Chaque année, des milliers de personnes fuyant les conflits, la violence ou la pauvreté risquent leur vie en tentant désespérément la traversée de la Méditerranée centrale pour rejoindre l’Europe. Face aux nombreuses tragédies humanitaires en mer, l’Ocean Viking, un navire de sauvetage opéré par SOS Méditerranée en partenariat avec la Fédération internationale de la Croix-Rouge (IFRC), offre refuge et assistance aux personnes en détresse. À son bord, le dispositif Salamat permet aux personnes rescapées de donner des nouvelles à leurs proches et de les informer qu’elles sont saines et sauves. Dans ces instants de répit après l’indicible, Salamat – signifiant “bonne santé” en arabe – redonne de l’espoir et de l’humanité à ceux qui ont frôlé l’oubli.

La Méditerranée centrale est aujourd’hui la route maritime migratoire la plus mortelle au monde. Cette route reliant les côtes libyennes à l’Italie ou Malte, expose les migrants qui tentent la traversée dans des embarcations de fortune à de nombreux risques : naufrages, violences, exploitation par des passeurs sans scrupules, ou encore conditions climatiques imprévisibles. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), depuis 2014, 24 295 personnes sont décédées en Méditerranée centrale en tentant de rejoindre l’Europe.

Un pont d’espoir en Méditerranée centrale

Bien souvent, les personnes secourues en mer par l’Ocean Viking ont été séparées de leurs proches dès le départ de leur pays d’origine ou au cours de leur périlleux parcours migratoire. Ces séparations prolongées, parfois pendant des mois et sans aucune possibilité de communiquer, amplifient leur détresse psychologique, ajoutant un poids émotionnel au traumatisme déjà vécu en mer. Dans ce contexte d’incertitude et d’isolement, la possibilité de donner un signe de vie à leurs proches ou d’obtenir des nouvelles d’eux est un besoin essentiel. 

Depuis juillet 2021, les équipes de la IFRC sont présentes à bord de l’Ocean Viking pour répondre aux besoins essentiels des personnes rescapées. Elles leur apportent des soins médicaux, un soutien psychosocial et fournissent des informations sur les types de protection auxquels elles pourront prétendre en Italie ou en Europe. Un an après le début de cette collaboration, le dispositif Salamat a vu le jour grâce à un partenariat entre la IFRC et le CICR, permettant aux survivants de renouer avec leur famille. 

© Johanna de Tessières / SOS MÉDITERRANÉE

Réparer les liens brisés pour retrouver de l’humanité

Après avoir été sensibilisées à la mission du rétablissement des liens familiaux (RLF) assurée par le Mouvement Croix-Rouge, les personnes secourues ont la possibilité de fournir le numéro de téléphone d’un proche, où qu’il se trouve dans le monde. Le CICR, via sa délégation à Belgrade, coordonne ensuite le processus et transmet les messages aux délégations locales du CICR ou aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans les pays concernés. Grâce à cette approche localisée, les familles sont contactées par un représentant local du service de RLF, qui les informe, dans leur langue maternelle, que leur proche est en sécurité et en route vers un lieu sûr. 

Si la première tentative échoue en raison de problèmes techniques ou d’un numéro de téléphone incorrect, un nouveau numéro est collecté à bord, et le processus est minutieusement relancé jusqu’à ce qu’une connexion soit enfin établie.

© Johanna de Tessières / SOS MÉDITERRANÉE

Pour apaiser les survivants à bord, les réponses des familles recueillies lors des appels téléphoniques sont transmises en retour aux équipes de la IFRC présentes sur l’Ocean Viking. Ces échanges permettent donc de rassurer à la fois les survivants et leurs familles. Camille Coletta, cheffe de l’équipe protection de la IFRC, explique : « Après avoir vu leur vie en péril en traversant la mer, pouvoir témoigner qu’ils sont vivants a un impact profond sur leur santé mentale. » Elle ajoute : “ »Après des mois, parfois des années passées dans des pays de transit comme la Libye, où la dignité humaine est bafouée et où ils n’ont aucun moyen de communiquer avec leurs proches, pouvoir passer un appel devient une chose inestimable. Créer ce lien avec leur famille, c’est leur redonner un peu d’humanité et d’espoir. »

Cette opération exige une mobilisation rapide de cette chaîne d’interlocuteurs afin d’obtenir un retour avant le débarquement des survivants. C’est pourquoi les messages Salamat sont collectés et transmis immédiatement par des moyens sécurisés. « Ce processus est très rapide, en moins de 48 heures, le réseau parvient à atteindre le monde entier malgré les décalages horaires et d’autres défis, à partager les nouvelles avec les familles et à redonner des informations aux survivants à bord. Toutes les personnes travaillant sur ce projet sont extrêmement motivées, engagées et touchées par l’impact du dispositif sur les familles et les personnes sauvées », explique Mirjana Petrovic, coordinatrice régionale pour la protection des liens familiaux au sein de la délégation du CICR à Belgrade.

Entre juin 2022 et décembre 2024, près de 30 délégations du CICR et 20 Sociétés nationales du réseau Family Links, soutenues par l’équipe transrégionale de Belgrade, ont traité un total de 3 351 demandes de Salamat dans 63 pays du monde. La majorité des demandes de Salamat étaient à destination du Bangladesh, de loin, suivi de l’Égypte, la Syrie, la Libye et la Gambie. Grâce à une coordination optimale et un processus rigoureux, près de 90 % des demandes ont été traitées avec succès au cours de 34 rotations conjointes sur le projet Salamat avec l’Ocean Viking.

Grâce à l’engagement des équipes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, cette initiative témoigne de la force d’un réseau international solidaire. En permettant aux survivants de renouer avec leurs proches, elles offrent plus qu’une simple communication : elles apaisent les souffrances psychologiques des personnes secourues et restaurent la dignité.

 

Remerciements particuliers à l’équipe de SOS Méditerranée.