique en raison de ses activités ou de sa nationalité.

Quels sont les droits et les protections dont bénéficient les ressortissants de pays tiers détenus ? Sont-ils protégés en tant que prisonniers de guerre (PG) ?

Lorsque des combattants ressortissants de pays non belligérants sont capturés, leur statut dépend en grande partie de la forme et du degré d’affiliation à l’État pour le compte duquel ils combattent. Si, par exemple, ils ont rejoint les forces armées d’un État avant d’être capturés ou si l’État a incorporé leur unité au sein de ses forces armées, les combattants capturés sont protégés en tant que prisonniers de guerre (PG), en vertu de la Troisième Convention de Genève. Selon les traités en vigueur, leur statut de PG peut reposer sur différents critères, mais la nationalité n’est en aucun cas l’un de ces critères.

La puissance détentrice doit accorder toutes les protections prévues par la Troisième Convention aux ressortissants de pays tiers ayant le statut de PG. Cette puissance doit notamment les traiter avec humanité et respecter leur honneur, les enregistrer et en informer son bureau national de renseignements et l’Agence centrale de recherche du CICR, afin de leur permettre de correspondre avec leurs familles, de les protéger contre la curiosité publique et de leur assurer des conditions de vie décentes s’ils sont internés.

Mais surtout, les ressortissants de pays tiers qui ont été capturés alors qu’ils servaient dans les forces armées de l’ennemi ont droit au privilège du combattant. Le droit de participer aux hostilités, qui leur confère une immunité contre les poursuites judiciaires, ne cesse pas de s’appliquer seulement parce qu’un combattant est ressortissant d’un État non belligérant. La puissance détentrice peut donc, comme pour les autres PG, les interner jusqu’à la fin des hostilités actives afin de les empêcher de retourner sur le champ de bataille, mais elle ne peut pas les poursuivre pour le seul fait d’avoir combattu ses forces.

S’il y a le moindre doute  sur la question de savoir si une personne qui a participé aux hostilités a droit au statut de PG, elle doit se voir accorder toutes les protections dues aux PG telles que prévues par la Troisième Convention, en attendant que son statut ait été déterminé par un tribunal compétent.

Les ressortissants de pays tiers qui participent à une guerre sont-ils des « mercenaires » ?

En droit des conflits armés, le simple fait que quelqu’un combatte pour un pays étranger ne fait pas de cet individu un « mercenaire » pour le compte de cet État. En réalité, le DIH coutumier et conventionnel donnent une définition du terme « mercenaire » qui est bien plus limitée que ce que pourrait laisser entendre celle utilisée couramment. Par exemple, les membres des forces armées d’un État belligérant – quelle que soit leur nationalité – ne peuvent pas, par définition, être considérés comme des mercenaires. En conséquence, toute personne qui rejoint les forces armées d’un État étranger n’est pas un mercenaire et ne peut pas se voir refuser, pour ce motif, la protection afférente au statut de PG (y compris l’immunité contre les poursuites judiciaires).

Même si les ressortissants de pays tiers participent aux hostilités sans rejoindre les forces armées d’un État, ils ne seront pas automatiquement considérés comme des mercenaires au regard du DIH. Pour les considérer comme tels, un État devrait également prouver, entre autres, qu’ils prennent part aux hostilités essentiellement en vue d’obtenir un avantage personnel. Il devrait également prouver que la rémunération matérielle qui leur a été promise, par une partie au conflit ou en son nom, est nettement supérieure à celle qui est payée aux forces armées de cette partie.

Une personne qui répond à la définition de mercenaire n’a pas le droit au statut de PG mais reste protégée par d’autres règles du DIH, comme cela est montré ci-après.

Quel est le statut du personnel étranger d’entreprises militaires et de sécurité privées ?

Les entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) ne constituent pas, en soi, une catégorie juridique au sens du droit des conflits armés. Le statut d’un ressortissant d’un pays tiers qui travaille pour une EMSP repose sur les mêmes critères que pour toute autre personne ayant cette nationalité. Dans le cas où une EMSP fait partie des forces armées de l’État, son personnel a droit au statut de PG au même titre que n’importe quel autre membre de ses forces armées (et l’État est responsable de tous ses actes tout comme pour n’importe quel autre membre de ses forces armées). Le statut du personnel des EMSP originaire de pays tiers dépend donc fortement des particularités de chaque situation.

Que dit le droit à propos des ressortissants de pays tiers qui combattent sans faire partie des forces armées d’un État ?

Tous les ressortissants de pays tiers qui combattent sans remplir les critères permettant de bénéficier de la protection offerte par le statut de PG en cas de capture peuvent toujours bénéficier, en vertu d’autres sources du DIH, des protections offertes aux civils. La Quatrième Convention de Genève, le Protocole additionnel I et le DIH coutumier peuvent donc tous, le cas échéant, s’appliquer et, contrairement au régime des PG, la nationalité des civils peut avoir une importance pour certaines règles. Dans tous les cas, le DIH, entre autres, leur garantira un traitement humain, veillera à ce que l’Agence centrale de recherches soit en capacité d’informer leurs familles et les pays concernés, fixera les conditions matérielles et les garanties procédurales applicables à l’internement de ressortissants de pays étrangers qui représentent une menace impérieuse à la sécurité et garantira le droit à un procès équitable en cas de poursuites pénales.

Bien que le DIH n’interdise pas aux civils de participer directement aux hostilités, il les en décourage fortement. Les civils qui participent aux hostilités ne bénéficient pas du privilège du combattant. Ils peuvent donc faire l’objet de poursuites pour le simple fait d’avoir participé au conflit. Il est toutefois important de noter que leur droit à un procès équitable et à d’autres garanties judiciaires doit être respecté.

Les forces ennemies peuvent-elles attaquer des ressortissants de pays tiers sur le champ de bataille ?

S’agissant de la conduite des hostilités, la nationalité de chaque combattant est sans effet pour déterminer s’ils sont ou non des cibles légitimes. Le DIH interdit d’attaquer les civils, à moins qu’ils ne participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation. On entend par civils, toutes les personnes qui ne sont pas membres des forces armées d’une partie au conflit. Dans la conduite des hostilités, les forces armées d’une partie au conflit comprennent toutes les forces, tous les groupes et toutes les unités, armés et organisés qui sont placés sous un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette partie. Pour toutes les catégories susmentionnées, la nationalité des combattants n’est pas un critère.

Les États d’origine sont-ils responsables du comportement des ressortissants de pays tiers ?

Bien qu’ils ne soient pas parties au conflit, les États dont ces individus sont ressortissants ont la responsabilité de faire connaitre les dispositions des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels à leurs forces armées et à leur population civile. Ils ont aussi l’obligation de prévoir la sanction pénale des IG aux CG, d’enquêter et, le cas échéant de poursuivre les auteurs présumés y compris lorsque ces infractions ont été commises par leurs ressortissants lors de conflits se déroulant en dehors de leur propre territoire. Il s’agit d’obligations qui s’inscrivent dans l’obligation générale de respecter et de faire respecter le DIH en vertu de l’article 1 commun et du droit coutumier et qui en en découlent.

Quelle que soit la raison pour laquelle ils sont sur le champ de bataille, il conviendra d’observer avec attention les combattants ressortissants d’États non belligérants. D’un point de vue juridique, il n’existe aucun doute sur le fait qu’ils ont droit à toute la protection du DIH et qu’ils ne peuvent pas être exclus de l’un des statuts protecteurs – PG ou civil – uniquement parce qu’ils ont la nationalité d’un État non belligérant.

Partager cet article

Commentaires

Il n'y a aucun commentaire.

Commentez