A 80 kilomètres au nord de Tombouctou, la région du lac Faguibine était connue auparavant pour la richesse de son environnement. Bois, animaux, poissons, céréales étaient exportés dans tout le pays, jusqu’en Algérie, Mauritanie et Côte d’Ivoire. Mais depuis les années 1970, les longs épisodes de sécheresse ont, peu à peu, transformé le lac en dunes de sable.

Le retrait progressif des eaux a provoqué l’arrêt de la pêche et la chute des activités pastorales et agricoles. Le sable avale les habitations des villages de Bilal Bancor, Bintagoungou et Mbouna.

Tensions exacerbées entre agriculteurs et éleveurs

Cette raréfaction des terres et des pâturages alimente également des disputes persistantes entre agriculteurs et éleveurs. Mahamadou Ousmane, cultivateur, observe : « Entre éleveurs et agriculteurs, il n’y a pas un jour sans conflit. Parce que l’espace est petit, tout le monde veut l’exploiter. C’est la raison des tensions. »

Depuis que le lac a tari, un gaz émanant du sol brûle les quelques arbres qui restent dans les environs. Il rend la terre incultivable. Moussa Mouhamadou Touré nous montre ses anciens champs : « Regardez comment la couleur de notre terre a changé. Tantôt rouge, tantôt noire, tantôt des grains. Le gaz a brulé toute la terre et les arbres. »

Pour tenter de survivre dans cet environnement hostile à la vie humaine, certains coupent les derniers arbres qu’il reste pour les revendre ensuite. Cela entraine l’érosion et l’assèchement des sols. Alhousna Walet Alhassane, bucheronne, est veuve et ne peut compter que sur elle-même : « Je sais que c’est mauvais pour les sols, mais qu’est-ce que je vais manger si je ne le fais pas ? »

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Faute d’avenir, choisir l’exode ou pire

Dans cette région autrefois prospère, la pauvreté s’est progressivement installée.

La jeune génération n’a pas d’autre choix que de quitter les villages de la région, nourrissant l’exode rural. Moussa Mahamadou Touré, dont le fils s’est installé à Bamako, raconte : « Le village fonctionne grâce à ses braves enfants qui sont partis en exode. 50% à 60% de nos populations sont parties. » Son fils confirme : « Moi, je suis venu à Bamako parce que nos parents vivaient avant de l’agriculture. Mais nous, on a trouvé la sécheresse pendant notre enfance. Nous qui sommes là [à Bamako], nous redistribuons ce qu’on trouve entre nous et la famille qui est au nord. »

D’autres sont tentés par une autre voie : rejoinder un groupe armé. Dans cette région, le travail se fait rare. Dans certains villages mêmes, comme à Bintagoungou, l’école a fermé.

Dans cet établissement ensablé, le maire Hama Abacrene se désole : « L’école pouvait accueillir 400 élèves. 400 élèves, c’est toute une génération. Une génération perdue, une génération qui se tournera vers l’exode ou bien le recrutement. »

Véhicules calcinés lors d’une attaque à Bintagoungou dans la région de Tomboctou. Des enfants en ont fait leur terrain de jeu. Birom Seck/CICR, 2021

Limiter les effets du changement climatique

A Bintagoungou, le CICR a mis en œuvre un projet de fixation de dix hectares de dunes de sable à Bilal Bancor. Il s’agit d’obstruer le principal chemin par lequel le sable s’engouffre dans le village. Plus d’une centaine de personnes issues de ménages vulnérables ont participé à ce projet et ont perçu une rémunération journalière pendant une vingtaine de jours.

Parmi les pays les plus pauvres au monde, le Mali est en proie aux conflits depuis plusieurs années. La situation humanitaire y est critique et les conditions de vie extrêmement rudes. Principalement constitué de surfaces désertiques ou semi-désertiques, ce pays est aussi l’un des vingt pays les plus vulnérables au changement climatique selon l’index Notre Dame Global Adaptation Initiative (ND-Gain).

Trentes années séparent ces deux photos du lac Figuibine (1991, vue aérienne et 2021, vue terrestre) :

Vue satellite du lac Figuibine (en forme de fer de lance) et du lac Komango à son extrémité est, en avril 1991.

Le lac Faguibine qui jadis faisait la richesse et la fierté des populations de Mbouna n’est plus qu’une terre craquelée d’où émane un gaz étrange qui brûle arbres et plantes. Les quelques arbres qui survivent sont la proie des coupeurs de bois.