Le 18 avril 2015, un bateau sombre en Méditerranée, faisant plus de 1000 victimes d’une dizaine de nationalités – un naufrage comme il en existe malheureusement beaucoup d’autres. L’ex-premier ministre italien Matteo Renzi prend néanmoins une décision inédite : récupérer l’épave afin d’en identifier les victimes. #387 est l’une de ces victimes ; un homme dont il reste quelques vêtements et un portefeuille, avec des photos et une lettre d’amour.

Pendant 4 ans, la réalisatrice Madeleine Leroyer, avec sa co-auteur Cécile Débarge, ont filmé les efforts d’une poignée de personnes – humanitaires, médecins-légistes, activistes – qui cherchent à redonner un nom aux victimes. Une campagne de mobilisation #unnompourchacun / #numbersintonames a été lancée pour sensibiliser à cette thématique trop négligée.

Une coalition de bonnes volontés

Le documentaire est construit comme un film policier et suit le travail de fourmi de ces quelques enquêteurs dévoués. Parmi eux, José-Pablo Baraybar, anthropologue-légiste du CICR. Sa tâche : réussir à trouver les familles des victimes afin de permettre des identifications formelles grâce à l’ADN. Sa mission le mène en Mauritanie, à la frontière malienne, une terre aride d’émigration où de nombreuses familles pleurent des disparus. Combien de leurs fils sont montés sur ce bateau et combien pourront être identifiés ?

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L’identification des migrants décédés est un sujet souvent oublié, négligé, difficile à résoudre. Mais ce sont des dizaines de milliers de familles qui souffrent de ne pas savoir ce qu’il est advenu d’un proche. Face à l’immensité de la tâche, redonner un nom à quelques-uns, apporter une réponse à leurs familles jusqu’alors confrontées à un deuil impossible, représente déjà une avancée.

Le légiste du CICR, José Pablo Baraybar en Mauritanie s’entretient avec des familles de disparus, avec le soutien du Croissant-rouge mauritanien. Photo : Lucile Marbeau – 2018

Une campagne contre l’oubli et l’indifférence

Le documentaire est actuellement programmé dans divers festivals internationaux et sur une dizaine de chaines de télé, dont Arte. Mais Madeleine Leroyer et Cécile Debarge souhaitent aussi que ce film soit une arme de plaidoyer. La campagne #unnompourchacun / #numbersintonames vise à promouvoir le droit à l’identité et à la dignité pour les victimes en Méditerranée, et le droit de savoir pour les familles. Un objectif qui rejoint les préoccupations humanitaires du CICR ainsi qu’un constat : ce n’est pas un combat qu’une organisation peut mener seule.

La première étape de la campagne : porter le film auprès des premiers concernés, soit les familles des victimes. Un circuit est prévu à l’automne en Mauritanie, au Mali et au Senegal. Des témoignages et doléances seront enregistrés afin de nourrir le plaidoyer auprès d’organisations internationales et politiques. Pour financer ce « cinéma-mobile », une campagne de financement participatif a été lancée sur kickstarter.

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